samedi 7 février 2009

Tropique du Capricorne, Henry Miller (1939)


Publié en 1939, "Tropique du capricorne" fit scandale dans les milieux puritains qui furent choqués par une écriture si crue et osée. Pourtant, ce qui saute aux yeux dès les premières pages voire les premières lignes, c'est cette prose décapante, imagée et originale qui, même si elle part dans des trip parfois, ravit son lecteur.


Dans son roman, Miller vomit toute sa haine envers l'Homme et met en avant le côté dérisoire de la vie. Cultivant l'indifférence à l'égard d'autrui, refusant toute forme d'attachement et prônant un mode de vie hédoniste, le personnage dépeint par l'auteur dans "Tropique" apparaît individualiste, je-m'en-foutiste et imbu de lui-même. Le monde, l'univers, c'est lui-même. L'intelligence est une arme qui lui permet de vivre selon son désir en se servant de ses "amis" mais aussi en accédant à ce qu'il veut. En fait, il ne déteste pas vraiment les hommes, il les reconnaît seulement par intérêt, il les voit comme des attributs qu'il pourrait joindre à son bien-être selon les situations. Pour cela, il utilise son cerveau afin de devenir le plus primaire possible et jouir foncièrement de la vie dans son propre monde envahit par la solitude. Grandir à l'envers, redevenir un enfant au sein de sa propre enfance et embrasser un mode de vie denué de toute méditation sur la vie, tels sont les combats menés par le personnage de "Tropique" pour se construire un monde où les envies remplacent les réflexions et les émotions. La vie est un tapis roulant. Soit on se laisse porter et on meurt au bout, soit on marche à contre-sens, on en sort et on va mourrir où on le souhaite, ce qu'a choisi le personnage. Ce dernier aimerait rajeunir et revenir dans le ventre de sa mère afin de se développer dans une sorte de contre-vie. Il aspire au désir de vivre une existence inversée au sens populaire du terme, déconstruire ce qu'il fabrique malgré lui avec le temps ici-bas. En somme, l'auteur est en quête d'une liberté absolue qu'il compte atteindre par un repli sur soi (mais pas une exclusion) et une absence de réflexion.


Mais ce livre comporte deux visages: celui du personnage, indifférent à tout, imbu de lui-même et volontairement seul, et celui de l'auteur, finalement sensible et soucieux du monde qui l'environne. L'auteur vient compléter le monde construit par le personnage en faisant apparaître une recherche et une curiosité envers autrui. Tout ce que le personnage aspire à rejeter, l'auteur le connait fort bien, de ce dégoût fictif découle une sensibilité bien réelle et "l'homme que j'étais je ne le suis plus" devrait plutôt être "l'homme que j'ai décrit je ne le suis plus".


Bref, "Tropique du Capricorne" est un excellent roman, doté d'un cynisme exageré, d'un érotisme parfois cru et souvent poétique mais surtout d'une prose loufoque de toute beauté. Il faut tout de même noter que la deuxième partie "Interlude" présente quelques longueurs et nous donne l'impression que l'auteur écrit uniquement pour lui-même. A lire.