mercredi 24 décembre 2008

L'inspiration de ceux qui n'en n'ont pas


Tout d’abord il y a le nez, qui ne sait plus son nom et qui roupille triste comme un melon. Puis vient le jour où il sort de chez lui et côtoie ses semblables. Il y trouve des idoles, proches ou inatteignables, celles à qui on a envie de plaire pour avoir leur compassion, leur reconnaissance ou leur style.

On fonde notre inspiration sur les idées de nos idoles, on ne pense plus par soi-même et les mots viennent tous seuls (sang fote d'or taux graphe). Dans notre tête on se demande : Qu’est-ce qui pourrait leur plaire ? On garde son propre style mais on prend leurs idées. Qu’importe si l'on est l’opposé de ce que l’on écrit, on pense avoir la classe et on se maintient dans ce que l’on croit être sa propre personnalité.

Dans ces textes, l’alcool et le semblant d'originalité sont omniprésents, parce que ça fait cool et que ça parait être marginal. Pourtant, notre mode de vie est loin d’être semblable à nos récits. Derrière des pseudos, des cuites d’un soir et des situations qui paraissent extrêmes par rapport à la populace, on est rien et finalement autant normal que monsieur tout le monde au quotidien.

Seulement il y a la forme, l’apparence et ce dégoût vide de sens qui nous donne l’impression d’être unique et peut-être au-dessus des autres. En dehors de ça, on passe nos journées à lire et à mater des films pour les autres plus que pour soi-même. On ressent ce qu’on aimerait que les autres voient ressentir en nous afin de s’élever. Mais dans quel but ?

Bref, à part quelques génies qui transcendent les siècles, on est tous des moins que rien et l’essentiel réside donc dans la forme et non pas dans l’illusion d’avoir une quelconque liberté de penser. Le point important est de faire le bonheur autour de soi, en choisissant son camp, principalement dans le type d’individu auquel on aimerait ressembler, malgré soi, avec quelques excès par moments. Quoiqu’il en soit, talentueux ou pas, nous ne resterons que des sous-génies qui crèveront avec fierté car nous aurons réussi à nous aveugler sur cette normalité qui fait de nous des êtres jetables.

N.B : Certains craquent avant de crever et deviennent finalement pire que ceux qui sont rester dans le rang tout au long de leur vie.

samedi 20 décembre 2008

Ma relation avec V.R


Depuis que je te côtoie tous les jours j’ai appris à te connaître. Tu es la seule personne pour laquelle j’éprouve une passion réelle. Au réveil, je te hais d’être parti pendant mon sommeil et de m’avoir laissé seul avec mes angoisses. C’était pourtant bien hier, nos corps ne faisaient qu’un et je ne me lassais pas d’admirer ta robe transparente. Avec toi, je prends confiance, je redeviens le gamin que je n’ai jamais été, dans mes discours comme dans mes actes. Je vis dans le futur, cherchant sans cesse ce qui pourrait égayer les moments à venir et en arrive même à oublier mon prénom.

La personne la plus possessive au monde n’hésiterait pas à te partager car ta polygamie est certainement ton meilleur atout. Ton amour crée de l’amitié à ne plus que savoir en faire et nous libère de toute convention sociale. L’action précède la pensée, la destruction devient un acte civique et l’être prend le dessus sur le paraître. Tu fais le bonheur des timides qui sont tes amants réguliers et fidèles même si dans les premières heures ils ne te parlent pas beaucoup.

Les lendemain sans toi sont de plus en plus dur, ils m’apportent une lucidité que je préfèrerais ignorer. En plus des idées noires, c’est tout mon intérieur qui prend cette couleur. Les trop nombreuses cigarettes dont je raffole en ta présence, viennent noircir un peu plus mon portrait chaque jour. Déjà avant d’aller me coucher je sentais que tu allais me trahir en voyant la couleur jaune que tu arborais mais je n’ai jamais réussi à te retenir. Il arrive même que tu t’en ailles dans la soirée, brusquement sans prévenir, et mon visage laisse entrevoir un dégoût profond dans le reflet de l’eau de la cuvette qui voit décidemment plus ma tête que mon cul…

Bref, le temps d’écrire ces quelques lignes il me tarde déjà de te retrouver. J’espère éviter le tête-à-tête et pouvoir te présenter à mes potes. Ce n’est pas que je déteste ta cinéphilie, au contraire même, mais c’est que je n’ai pas envie de me retrouver encore plus seul au petit matin. A très bientôt V.R !!

vendredi 19 décembre 2008

Midi, entre deux nuits...


Midi, l’heure réservée aux élites qui ont réussi à pousser leur nuit jusque-là. Ceux qui ont pu relever ce défi vous conteront combien il est inhumain de se balader parmi cette foule grouillante et insipide. On y croise des étudiants assis sur les devantures de magasins en train de déguster un repas gastronomique, des clochards que l’on a aperçu quelques heures auparavant et qui paraissent bien plus ravagés au grand jour, des artistes de rue qui se lancent dans un morceau endiablé entre deux voitures de flic, des citoyens lambda déterminés et indifférents à ce qui les entourent,…

Après avoir quitté ma jungle sans y avoir trouvé Jane, le retour à la civilisation s’avéra très difficile. De plus en plus craintif, je cherchais désespérément un havre de paix qui me redonnerait le courage de regagner mon humble demeure. Face à moi, un gamin de cinq ans semblait prendre la même trajectoire que moi mais en sens inverse. Vu mon état physique et mental, je voulais à tout prix éviter cet affrontement. Dans ma tête le film devint atroce : je me voyais en train de me faire casser la gueule par ce petit être frêle et vigoureux entouré par une foule en liesse me huant jusqu’à provoquer en moi une humiliation dépassant toutes les limites atteintes jusque là.
Je bifurquais vers une petite ruelle et me trouvais nez à nez avec un jeune français issu de l’immigration maghrébine, casquette blanche et sifflet entre les dents. Tss !! tss !! me fit-il avec un filet de bave qui coula sur ses chaussettes remontées jusqu’aux genoux. Vas-y tu cherches pas à fumer cousin ? C’était le même gars à qui j’avais prêté ma guitare lorsque la nuit avait encore sa petite influence. J’étais redevenu un pigeon à ses yeux, un petit blanc, malgré mes ongles noirs, mes yeux rouges et mes doigts jaunes. N’arrivant pas à prononcer le moindre mot depuis plusieurs heures, je refusais de la tête, comme on a l’habitude de le faire lorsqu’on nous propose du travail ou qu’une personne handicapée nous demande de l’aide.
Je retombais à nouveau dans une grande rue grouillante de bipèdes et je cru devenir fou. Une jolie jeune fille à la peau verte vint m’interpeller. La malheureuse voulait me faire adhérer à green-pisse afin de protéger les gentils animaux qui meurent à cause des méchants animaux qui les tuent. J’aurais certainement écouté son discours si je l’avais rencontré la nuit dernière et je me dis que ces gens-là devraient racoler la nuit pour avoir plus de succès. Puis ce fut le tour des sondages : Bonjour Monsieur, quelle marque de yaourt préférez-vous ? Plutôt aux fruits ou sucré ? Auriez-vous deux minutes pour une étude comparative sur des crèmes solaires ? Ces gens-là étaient tellement désespérés qu’ils venaient s’adresser à un pauvre type comme moi. Mais je réalisais aussi que j’étais le seul à prendre mon temps, les autres allaient bien trop vite pour être contraint à faire une halte.
Je commençais réellement à fondre sous ce soleil éreintant et la lumière de plus en plus vive contrastait avec mes idées noires. Mon état de fatigue extrême était tel que les gens qui me regardaient se ramollissaient à vue d’œil et l’on pouvait lire une certaine pitié dans leur regard.
Je décidais alors de rentrer chez moi au plus vite et me fondit dans la foule en adoptant son train de vie l’espace d’un instant. En 33 secondes et cinq centièmes, je regagnais ma piaule et me dis que l’oisiveté en pleine journée était un boulot très difficile.

jeudi 18 décembre 2008

Cria Cuervos, Carlos Saura (1976)


Avec « Sonates d’Automne », le film de Carlos Saura est certainement le meilleur drame familial réalisé à ce jour. Il est regrettable que le cinéma espagnol se soit orienté vers ce style « fantastico-horrifique » avec des scenarii quasiment identiques d’année en année, car la voie ouverte par Saura ne méritait pas mieux que d’être entretenue voire améliorée.


L’histoire en elle-même est assez simple : Ana a perdu sa mère alors qu’elle n’était qu’une fillette. Elle accuse son père de l’avoir fait souffrir et celui-ci meurt quelques temps après. La tutelle revient à la tante Paulina qui, bien que aimante, se montre très autoritaire. Ana ne supporte pas cet abus de pouvoir alors que ses sœurs semblent lui obéir et accepter la nouvelle situation. Ana va donc se créer son propre monde hanté par ses souvenirs et ses rêves afin d’échapper à la réalité.


Dès les premières images, on entre dans une atmosphère froide et oppressante. Les images fades et l’absence de bande-son (hormis la chanson « Porque Te Vas ») viennent apporter un réalisme dérangeant et malsain. Les mouvements de caméras sont rares et les nombreux plans fixes sur les personnages font ressortir ce qu’il y a de plus intime en eux. Le spectateur perçoit ainsi la moindre expression et devient de plus en plus vulnérable au fil du temps pour finalement se prendre une claque monumentale à la fin du film.


« Cria Cuervos » sonne un peu comme une fable tragique sur l’Enfance. Le Temps perd toute sa logique pour venir accoler des évènements, qui les uns à côté des autres, donnent un sens plus concret à l’existence. La thèse du film, si l’on peut oser prononcer ce terme, serait l’impact des vices du monde adulte sur la naïveté de l’Enfance. Ana, qui a vu ses deux parents partir, associe la mort à une vengeance mais aussi à une punition. La souffrance de sa mère engendrée par un mari infidèle et absent, a radicalisé la pensée d’Ana. La mort, en plus d’être une échappatoire, est devenue une formalité sans grande importance et c’est là le fil conducteur du film. A chaque fois qu’Ana revient à la réalité, c’est pour vouloir la mort de quelqu’un, que ce soit dans son intérêt ou dans celui d’autrui.


Mais en parallèle de cette cruauté involontaire, les souvenirs et les rêves passés en compagnie de sa mère sont d’une extrême douceur et dépeignent un paradis perdu plein de nostalgie. Ces passages oniriques ne sont pas complètement déconnectés de la réalité, l’esprit d’Ana les mêle à sa situation présente. La fillette imagine ce que serait son quotidien en présence de sa mère et au bout du compte accepte bien mieux son existence. Saura explore ici toute la psychologie humaine face aux drames qui nous pourrissent l’existence. Certes il montre comment un psychopathe peut faire surface mais il met en avant l’importance de l’imagination qui permet d’immortaliser ce qui nous donne l’espoir de vivre.


Au final, un chef-d’œuvre, peut-être le meilleur film de tous les temps, mélangeant plusieurs styles (fantastique, drame psychologique), qui du fait de sa simplicité nous permet de mener une réflexion constructive tout en rentrant entièrement dedans. Indispensable.

vendredi 5 décembre 2008

Le Sacrifice, Tarkovski (1986)


A la fois journaliste, critique et auteur dramatique, Alexandre est présenté comme un érudit. Cultivé et intelligent, il arrive à un stade de sa vie où le questionnement intérieur prend le dessus sur l’enchaînement des situations quotidiennes. Le jour de son anniversaire, une troisième guerre mondiale nucléaire est annoncée. Les prévisions apocalyptiques à venir vont accentuer la crise interne dans laquelle il s’est plongé et ce dernier décide de se sacrifier, en reniant tout bien matériel, afin de sauver l’humanité. Simple rêve ou réalité loufoque ? Alexandra réussit à ramener la paix mais pas à évincer le matérialisme qui reprend de plus belle.

Ultime film d’Andrei Tarkovski, « Le Sacrifice » dévoile la souffrance profonde vécue par le réalisateur à l’approche de sa mort. Or cette souffrance, certes personnelle, n’est pas propre à sa personne mais plutôt à l’Humanité qui prend une tournure matérialiste arrivant à en oublier la notion d’individu. Prétextant une troisième guerre mondiale, il place l’Homme face à une question existentielle et non plus matérielle. Il est plus important de sauver sa peau que son écran plat et donc on s’interroge tant sur l’avenir de l’Humanité que sur le devenir de notre propre personne.

Le principal fléau selon Tarkovski serait la parole. La citation « Au commencement était le Verbe » clôturant le film dénonce les vices cachés de la rhétorique. La parole, initialement prévue pour communiquer, a troqué son habit de sincérité contre un treillis et des rangers. D’un simple échange humain elle est devenue un flux d’informations pré-mâchées visant à acquérir une contrepartie et non plus un retour de même nature. Dans le film, Alexandre ne peut plus assumer son rôle de comédien car il n’arrive plus à trouver la sincérité pour endosser le rôle de ses personnages. Cette matérialisation de la parole a institué une hiérarchie peu révélatrice de l’état spirituel d’une société et a même pondéré son importance selon le niveau social auquel on se trouve.

Le matériel, et le confort qu’il apporte, est la deuxième plaie de l’Humanité selon le cinéaste. « Puisqu’il n’est pas nécessaire, il s’agit d’un péché ». Le progrès scientifique est toujours employé de manière erronée pour finalement devenir le bras droit de l’injustice. "Le microscope est utilisé comme une massue". Pour Tarkovski, il faudrait mettre en avant l’irrationnel en multipliant les actes inutiles afin d’accepter sa fragilité face à la mort et au temps, mais aussi de placer l’Homme au-dessus de sa tâche dans un but thérapeutique.

Comme dans tout film prophétique réussi, les références religieuses sont nombreuses. La longue Pénitence d’Alexandre, sa purification, sa perte de rationalité par le don de sa personne, le tableau de l’adoration des mages de Léonard de Vinci,… en constituent quelques exemples parmi les nombreux autres. Mais Tarkovski, sachant qu’il réalisait là son dernier film, a mis l’accent sur son aspect esthétique. Le jeu de lumière, tout en dégradé, offre des séquences pittoresques semblables à des peintures mouvantes. Les couleurs, délavées juste comme il le faut, ne sont jamais scintillantes et paraissent mélangées les unes aux autres. Elles reflètent l’abstraction qu’exerce l’environnement extérieur sur l’Homme. Enfin l'alternance de la couleur et du noir et blanc illustre une continuité entre une chair périssable et une âme éternelle.

Au final, le film testamentaire de Tarkovski est d’une pureté esthétique telle qu’on la regrette lorsqu’on en sort. Mais cette pureté, loin d’être naïve, vient amplifier le message alarmiste sur le devenir spirituel de l’Humanité qui s’aveugle, se ment et se noie peu à peu dans le matérialisme. Un chef-d’œuvre.

Une obligation pour ceux qui en auraient envie : L’ultime entretien de Tarkovski où il nous dévoile avec une intelligente simplicité sa vision du monde.

http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=666

mercredi 3 décembre 2008

L'Eternité et un jour, Angelopoulos

Un paysage plongé dans la grisaille, un portrait morose et délavé d’une Grèce sur le déclin et une musique triste à mourir, pas de doute on regarde bien un film d’Angelopoulos. Peut-être plus grand public que ses films précédents, « L’Eternité et un jour » continue de suivre ces personnages insolites perdus dans le tourbillon de la vie. Alexandre, écrivain célèbre, est atteint d’un cancer, il doit rentrer à l’hôpital pour mourir. On suit alors sa dernière journée où il rencontre un petit clandestin albanais et se remémore son passé.
L’espace et le temps ne font plus qu’un, l’infini côtoie l’éternel et tout s’arrête pendant près de deux heures. Alexandre voit la vie mais aussi sa vie dans les yeux du petit clandestin et la misère n’est ici qu’un simple facteur de rapprochement entre les deux êtres. Il revoit sa femme partie trop tôt comme ses enfants qui grandissent et se marient, sa distance qui a fait de lui un père absent mais aussi sa villa de bord de plage qui va être détruite, les temps se mélangent mais gardent une certaine cohésion pour finalement aboutir à une véritable thérapie. Alexandre visualise ses erreurs et sent naître en lui un espoir : l’Eternité. Tout peut se rattraper, rien n’est définitif,que ce soit dans les faits ou dans la tête, il suffit seulement de le vouloir et de prendre le temps, même lorsque la fin est proche. « Il faut trouver de nouveaux mots » propres à son existence et reconstruire avec un langage neuf tout ce que l’on a jadis connu et qui n’est plus.
Mais en dépit de cette volonté d’écarter le temps, Angelopoulos se place en cinéaste engagé en faisant émerger en nous une certaine compassion envers les clandestins. Il évoque un fléau qui est plus que d’actualité, de notre temps. Il nous offre d’ailleurs une scène d’anthologie à ce propos en filmant des clandestins disposés comme des notes de musique sur des barbelés à la frontière entre l’Albanie et la Grèce. L’atmosphère qu’il réussit à y installer est des plus froides et fait amèrement penser à la période nazie.
Les jeux de regards sont également très évocateurs. Alexandre, père de famille qui s’éteint dans un monde qui ne lui plait guère arbore une position voûtée et déclinante, pleine de dégoût et de nostalgie. Le petit clandestin, lui, a toujours les yeux portés vers les personnes qui l’entourent, il observe attentivement les événements qui se déroulent autour de lui, il se construit sur les ruines qu’observe Alexandre. Putain ya la scène du bus aussi qui est géniale !!!!!!!
Enfin, l’une des principales forces de ce film c’est aussi ce contraste entre le décor et l’histoire qui vient s’y greffée. Cette dernière est pleine de blessures mais fait sans cesse appel à des rapports humains, qu’ils soient passés où actuels. Les événements s'emboitent les uns dans les autres pour donner lieu à de nombreux rebondissements. En revanche, le paysage que Angelopoulos nous montre semble immuable comme si il était voué à péricliter lentement sans jamais pouvoir se relever un jour.

Un bon jour pour mourir, Jim Harrison

Que reste-il lorsque la morale, l’envie de réussir et le sentiment d’appartenir à un peuple disparaissent ? Quelle est cette alchimie abstraite qui nous incite à entreprendre des projets jusque là inconnus ? Absence de personnalité rime-t-il toujours avec manque de lucidité ? Autant de zones d’ombres que ce petit chef-d’œuvre tente d’éclaircir.
« Un bon jour pour mourir » est tout d’abord un voyage. La finalité de ce périple est de faire sauter un barrage, symbole d’une civilisation qui cherche à dominer la Nature plus qu’à la contrôler. Parmi les acteurs de cette expédition, on retrouve Tim, un ancien du Vietnam, Sylvia, une beauté désespérément amoureuse de Tim et le narrateur (peut-être Harrison lui-même ?) fortement émoustillé par Sylvia. On comprend très vite que ce jeu de l’Amour à sens unique ne peut se solder que par un échec. Et pourtant, ces sentiments sont la base même de ce roman car ils en assurent la continuité et le réalisme. On comprend tout comme on accepte des situations loufoques lorsque l’amour s’empare des personnages. Car ce schéma, on peut l’appliquer à notre propre personne et le narrateur déshabille littéralement le lecteur au fur et à mesure que le récit avance. Il explore cette alchimie qui nous guide tout au long de notre existence nous faisant devenir ce que l’on n’est pas forcément. La notion d’influence prend ici une valeur contrastée car elle est le fruit d’une transformation personnelle teintée de lucidité. Le narrateur s’engage dans cette expédition sans réelle conviction mais aux yeux de ses acolytes il paraît motivé et déterminé. Seulement, dans son for intérieur il a conscience qu’il prend la mauvaise voie. L’amour pour Sylvia et la forte personnalité de Tim ont pris le dessus temporairement.
Pour ce qui est du style, il nous transforme en une véritable balle rebondissante. On explore l’Amérique vue du ciel, puis on s’immisce dans la vie privée des trois personnages, on remonte ensuite dans le passé de chacun,… le tout mélangeant phrases argotiques et passages poétiques sans aucun temps mort.
Enfin, Harrison a su crée un récit hybride, passant des bordels à une partie de pêche à la truite, de magnifiques paysages à un motel glauque ou encore de cuites au whisky à une préparation culinaire.
Au final, on se pose peut-être plus de questions à la fin de ce livre qu’avant de l’ouvrir mais le magnifique voyage qu’Harrison nous propose à travers l’Amérique mais aussi à travers l’Etre Humain vient comblé ce vide.

lundi 1 décembre 2008

...,Partie 5 et fin

De retour chez lui, Job élucida un mystère. Les excréments qu’il côtoyait tous les matins n’étaient autre que ceux de son chien qu’il ne faisait jamais sortir. Puis il sortit la bouteille de vin métaphysique qu’il gardait depuis des années et décida de l’entamer pour stimuler un peu son cerveau. Après deux verres, il ressortit cette vieille photographie mais trouva son regard d’enfant changé. Loin d’être naïf, le sourire du petit Job était devenu serein, comme s’il prédisait une vie oisive à venir. Peut-être est-ce sa laideur qui le confortait dans cette pensée-là ? Une personne ignoble ne peut que vivre de manière oisive puisqu’elle est incapable de supporter les remarques des autres. Puis il se braqua et se dit qu’il n’avait en aucun cas choisi sa vie, il en avait été évincé par les gens normaux. Toute la logique du psychopathe commençait à prendre forme dans sa tête et le quatrième verre de vin méta lui fût fatal. Il descendit chez sa voisine diabétique du dessous et lui vola une énorme seringue qu’il remplit de vin. Il déboula dans la rue et se mit à piquer tous les gens normaux qu’il rencontrait. Au bout d’une demi heure, la moitié de la ville était bourrée et plongeait dans la débauche la plus abjecte. Job s’injecta le reste de vin que contenait encore la seringue et grimpa sur le clocher de la plus grande cathédrale de la ville. Le spectacle était tout de même beau à voir de là-haut. Les visages décomposés des gens normaux étaient semblables à ceux d’enfants qui se découvrent une passion. Ils commencèrent à casser des vitres, à arracher des panneaux et à se gerber dessus. Job profita encore un instant de cette mise en scène éblouissante mais ne tarda pas à rentrer chez lui car il commençait à apercevoir des morceaux de bois remplacer la tête de ces alcooliques involontaires, ce qui prédisait un retour vers la normalité.
Job trouva son appartement bien petit lorsqu’il fût à l’intérieur. Il dût ramper pour arriver jusqu’à son matelas et bientôt ne pût plus du tout en bouger. Le plafond se transforma en miroir et Job put observer son visage d’une maigreur inhumaine. Il réalisa qu’à force de boire il mourait de faim.
Dans sa tête, Job s’éteignait sans laisser de traces. Pourtant, ce jour-là devint « la fête du vin métaphysique » et chaque année des alcooliques du monde entier se rassemblaient, transformant la ville en un grand terrain de jeu et de débauche, l’espace d’un soir.

..., Partie 4

Le soleil avait refait son apparition et Job découvrit là une sensation nouvelle : l’ivresse de jour. Il ressentait une terrible envie de s’amuser mais fût très vite aigri par ce qu’il aperçut autour de lui. De petits groupes d’humains tournaient en rond, un code-barres plaqué sur le front, et paraissaient aller de plus en plus vite. Au fur et à mesure qu’ils effectuaient leurs cercles, leur apparence changeait. Ceux qui couraient le plus vite étaient de mieux en mieux habillés et arboraient un sourire satisfait, alors que les derniers prenaient une balle dans la tête. Job, finalement indifférent à ce spectacle, se dirigea vers une ruelle peu fréquentée. La pancarte indiquant le nom de la rue était cachée par un amas de poussière et notre acolyte, au moyen d’un lampadaire arraché à proximité, fit apparaître un nom curieux : L’alcool de la vie.
Semblable à une galerie de musée, la ruelle présentait différents personnages atypiques. Le premier était un oiseau sans pattes qui restait dans les airs tout en sachant que le jour où il se poserait ce serait la fin. Job discuta un moment avec lui et en le quittant il eut l’impression d’avoir fait le tour du monde. La seconde rencontre fut des plus étranges. Un homme sans tête, entouré de livres était assis sur le bord du trottoir. Les livres parlaient à sa place et laissaient apparaître un profond désespoir : « ma vie est un échec, je suis un bon à rien. Lorsque j’ai découvert le pouvoir des mots, la lecture est devenue une obsession, je pensais trouver là une force et n’y ai trouvé qu’une perte de personnalité. Les livres m’ont absorbé, je n’ai plus d’âme ni d’opinions. Ma vie est celle des autres. » Job versa une larme et continua son chemin. Avant de sortir de la rue, il se heurta à une lanterne qui ne s’allumait qu’en journée. Il lui fallu un moment avant d’apercevoir la lumière que générait celle-ci. Le brouillard qui entourait sa tête n’était pas là pour arranger les choses. Le pied de la lanterne était d’une saleté effrayante, on sentait que Job n’était pas le premier à avoir heurté ce lampadaire. Mais plus il levait les yeux plus cette crasse disparaissait pour finalement capter en son sommet une lumière d’une pureté dérangeante. Job sorti de cette ruelle avec l’impression d’avoir reçu une leçon qu’il assimilerait plus tard.
Il alla s’asseoir sur les marches d’une église et contempla un accordéoniste qui chantait seul avec son accordéon…