vendredi 26 septembre 2008

L'Age des Possibles, Pascale Ferran (1995)

Avec son côté romantico-intello et ses acteurs ressemblant à Monsieur tout le monde, "l'Age des Possibles" fait penser dans un premier temps à du Eric Rohmer. Mais après quelques moments passées en compagnie de ces personnages au combien réalistes, on se rend compte que c'est juste mille fois mieux. On entre très vite en osmose avec ces personnages qui vivent un peu la même vie que la notre. La plupart ont environ vingt-cinq ans, l'Age d'Or d'après ce que l'on dit. Mais la réalisatrice met en avant la situation instable de ces jeunes adultes. Elle montre que la transition vers le monde adulte n'est pas facile. C'est l'heure des engagements tant sur le plan professionnel que sur le plan amoureux.
Globalement, le film dresse un portrait plutôt noir en montrant le côté éphémère des choses qui se perpétue à l'âge adulte. Il brise cette barrière entre le monde de la jeunesse et celui de la stabilité en montrant que rien ne change mis à part des obligations que l'on se fixe parce que l'on a atteint un certain âge. Mais il décrit aussi très brillamment cette liberté de choix qu'ont les jeunes aujourd'hui contrairement aux générations précédentes et cela du fait des progrès technologiques mais aussi sociaux. Et au final, on ressent une certaine solitude chez ces jeunes, leur relations sont soit superficielles soit éphémères. On expérimente des relations sexuelles loufoques, on réalise des enquêtes dans la rue en attendant de faire le boulot dont on rêve, on se ment à soi-même afin de se plonger dans un rêve artificiel...
En ce qui concerne la forme, Pascale Ferran a reçu de nombreuses contraintes par rapport à ce film. C''est un peu comme le label Dogma que l'on retrouve dans les films de Lars Von Trier ou de Moodysson. Cela aboutit donc à un film très simple et très intime qui nous permet d'observer les personnages dans ce qu'ils ont de plus profond.
Un film qui doit certainement toucher davantage les classes moyennes que les pauvres qui n'ont pas le temps de choisir ou les riches qui n'ont pas à choisir (oui j'ai toujours eu un petit faible pour les clichés!). Malgré son côté "Hélène et les garçons" version intello, "L'Age des Possibles" est dans son ensemble assez dur et les quelques scènes positives ne parviennent pas à combler ce vide existentiel dans lequel nous plongent les personnages. Un film étrange.

jeudi 25 septembre 2008

Good Morning Babylonia, Paolo & Vittorio Taviani (1987)

Nicola et Andrea, rénovateurs de monuments historiques, tentent d'aller gagner leur vie en Amérique, perçue comme lieu de réussite sociale en ce début de XXème siècle. Au bout de quelques jours déjà, c'est la désillusion et les deux frères enchaînent les travaux saisonniers les plus avilissants, jusqu'au jour où ils rencontrent le célèbre réalisateur Griffith, en plein tournage de son pamphlet pacifiste "Intolérance". Celui-ci, décide de les embaucher pour réaliser les décors de son film et les deux frères, par la même occasion, font la connaissance de deux figurantes...
Mélangeant allègrement le cinéma italien au cinéma américain, les frères Taviani immortalisent une époque: celle de l'Amérique à la veille de la Première Guerre Mondiale. Ne se limitant pas à la simple histoire de "deux Italiens en Amérique", "Good Morning Babylonia" analyse la mentalité ainsi que la composition hétéroclite de la population américaine. En plus de suivre le trajet de deux immigrants en quête de réussite sociale, on observe la façon dont les italiens sont perçus en Amérique. Et c'est d'ailleurs de ce sujet que traite une des scènes les plus réussies du film. Les deux frères, qui voient leur peuple se faire traiter de voleurs et de fainéants, répliquent en énonçant "qu'ils sont les fils des fils des fils de Michel-Ange et se demandent de quelles racines peut se revendiquer le peuple américain, terre d'opportunistes qui a effacé toute forme de culture ancestrale?"
Le film porte également en grande partie sur le milieu du cinéma, mais celui-ci est plus observé d'un point de vue extérieur. Dans un contexte conflictuel, on constate ainsi l'influence d'un cinéma pacifiste mais aussi ses limites qui sont souvent établies par l'usage de la force.
Enfin, la forme est très originale car elle mélange les styles. La musique ainsi que la façon dont est filmée la foule fait parfois penser aux premiers films de Fellini. Mais "Good Morning Babylonia" rajoute un côté plus intimiste, filmant les personnages de façon plus personnelle en évoquant leur blessures passées, tout cela de manière très artistique et poétique.
Un bon film.

mercredi 24 septembre 2008

Ordet, Dreyer (1955)

Chez Dreyer, l'ambiance est spéciale. Les personnages gardent la plupart du temps un visage stoïque et tout se passe dans le regard. Dans "La passion de Jeanne d'Arc", c'était le trop-plein de foi qui faisait défaut à la pucelle alors que dans "Ordet", un des sujets principaux serait le manque de foi ou du moins la recherche de la vraie foi. Les personnages ont tous un rapport à la foi différent. Le grand-père semble prier quand le besoin s'en fait sentir et paraît plus attirer par une Croyance que par un Dieu; Johannes, après avoir étudié la théologie est devenu fou et se prend pour Jésus en tentant d'apporter la Parole Divine, le pasteur explique tout par Dieu alors que le médecin croit aux miracles mais à ceux de la science... bref tous les cas de figures sont présents. Mais la fin, qui semble délivrer un message est réellement abstraite et l'on ne sait si celui-ci est porteur d'espoir ou au contraire défaitiste. Mais ce qui est réussit, c'est ce retournement de situation: ceux que l'on croyait être fous ne le sont pas et la vision du spectateur est totalement inversée. Rien que pour cette scène, ce film vaut le coup d'être vu. Il est assez rare qu'un réalisateur parvienne si bien à changer la vision du spectateur.
Un film un peu lent et froid mais qui a été source d'inspiration pour de nombreux cinéastes comme Bregman, Bresson ou Truffaut (qui a repris la scène du cerceuil dans son film "La Chambre Verte").

A l'Est d'Eden, John Steinbeck

Long et passionnant voyage à travers l'Amérique au début du XXème siècle, "A l'Est d'Eden" est une oeuvre magistrale mettant en opposition le Bien et le Mal.
En effet, Steinbeck s'inspire du mythe d'Abel et Caïn pour dresser une psychologie du Mal. Il pense que l'Homme possède une Vertu de base qu'il conserve toute sa vie. Mais à cela vient s'accoler le Vice ou plutôt les Vices qui changent continuellement de visage pour tenter de corrompre la Vertu. Cela, l'auteur nous le fait ressentir en montrant que le Mal ne peut se comprendre, qu'il est inexplicable et aléatoire. En général, il est facile de vanter les qualités d'une personne en évoquant sa sensibilité, sa bravoure ou sa générosité mais comment expliquer sa cruauté? "A l'Est d'Eden" nous donne quelques éléments de réponse en "matérialisant" le mythe d'Abel et Caïn: l'individu a besoin de reconnaissance dès son plus jeune âge et s'il sent qu'il plaît moins que son voisin ou qu'il croit être d'une utilité moindre, le Vice prendra le dessus sur la Vertu. En gros, s'il l'on ne peut jouir de sa Vertu, on devient mauvais. C'est sur cette idée-là qu'est construit tout le récit à travers l'exemple d'Adam et Charles, deux frères, puis des deux jumeaux d'Adam, Aron et Caleb. Steinbeck écrit clairement que c'est le choix de traitement du père que va rendre l'un bon et l'autre mauvais. Il y a également Cathy, Mal incarné déguisé en Vertu, avec sa philosophie "qui bande le premier encule l'autre", profitant des faiblesses des autres pour les manipuler..."A l'Est d'Eden" c'est aussi cette comparaison entre le relationnel et les sentiments propres des personnages, et la réflexion est loin de s'arrêter là...
Mais le roman dépasse le cadre de la simple narration pour dresser un portrait de la vie des paysans en ce début de XXème siècle. On y apprend leur coutume mais surtout, fait majeur de cette desription, l'hermétisme à toute forme de culture lettrée. Les paysans possèdent une culture orale, en somme ils se contentent de transmettre leur savoir-faire. Mais Steinbeck se sert justement de cet argument pour montrer que l'Homme a besoin de culture en s'appuyant sur Samuel Hamilton, personnage haut en couleur, cultivé et intelligent.
Enfin, même le style d'écriture est excellent. On glisse sur les lignes et on ne tourne en rond à aucun moment. Steinbeck parvient à nous faire ingurgiter l'histoire d'une mulitude de personnages sans nous perdre une seule fois au cours de ces 700 pages. Il traite aussi, et c'est une des curiosités du roman, à égalité tous les personnages quel que soit leur importance et le lecteur assimile donc aussi bien les détails que l'histoire principale.
Au final, un livre qui se présente comme une fresque intemporelle et qui surprend par sa modernité tant au niveau de ses idées que de son écriture.

mardi 23 septembre 2008

Le Mari de la Coiffeuse, Patrice Leconte (1990)

"Le Mari de la Coiffeuse" ou "l'Art de faire un film sans scénario". Ce film, qui se passe à huis clos, sonne un peu comme un nanard au premier abord. Le début, racontant l'enfance du mari de la coiffeuse, fait un peu penser à "La Gloire de mon Père" d'Yves Robert. Puis très vite, on se dit qu'on va se faire chier, que le film va tourner en rond et finalement ça n'arrive pas. Leconte réussi à combler et même à construire quelque chose avec rien. Il y a une grande dimension onirique et nostalgique dans cette fiction, c'est en quelque sorte une leçon montrant qu'il vaut mieux garder de beaux rêves plutôt que de chercher à les réaliser car cela finit souvent mal.
Ajoutez un Jean Rochefort dans un de ses meilleurs rôles et vous ne pouvez que passer un bon et beau moment.

Les Nuits Fauves, Cyril Collard (1992)

Un film choc tourné de manière assez crue qui, bien que le sujet soit tentant (le SIDA), ne sombre jamais dans le pathos. Cyril Collard était un admirateur de Jean Genet et ça se ressent dans son art. Chantre de l'homosexualité, de la drogue et des milieux marginaux, il réalise ici une autobiographie touchante, jouant son propre rôle et n'ayant pas peur de montrer son côté le plus intime, et cela sans tabou. Le travelot, qui chante tout au long du film du Fréhel est un clin-d'oeil à "Divine" de Notre-Dame-des-fleurs écrit par Genet. Quant à Romane Bohringer, elle crève l'écran en nous livrant une prestation poignante et sans faute.
Un film certainement culte dans les milieux homosexuels marginaux qui sonne un peu comme le poème "Je ne voudrais pas crever" de Boris Vian: le minuteur est enclenché, la fin est proche, plutôt que de se lamenter profitons de la vie en s'adonnant à tous les plaisirs imaginables, tout en étant aigri par l'injustice qui nous touche.
C'est paradoxalement un message hédoniste qui ressort du film alors que pendant plus de deux heures règne une atmosphère plutôt sordide.
Enfin, toute la réflexion des "Nuits Fauves" est basée sur le désir et ses ambiguités et un tableau relativemennt exhaustif en est dressé. Cyril Collard avait besoin de faire ce film, ça se ressent. Malheureusement, il meurt du SIDA trois jour avant la consécration de son film aux Césars en 1993...

L'Apiculteur, Angelopoulos (1986)

Un film très simple d'un point de vue esthétique mais qui atteint, lorsque l'on prend le temps de l'apprécier, des sommets de profondeur. La métaphore de l'apiculteur, ne parvenant pas à trouver un endroit propice pour ses abeilles, est très originale et transforme vite le film en road-movie. Cet apiculteur, c'est d'abord un homme détruit, qui tente de rattraper voire de reconstruire son passé cultivant parallèlement un côté obscur pour le spectateur. Mais l'on apprend aussi qu'il a connu de bons moments dans sa vie et notamment avec ses amis que l'on aperçoit dans la seule scène presque joyeuse du film. Angelopoulos, en filmant la solitude extrême de cet homme, et en y accolant une scène nostalgique avec ses amis, aurait-il voulu mettre l'accent sur l'importance de l'amitié dans une vie? Ou décrirait-il les passions violentes qu'engendre l'éclatement d'une famille? Il y a certainement un peu des deux dans ce film et le flou poétique dans lequel nous laisse le réalisateur nous permet d'en penser ce que l'on veut...
Il faut aussi noter la remarquable interprétation de Marcello Mastroianni, qui met de côté toute sa notoriété pour endosser le rôle d'un homme humble et solitaire malgré lui. Cela est tellement réussi que l'on a l'impression d'observer un acteur inconnu.
Enfin, on retrouve ce portrait d'une Grèce délavée, grise et enneigée, bien loin des clichés que l'on peut avoir sur ce pays. Cela annonce la couleur de son prochain film "Paysage dans le Brouillard", excellent lui aussi.

vendredi 19 septembre 2008

Lola, Jacques Demy (1961)

Par une réalisation légère et intelligente, Demy parvient à aborder de manière originale des sujets souvent banals comme l'amour ou le mal de vivre. Bien que les sujets ne soient pas très joyeux, le réalisateur parvient à installer une atmosphère plutôt positive et le drame se retrouve déguisé en comédie. Tous les personnages ont leur propres problèmes mais tous, et c'est je pense le message principal du film, sont plongés dans une grande solitude: Cécile, plus connu sous le nom de "Lola", est abandonnée par son copain lorsqu'elle tombe enceinte et se retrouve seule pour élever son enfant; Roland Cassard, à force de rêver, n'a pas vu passer le temps et se retrouve paumé et sans aide; la petite Cécile commence à découvrir ce qu'est l'Amour avec un grand tas et que Celui-ci n'est pas éternel...
Le fil conducteur de "Lola" c'est aussi le Temps. Ce dernier est exploré sous toutes ses facettes et se présente tantôt comme un destructeur tantôt comme une lueur d'espoir.
Au final, un film drôlement noir qui accorde plus de place au destin qu'à la volonté de choisir sa vie.

Last Exit To Brooklyn, Hubert Selby

Dès les premières pages, on est très vite étonné par la puissance véhiculée par ce livre. Chaque phrase est un coup de poing dans la gueule et à la fois un voyage dans les ténèbres décrivant malheureusement la réalité. Usant d'un style argotique, mélangeant dialogues et prose dans la même phrase tout en racontant des histoires d' anthologie, Selby signe ici une oeuvre majeure. Tout au long de ces trois cent pages, ça pue le vice, l'alcool et la Benzédrine. On cherche en vain quelques traces d'amour et lorsque l'on en aperçoit la lueur c'est pour mieux retomber dans une violence sans concession, en somme une violence de fait que Selby n'explique pas mais décrit avec justesse.
"Last Exit To Brooklyn" n'est pas le genre de livre à rester longtemps sur la table de chevet à moins que ce soit pour en relire les passages cultissimes. Lorque l'on finit ce livre, bizarrement on ressent une impression de calme et alors on se met à réfléchir sur ce que l'on vient de vivre, car ce bouquin ne se lit pas mais se vit. L'auteur nous éclaire particulièrement sur le microcosme dans lesquels sont cloîtrer ces pauvres gens. Il en ressort un repli sur soi mais aussi un déversement de haine sur son voisin. Ainsi, les hommes, pour la plupart des oisifs ( souvent des pères de famille) font preuve d'une fierté parfois écoeurante, les femmes s'occupent des gosses en plus de leurs travails et les enfants se forment en bande et réitèrent ce que leur montre leurs parents. La boucle est bouclée, la situation paraît éternelle...
En ce qui concerne la construction du récit, elle met en avant de nombreuses oppositions. Tout d'abord au niveau des personnages. Georgie, le travelot sensible, arbore un côté crû mais est également passionné de poésie. Harry, le syndicaliste, se bat pour améliorer les conditions de travail de ses collègues, mais se comporte comme un salaud avec sa femme et a tendance à mener des luttes pour acquérir une certaine notoriété. Abraham, le black qui joue au dur mais qui se passe de la crème de beauté sur le visage quand il est chez lui,... Par ces exemples, Selby montre que l'homme est infiniment complexe et que ce que l'on croît connaître de la vie n'en est qu'une image tout le temps trompeuse. Il met en particulier l'accent sur l'apparence qui est primordiale dans ces quartiers.
La dernière partie du livre, rentre dans le quotidien de ces gens mais d'un point de vue évènementiel. Après avoir observé quelques cas particuliers, on fait un zoom arrière pour replacer ces personnages dans leur contexte et on assiste, de manière plus intimiste à ce quotidien morose et glauque qui, bien que bouillonnant de haine, semble figé à jamais.
"Last Exit To Brooklyn" est percutant, psychologique et bestialement humain.
Lire ce bouquin est un devoir!

Shoah, Claude Lanzmann (1985)

En 1956, Alain Resnais tourne le célèbre "Nuit et Brouillard", s'appuyant uniquement sur des images d'archives quasiment insoutenables. Près de trente ans plus tard, Claude Lanzmann décide de réaliser une oeuvre plus historienne mais aussi plus philosophique sur cette tragédie. Et pour cause, pendant près de neuf heures trente, on observe les visages parfois traumatisés, parfois impassibles, des rescapés (ou bourreaux) souvent dépassés par les évènements. La plupart en ont été acteurs malgré eux et porteront à jamais ce poids en eux, d'autres ont agit en bourreaux et tentent de minimiser les actes qu'ils ont commis en jouant la carte " on n'était pas au courant que ça se passait comme ça" et enfin des historiens tentent des approches plus générales pour replacer ces visages dans leur contexte.
La particularité de "Shoah", c'est qu'il ne comporte aucune image d'archives, tout est filmé dans les années 80 et c'est peut-être la force majeure de l'oeuvre: observer l'impact de ce génocide sur des personnes qui nous sont contemporaines en filmant des rencontres que l'on pourrait réaliser soi-même.
Mais attention, il ne faut pas non plus encensé ce documentaire. C'est pas parce qu'il traite d'un sujet tabou et apparemment immuable qu'il est parfait. Historiquement, c'est quasiment parfait, il faut le reconnaître, mais pour les spectateurs, et en particulier les plus jeunes, il y a des passages franchement chiants et puis je trouve que Claude Lanzmann fume trop tout au long de son escapade. Que vont retenir les jeunes de cette expérience??
Au final, sans faire le rabat-joie, il faut avouer que "Shoah" est à voir. Il ne faut pas s'attendre à un coup de poing dans la gueule sinon on en ressortira en ayant encore la dalle. Il faut plutôt se laisser aller vers ce néant où tout s'arrête: la vie des survivants qui sont déjà morts, les paysages laissant apparaître les restes des camps qui paraîssent figés à jamais et surtout le temps qui n'est plus du tout perceptible (sauf quand on regarde sa montre pendant les quelques lenteurs...) à l'intérieur comme à l'extérieur du film.

P.S: Pour ma part, les 1h30 de "Nuit et brouillard" m'apparaîssent bien plus efficaces que ces 9h30, et n'est-ce pas le but des documentaires traitant de la Shoah?? Enfin je dis ça, je dis rien...

jeudi 11 septembre 2008

La Pomme, Samira Makhmalbaf (1998)

Deux jumelles sont placées entre les mains d'une assistante sociale sous prétexte que leur père les séquestrent. Elles découvrent alors à quoi ressemblent les gens, leurs vices et leurs vertus et le spectateur effectue par la même occasion un voyage à travers les quartiers pauvres de Téhéran.
Samira Makhmalbaf réalise ce film à l'âge de 17 ans et étale déjà tout son talent de cinéaste intimiste. "La Pomme" est en quelque sorte un docu-fiction qui aborde divers sujets comme la condition de la femme, l'impact de la religion sur les classes défavorisées ou encore le besoin de fierté chez l'homme. Mais tous ces sujets, bien trop utilisés par les médias, sont abordés ici d'une manière relativement ludique en emplyant des enfants pour faire passer des messages. Même s'il y a des longueurs par moment, le film dans son ensemble reste assez bon et divertissant.

Des Souris et des Hommes, John Steinbeck

Dès les premières pages de ce court "roman", on pense très vite à Boris Vian tellement le style est imprévu et cynique. Le récit est constitué de courtes phrases, pour la plupart sournoisement drôles, qui donnent une réelle force à l'oeuvre. En effet, comme Haneke (entre autres) le fait pour le cinéma, Steinbeck se contente de décrire l'action en cours et ne donne aucune explication au pourquoi du comment. Le lecteur est donc poussé à construire sa réflexion par lui-même et trouve paradoxalement une multitude de pistes à explorer.
Les personnages hauts en couleur, présentent tous une psychologie particulière mais paraîssent plongé dans une extrême solitude révélatrice de l'époque "Rooseveltienne" à laquelle écrit l'auteur. Georges et Lennie, les deux "héros" de l'histoire, sont semblables à des électrons libres en quête d'une situation stable et durable. Ayant pour projet de monter une ferme (sorte d'Eldorado dans le roman), ils travaillent de patelins en patelins afin d'y gagner l'argent nécessaire. L'innocence et la débilité de Lennie servent de prétexte à Georges pour justifier l'échec de sa vie et la fin du roman, plus abstraite que jamais, met un point final à tous les désirs de rêve qui pourraient encore hanter Georges.
Enfin, un des faits marquants du livre, c'est cette opposition entre la douceur et la violence. Le comportement de Lennie en est d'ailleurs très révélateur. Il aime tout ce qui est doux (les chiots, les lapins, les cheveux de femme, ...) mais ne peut s'empêcher de briser cette douceur involontairement. Malgré son âge adulte, il a gardé une âme d'enfant, et l'auteur a voulu ,à travers ce personnage, faire un rapprochement entre l'adulte et l'enfant en en montrant la continuité mais en en dénonçant l'incompatibilité. Il en est de même pour Candy, la femme de Curley, qui se retrouve plongé dans une extrême solitude et qui passe son temps à errer en regardant les hommes qui l'entoure. C'est elle qui sera à l'origine de l'assassinat de Lennie...
En somme, on peut dire que "Des Souris et des Hommes" est un roman très facile à lire mais vraiment complexe à interpréter car il impose un questionnement personnel. Ce roman traversera les siècles et aura toujours autant d'interprétations que de lecteurs. A lire

mercredi 10 septembre 2008

Zatoichi, Takeshi Kitano

Zatoichi, c'est en quelque sorte le "Zorro" japonais, un samouraï aveugle qui voyage de village en village. Kitano, qui décide d'endosser le rôle de Zatoichi, réalise ici un film moyen. Certes les scènes de combat sont grandioses, quelques séquences nous font vraiment rire et la fin est plutôt originale, mais le film apparaît un peu lent et s'inspire un peu trop du "garde du corps" de Kurosawa. Lorsque l'on a vu ce dernier film récemment, on ne peut que trouver Zatoichi assez fade...
Ce n'est donc pas le meilleur Kitano, mais il reste tout de même potable notamment au niveau visuel.

Une Jeunesse comme aucune autre, Dalia Hager & Vidi Bilu

A Jérusalem, Smadar et Mirit, 18ans, doivent effectuer leur service militaire obligatoire et d'une durée de deux ans. Elles doivent contrôler les papiers des arabes qui pénètrent dans la ville afin d'appréhender une quelconque attaque terroriste. Mais les deux filles ont un caractère très différent. L'une est issue des beaux quartiers et a tendance à appliquer le règlement sans concession. La seconde, en revanche, bien qu'ayant du répondant, apparaît plus laxiste et aspire à l'oisiveté. Au fil du film, la réalité saute aux yeux des deux filles. Les traitements faits auprès de la population arabe présentent de grosses injustices et le visage des deux filles que l'on peut observer à la fin du film montre la leçon qu'elles ont tiré de cette éducation civique.
Un film engagé? certainement, car les arabes sont montrés uniquement sous leur côté opprimé mis à part un attentat filmé au second plan.
Un film optimiste? certainement, car on aperçoit de l'entraide, voire de la compassion entre les deux peuples au fur et à mesure que le film avance.
Un film cliché? certes la séparation entre israëliens et palestiniens est un peu trop exagérée, mais le film sonne très juste et présente un côté original en utilisant des jeunes filles belles et innocentes pour servir une politique opprimante.
"Un Jeunesse comme aucune autre" est un film intelligente qui arrive même à introduire de la poésie dans un climat où règne violence et intolérance. En plus d'être intéressante, cette "fiction" n'en reste pas moins utile et éducative. A voir.

Le dahlia noir, James Ellroy

S'inspirant d'un fait divers jamais élucidé, Ellroy tente par la même occasion de soulager sa conscience en abordant un sujet qui le touche personnellement. L'histoire se passe à la fin des années 40, et l'auteur paraît être contemporain de cette époque tellement il en manie à merveille le vocabulaire. C'est en lisant des romans comme celui-là que l'on s'aperçoit à quel point le vécu de l'auteur est important quant à sa propre production. Ellroy a passé une bonne partie de sa vie dans les milieux marginaux et lorsqu'il nous les décrit dans le "Dahlia Noir", on reste réellement étonné devant de telles descriptions donnant un aspect documentaire au roman. A cela, on peut rajouter une psychologie très raffinée des personnages qui en dit long sur les névroses que peut avoir un être humain lorsque son propre passé remonte à la surface.
Au final, un livre magistral, mal adapté à l'écran par De Palma qui a trop mis en avant l'action et la violence du récit, qui rentre dans les classqiues du roman noir.