mercredi 30 décembre 2009

Cuba Feliz, Karim Drdi (2000)


A mi-chemin entre "Buena Vista Social Club" et un film de Tony Gatlif, "Cuba Feliz" suit la vie de Gallo,chanteur de rue, vagabond mélancolique, Messie musical qui nous entraîne à la rencontre des musiciens officieux de Cuba, plus touchants et talentueux les uns que les autres.

Un chapeau, un étui à guitare et un cigare sont les seuls attributs que ce petit être frêle transporte avec lui. Le reste s'appelle le Vécu, l'échange et le partage. On découvre alors le vrai visage de ce petit bout de terre que l'on nomme Cuba, minuscule île à l'Histoire mouvementée, peuplée par une population brassée au possible. A travers la Musique, religion officielle, on ne peut que tomber amoureux de ce peuple qui semble avoir sélectionné ce qu'il y a de mieux. Plus que la musique mexicaine, qui peut sembler assez fade et redondante par moment, le "style cubain" regroupe tous les courants musicaux, s'ouvrant même sur une sorte de rap tribal qui s'organise sous forme de battle. Vieux et jeunes se confrontent et entrent en osmose par le seul biais de la musique. Même si l'on ne comprend pas l'espagnol, il suffit d'observer les expressions des chanteurs et des musiciens pour en déceler les paroles.

Plus qu'un simple documentaire, "Cuba Feliz" est une leçon donnée au monde. De part la modestie de ses habitants, qui se contentent d'un rien du tout pour vivre et en semblent plus qu'heureux. De part la tolérance qu'il y règne où différence d'âge, couleur de peau et sexe ne sont que mieux accolés pour en faire naître un substrat des plus exquis. Enfin de part l'hommage qu'il rend à la musique en donnant la parole (chantée) à de vrais musiciens au coeur gros.

vendredi 25 décembre 2009

L’immoraliste, André Gide (1902)


A travers ce court roman d’une profondeur surprenante, Gide pose les bases de sa vision du Surhomme déjà élaborée par Nietzsche quelques années plus tôt.

Michel est né dans les livres, se nourrit de culture et d’eau fraîche. Eduqué par son père, il se lance dans des analyses très pointues telles que « l’influence de l’Art gothique sur la déformation de la langue latine ». Mais la maladie (tuberculose) puis le mariage avec Marcelline vont le transformer peu à peu.

La maladie lui fait prendre conscience de la valeur d’une vie mais surtout de son côté précaire. Cela fait naître en lui une hypersensibilité, une recherche du vrai soi. De même Marcelline déclenche en lui la naissance de sa « vie physique ». La jouissance ne se trouve plus dans les livres et l’aspect abstrait du passé mais plutôt dans le présent et le sensoriel.

Dès lors, il rejette toute forme de culture abstraite et recherche dans celle-ci la grandeur de ses héros, celle qui peut toujours vivre en chacun de nous. La peur de la Mort qu’a engendré la maladie à créer un traumatisme envers l’Histoire. Cette dernière est le récit lucide de la mortalité humaine, une suite d’épopées, de ruines du présent. Il faut donc puiser dans ce passé ce qui est foncier dans l’humain, ce qui peut être utilisé dans le présent. La culture comme simple enrobage de son être doit être renié, tout comme toute forme de morale. Il faut se retrouver, cultiver sa différence. Comme l’affirme Ménalque, rencontre haute en couleur, lorsque l’on invente on est toujours seul, il faut oublier le passé, « être comme l’oiseau qui s’envole et oublie son ombre ».

Michel devient un être immoral. Sa maladie a été en quelque sorte une expiation de son être raisonné par l’extérieur, une métamorphose, une renaissance. Place à la conquête du noyau dur de son être. On remarque alors qu’il montre un réel intérêt pour les enfants, êtres encore nature et vrais, et notamment en la personne de Moktir qui vole un couteau en douce. Le paysage prend une valeur différente à ses yeux. Il se passionne pour le désert, contrée où toute espérance et carrière humaine échoue. La culture arabe semble merveilleuse tant elle se vit et ne s’apprend pas. Son amour avec Marcelline devient de plus en plus en intense, malgré la maladie croissante de celle-ci.

Travail intense dans un premier temps, l’être immoraliste commence à prendre racine en Michel. L’honnêteté le rebute tant elle est fausse et empreinte de toutes les vertus non inhérentes à l’homme. En somme plus que l’être recherché, c’est sa métamorphose qui lui semble être le plus bénéfique à son moral. Jouir d’une situation quand on sait que ce que l’on rejette présente moins d’attrait et de jouissance, ne peut qu’accroître son propre plaisir.

Au final, « l’immoraliste » est une sorte de fiche synthèse sur la recherche du noyau dur de l’être. Cultiver sa différence, acquérir une liberté existentielle, ne puiser dans la culture que grandeur de l’âme, autant de messages de Gide livre avec une impudeur loin d’être retenue. On réalise rarement que ce livre à presque 110 ans et choque encore quant aux propos libertaires et dénués de toute morale en particulier sur des thèmes comme la pédophilie ou l’homosexualité. Sujets encore tabous aujourd’hui mais décrits de manière lascive par Gide.

lundi 14 décembre 2009

Les Deux Etendards, Lucien Rebatet (1951)


Les Deux Etendards", expression que l'on trouverait du côté d'Ignace de Loyola, fondateur de l'ordre des jésuites, ce sont ces deux courants de "pensée" qui opposent Régis et Michel, amis de longue date.
Régis a la foi, substance chimique que l'on hérite de ses parents ou que l'on acquiert par une concession faite à l'au-delà. "Il suffit d'accepter de croire pour croire" affirme Régis qui désire consacré sa vie à la prêtrise. L'indulgence envers le non-fondé permet d'ouvrir la porte à la religion qui envahit notre être dans tout ce que l'Homme a brassé depuis la nuit des temps...
Michel est artiste, il ne croit qu'en ce qu'il possède et observe. Il est pragmatique et côtoie l'abstrait par son Art, il le créé. Ses discussions avec Régis vont très loin, on semble toucher parfois le fond du problème métaphysique qui réside en chacun de nous, pour retomber de plus belle dans la contradiction et le non-sens le plus niais.
Mais surgit Anne-Marie, vouée elle-aussi à une carrière religieuse. Elle est belle, éveille le stupre et la fornication sentimentale en Michel, l'adoration divine en Régis.Cette sainte trinité va fusionner pour mieux faire ressortir ses divergences. Michel va aimer en cachette dans un premier temps, laissant à leurs idylles les deux amoureux platoniques.
Mais pour Anne-Marie, les deux hommes sont complémentaires, elle éprouve le besoin de partager des moments avec les deux. Michel finira par passer à l'action et devergondera Anne-Marie qui se retrouvera perdu du fait d'une nostalgie envers une foi perdue et regrettée.Entre deux considérations sur la musique, la grande, la belle ( selon l'auteur), on assiste à de profonds débats théologiques et finalement sur la vie, car la foi influence le caractère et les actes de chacun.
Usant d'un style remarquable, Rebatet ennuie parfois tant il creuse sa réflexion et l'étale sur de trop nombreuses pages. Mais quand arrive à nouveau un passage rythmé, l'auteur sait se rattraper et se montre corrosif. On s'émerveille alors d'une comparaison entre Lyon (qu'il exècre) et Paris (qu'il admire), des noms de lieux aux agencements de la ville ainsi qu'aux gens qui les peuplent, Lyon est mis à mal et semble humiliée derrière des mots trop forts. De même le passage où Michel suit une fille dans la rue et tombe dans un lieu sordide où il se fait tabasser. Rebatet sait se montrer cru et sortir de son style classique et Grand.
Malgré sa longueur (plus de 1000 pages) et ses langueurs, "Les Deux Etendards" revêt un caractère unique, celui de concilier un aspect classique avec un langage crûmment populaire, celui de décrire des situations bestiales entre deux réflexions théologico-philosophiques, celui de ne s'occuper uniquement des sentiments intérieurs des personnages sans s'étaler sur les frivolités de l'apparence. Enfin le roman met en avant la part foncière de l'être humain qui semble irréversible, cette vraie foi selon rebatet, qui semble immuable bien que remise sans cesse en question...

Le Regard d’Ulysse, Angelopoulos (1995)


Longue Odyssée à travers les Balkans déchirés par la guerre, succession de plans sublimes faisant apparaître une cruelle nostalgie envers une époque qui n’est déjà plus que spectre d’elle-même, réflexion sur la nature du cinéma ainsi que sur sa préservation en temps de guerre, « Le Regard d’Ulysse » émeut, dérange et fait trompeusement rêver le spectateur.

Dès les premières images, Angelopoulos filme la mer, une vaste étendue d’eau surannée que même les bateaux semblent fuir. Puis on tourne le dos à celle-ci afin de contempler cette terre, berceau de la civilisation, royaume de la philosophie et de la liberté, siège antique de l’Art dans ce qu’il a de plus luxuriant. Mais on n’aperçoit que du brouillard, le temps semble arrêté voire terminé. Cette terre ne sert plus désormais que de plancher à des êtres humains en perte de repères, livides et errants, observant leur civilisation officielle en train de fondre. La statue de Lénine, désossée et allongée face au ciel, dérivant sur un fleuve nébuleux sous le regard curieusement naïf d’un peuple inculte (considérant la scène comme un évènement),aveuglé face à une décadence accélérée et subie, en est l’exemple le plus touchant du film.

« La Grèce est un pays mort » à entendre le chauffeur de taxi qui emmène notre cinéaste, personnage principal de ce film, vers la frontière avec l’Albanie. La seul fraternité et grandeur qu’il existe désormais chez ce peuple, c’est la convivialité, « le partage d’alcool et l’écoute des mêmes chansons ». Peut-être ces valeurs permettront à l’humanité de s’éteindre en paix, puisque grandeur et dignité se sont évaporées.

De ce constat pessimiste, Angelopoulos va en faire un terreau fertile en menant une réflexion sur la place du cinéma, sa nature et sa survie. Le cinéma est éternel (la mort du caméraman dans la première séquence du film le met en avant), il immortalise mais aussi préserve un savoir faire, une coutume ou des personnalités. Mais il peut également devenir une arme en temps de guerre, un témoignage dérangeant car forcément subjectif. L’universalité à laquelle veut tendre le cinéma n’est qu’un but inatteignable, une frustration qui pousse l’Art à se développer, créant une branche à un éventail qui s’agrandit au fil des générations. L’universalité est cette donnée infinie qui ne peut être palpable que par morceau, une multitude de regards en quelque sorte.

Le regard omniscient d’Angelopoulos offre au voyage du cinéaste une multitude de sens plus métaphysiques les uns que les autres : un voyage temporel, qui explore le développement infini du cinéma en tant qu’Art, qui défile sous nos yeux, construisant par la même occasion le film ; un témoignage sur la guerre à travers la rencontre de personnages qui vivent au rythme des mitraillettes (la scène du nouvel An où l’on vient arrêter des dissidents en dansant restera culte) ; un voyage personnel d’un cinéaste qui à travers la recherche d’une bobine cherche sa véritable personnalité dilapidée à travers ses films, un peu comme un clown qui part à la retraite et qui se trouve étranger en lui-même.

« Le Regard d’Ulysse » est finalement le film le plus rythmé d’Angelopoulos, il traduit une certaine angoisse existentielle et transmet une image chaotique propre à la guerre. Le vide intérieur d’un cinéaste angoissé et perdu s’harmonise avec le chaos extérieur d’une période mouvementée pour finalement se terminer sur l’espoir d’un éternel recommencement.

mardi 22 septembre 2009

Frustrations et dépendances


Ca y est le wagon est raccroché, la marginalité ou plutôt l’exclusion dans laquelle François a été victime tout au long de son enfance n’est plus qu’une page tournée. Pourtant rien n’a changé dans son être, il a juste rencontré des personnes différentes, peut-être plus matures ou moins exigeantes. Il a désormais des envies de crier, de se faire une place dans sa nouvelle vie, de rattraper ou d’effacer le temps perdu. Sa différence, qui lui a jadis tant fait défaut, il en joue à présent, en force le trait et y construit une bonne partie de sa personnalité, par le folklore et la pseudo dérision.

Pourtant les séquelles sont encore là. Son rapport avec certaines personnes semble affecté à jamais. Jadis, François était touché par chaque nouvelle personne qui daignait entrer dans sa vie, c’était son univers entier qui prenait un nouveau visage, un nouveau départ. La frustration a certes bien disparue, psychologiquement, par un arrangement qui s’est construit sur le long terme, mais ce qui persiste c’est la dépendance envers une frustration passée.
Sa place dans la société n’aspire pas à la stabilité. Acceptant la domination de certains êtres, il refuse que des personnes semblant à sa portée puissent avoir des qualités qu’il n’a pas sur le moment ou qu’il n’aura jamais. Le combat de François se déroule essentiellement dans sa « caste », dans ce qui lui semble abordable. Quand il ne parvient pas à évoluer il tente de mettre sous le regard d’autrui les défauts de ses semblables, afin de garder une proximité dans la course qu’il mène vers une finalité qu’il ignore lui-même mais qui rythme sa pauvre vie de frustré.

Au fond de lui François reste malheureux, attend ce qu’il souhaite tout en sachant inconsciemment qu’il ne l’aura probablement jamais. Il tentera de préserver sa nouvelle personnalité tant qu’elle conviendra aux autres puis en changera avec l’évolution de son entourage, toujours en évitant d’être lui-même de peur que ce passé douloureux rejaillisse à tout moment…

lundi 21 septembre 2009

Cirrhoses de la rue




Blessé par la chaleur glacée d’une nuit disparaissant derrière une lueur de plus en plus livide, déçu de n’avoir encore en tête qu’un souvenir à inventer, je trimballe avec moi tout un univers pourrissant et jetable qu’il faudra gérer l’espace de ces quelques heures avant de rejoindre mon pieu, berceau des mes idées noires. Mes jambes, remplies d’un sang des plus acides, semblent détachées de mon corps, divaguent par moment et me mènent vers des contrées que je connais par cœur. Je ne fume plus mais fait sortir machinalement une fumée irritante que je peine à ingurgiter. Intoxiqué, je ne l’aie jamais été autant qu’aujourd’hui, depuis la dernière fois, jusqu’à la prochaine fois… Mon cœur fonctionne en manuel, c’est moi qui lui ordonne sa cadence, qui le fait vivre. Chaque bouffée d’air vient me rappeler que j’en manque cruellement, jadis aspirateur d’air pur je ne suis désormais qu’une cheminée mal ramonée qui tire de plus en plus mal. Spectre de moi-même je ne pense plus, je survis en pensant que je suis jeune, que ces excès disparaîtront quand j’aurais exorcisé mon mal-être avec la nuit journalière à venir.

C’est décidé je rentre. Il le faut avant que je n’observe les gens réglés qui dormaient lorsque je cherchais en vain un peu de chaleur humaine. Tout est raté, encore une nuit passée dans le Vice le plus stérile, et pourtant je recommencerai. Je ne sais quel espoir me pousse à m’user de la sorte. La Mort m’effraie mais pourtant je la provoque chaque nuit, lui tend la main avant de la retirer au dernier moment. Je ne supporte plus les soirées en intérieur ou la table sur laquelle je pose mes bouteilles et mes culs de clopes expose quantitativement mon suicide annoncé. Ce qui aurait été gratifiant lorsque j’étais imberbe est désormais malsain et effrayant. Je me consume à petit feu, dans l’anonymat, je veux tuer toute ma vie avant de mourir, n’offrir à la Mort que le minimum de vie pour qu’elle reste sur sa fin.

Je me réveille et je vais mal. C’est décidé j’arrête tout, je peux me rattraper, effacer toutes les erreurs qui logent dans mon corps. Puis il reste tant de films à voir, de livres à découvrir, de musiques à écouter et à refaire. Je contemple ma bibliothèque et je m’émoustille à l’idée de lire cet énième Dostoïevski, qui me poussera vers un autisme passager. J’allume mon ordinateur et fait une liste des films que je vais regarder le lendemain, car aujourd’hui le temps s’est arrêté, je ne peux que préparer mon présent, en attendant de se remettre à vivre. Chaque seconde je meurs, un flash morbide apparaît puis disparaît, des sueurs froides et des hauts le cœur viennent rythmer ma passivité. Jamais je n’ai autant regretté d’avoir accélérer ma vie. Hier j’aurais pu faire ce que je ferai demain. Quel gâchis…

Ma deuxième nuit s’est mieux passée. Je me réveille avec une certaine joie de vivre, je lis, regarde un film et suis satisfait à l’idée d’avoir fait quelque chose de ma journée, d’avoir donné un peu plus de valeur à ma personne. Cette amélioration de moi me donne envie de sortir, il faut que je montre le nouveau moi aux autres, peut-être trouverais-je quelqu’un qui daignera m’écouter, du moins en fera-t-il semblant…

dimanche 30 août 2009

la Flemme

L’alchimie de l’introversion


Depuis toujours et pour toujours, chez certaines personnes, le cerveau et le corps décident de faire bande à part et méditent en cachette afin de se faire des confidences sur le monde qui les environne. Tout moyen d’expression est alors une protection, un leurre voire un néant visant à évacuer un surplus d’informations enfermé dans une spirale jetable. Trop de détails présents et à venir entraînent une déstabilisation et un repli sur soi; plutôt qu’assimiler, digérer et répondre, on encaisse et tente en vain de gérer.

Pourtant lorsque l’on se retrouve seul ou en petit comité, aucun gêne, on arrive presque à être soi-même. La crainte de l’inconnu, le désir de s’adapter et la peur de la défaillance qui rejaillirait sur notre personne toute entière seraient donc à l’origine de tous ces maux. Où se trouve le seuil nous donnant droit à l’erreur tout en gardant un certain bien-être ? Est-ce en fonction du temps, de l’intensité des rencontres, du taux d’alcool que l’on a dans le sang ? Ou serait-ce simplement un problème de confiance en soi, d’estime de soi-même ou d’intérêt pour le superflu ?

Faire face à ses inhibitions par la provocation afin de percer le mystère d’autrui, évacuer les ondes agressives d’êtres humains sur lesquels on appose encore un point d’interrogation tout en essayant de se déceler une valeur dont on arrive à peine à dresser l’esquisse dans son for intérieur, telles sont les éternelles masturbations corporelles qui agitent l’introverti. Ce dernier a besoin d’espace, d’un cadre dans lequel il possède une échappatoire à toute situation déstabilisante. Il n’aime pas se retrouver enfermé dans un cercle psychologique et éprouve le besoin intime d’observer une voie de secours qui ne le fera jamais évoluer mais qui le réconfortera, du moins en aura-t-il le sentiment.

Désormais toute existence ne se réduit qu’à un bien-être fictif, celui qu’il aura acquis par la gestion et non par la présence et la stature. Introversion et paranoïa se lâchent rarement la main et concourent ensemble afin d’annihiler toute forme d’action ou de libération de l’individu sur lequel elles exercent Autorité.

Ce Grand Renfermement découle peut-être d’un attachement trop fort à l’être humain. L’introverti surestime l’existence misérable de l’Etre Humain, y voit une richesse, une rationalité trop importante, et se focalise sur le moindre détail qui le fait saturer en continu. Dès lors, la moindre cigarette, le simple verre de vin que l’on fait durer quand il n’y a que ça, deviennent des remèdes formidables pour affronter ce mal. Le geste compte beaucoup plus que le but recherché, il camoufle l’introverti pendant la majeure partie de sa confrontation avec Autrui.

En somme l’introversion, la paranoïa et la timidité sont des vices que l’on acquiert à la naissance. Les individus s’en détachent plus ou moins selon leur vécu, leur éducation et leur vision de la vie. Pouvoir se libérer grâce aux barrières que l’on arrive à installer entre sa propre personne et le reste du monde, tel est le combat que l’introverti a perdu depuis longtemps. Gérer les attaques humaines de ses semblables, telle est sa manière de survivre.

mercredi 12 août 2009

Lou rides


Née le long de mon cul, je n’ai fait que m’asseoir sur toi durant de longues années. Parfois je te ventilais, te faisais vomir un bon churros au chocolat et t’essuyais la bouche avec une serviette. Nous étions comme cul et chemise et je te fis un apprentissage bénéfique à notre cohabitation. Puis vint la période adolescente, celle où l’on te conjuguait à l’infinitif afin d’avoir le style skateur. Tu passais ainsi du cul à la bouche sans véritable transition. Parfois l’on te prénommait Lou et tu entrais avec une violence sensible au creux de nos oreilles.

Puis cette période tant redoutée arriva, sans que l’on puisse rien y faire. Comme si je faisais la grimace en permanence, tu es venue figer mes expressions d’antan, marquer à jamais mon cul ride culum vitae. Toutes ces cuites que l’on pensait avoir gérer, digérer et oublier sont venus se loger sur mon front, mes joues, mes bras, mon chibre !!!!!!!!

Désormais c’est l’invasion. Avec 23 de tes potes tu piétines mes loukoums, tu craquelles ma jeunesse pour mieux la décomposer en fragments de moi qui se retrouveront séparés à jamais. La nuit je cauchemarde au taquet, je rêve que mon front se transforme en piste pour moto-cross et cela me donne des migraines à n’en plus finir. Le miroir me renvoie jour après jour une gueule qui ressemble de plus en plus à un puzzle. Ah, c’est bientôt la fin…

mardi 11 août 2009

Renaud (1954-1995)


Tu les embrasses au mois de Janvier car une nouvelle promo commence, mais depuis quelques années tes phrases ont bien changées. Dès que t’as retrouvé ton flingue, les munitions sont tombées, tu as troqué Dominique, muse d’antan, contre Romane, blondasse péroxinée version Arielle Dombasle sans talent. Avec tes camarades bourgeois et les bobos, tu as préféré délaisser la tire à Dédé contre un 4 4 flambant neuf afin de justifier ton bulletin d’écolo et de ressembler à ces cinq cents connards.

Pourtant tu parais plus sensible, baltique n’est plus hilarant mais ce pauvre chien sans maître que l’on empêche de rentrer dans une église. Tes textes corrosifs se sont envolés avec ta voix. Désormais semblable à un déchet nucléaire, elle s’enterre avec tes idées, mais marquera les nouveaux fans de Renaud, tout en dissimulant ta biographie lorsque les clopes arrêteront ta vie. Mais l’amour perdu qui t’a fait revenir sous les projos est en train de te rendre ridicule depuis que tu l’as retrouvé et t’as même fait raté un album entier.

Malgré cela, tu pourrais rouvrir les chambres à gaz, voté Sarko ou encore continuer à chanter que l’on t’aimerait encore. Tu as bercé notre enfance, orienté nos vies et nos opinions, tu es devenu notre pote lorsque que l’on se retrouvait seul dans sa chambre. Tu fais parti de ces artistes qui ont réussi avant les autres à réintroduire le style musette que l’on observait jadis aux ptis bals du samedi soir. Et ce n’est pas ces putains de cheveux blancs que tu caches sournoisement ou cette voix éteinte en même temps que le rebelle qui nous détourneront de toi. On jettera toujours une oreille à tes nouveaux albums si tu as la mauvaise idée d’en produire d’autres. Longue vie au chanteur mort en toi !!

le Couloir

Après une douzaine de litres déviants, David commençait à sentir les effets de cette fameuse cuite à l’eau. Plutôt qu’une ouverture aux autres, il récoltait un renfermement sur lui-même, une visite de son couloir intérieur. Alors que l’alcool remplit le corps de vices, l’eau nettoie tous les orifices et laisse uniquement pénétrer des corps neutres et observateurs au possible.

L’entrée de ce long couloir était annoncée par un panneau intitulé « Zone pudique » et s’engouffrait dans un univers de plus en plus sombre. Mais l’eau ruisselant depuis maintenant une paire d’heures permettait d’éclairer un peu ce passage. Ce long corridor se présentait sous la forme de stands. Le premier réunissait un groupe d’écrivains castrés qui avaient fait vœux de chasteté afin de pouvoir se consacrer pleinement à une réflexion ascétique. Toute absence de désir apporte une certaine lucidité sur les questions existentielles foncières et identitaires. Après un long passage sinueux, David entra en conflit avec ce que son corps avait sélectionné. Toute forme de vice s’arrêtait ici pour ne laisser place qu’à la Pureté (observez la Majuscule). Les vices prenaient donc un chemin différent et allaient se loger à des endroits inconnus et aléatoires.

Emporté par ce flot de pureté, David ne pouvait plus s’arrêter et sentait qu’il n’était pas le bienvenu dans un corps désormais étranger. La pureté serait donc ce corps étrange que l’on observe sans vouloir y adhérer ? Pourquoi s’attacher au Vice de cette façon-là ? Devenu impureté, David, ne maîtrisant plus son destin, fut éjecté à la sortie du couloir sans aucune possibilité de renouveler ce voyage éphémère et énigmatique. De simple particule coincée au creux d’une dent, David était devenu un déchet névrosé, que l’on avait trituré dans un périple mouvementé. Tout ce qu’il y avait de bon en lui ne l’avait pas quitté, il se sentait lavé mais sale, souillé par l’absence de vice. La naïveté qui l’habillait ne lui convenait pas, il manifestait le désir ardent de connaître le sort abstrait du Vice. Dorénavant curieux, puant, délesté des bonnes choses de la vie, David était devenu une merde.

lundi 3 août 2009

Grève de la fin


Il était une fois un peintre qui, par manque de fric, exerçait son Art au moyen de sa merde. Un petit MacDo lui permettait de dresser l’esquisse de son dessein, une 8.6 servait pour le remplissage, quelques verres de vin rouge imposaient la noirceur du portrait, enfin quelques gouttes de pisse venaient mettre un peu de soleil dans son univers pas très gai.

En plus de délivrer un message des plus lucides, ses tableaux étaient en quelque sorte autobiographiques, reflétaient son auteur au plus profond de lui-même et en temps réel. Ses œuvres, il les sentaient, sortaient de lui naturellement et sans réflexion, mis à part des faits qu’à Sion il devait avouer. Sans doute bénéficiait-il d’une liberté absolue dans sa matière à penser ? Peut-être profitait-il à fond de sa manière de s’exprimer du fait d’une gratuité obligée ? Le fait est que son Art était le meilleur jamais créé, éternel et seulement vulnérable à la température.

Ses messages quels étaient-ils ? Dans les débuts, il avait, comme tous les artistes, besoin de manger, et s’était appliqué à produire une saga intitulée « après le Cul le Rot » qui n’avait pas trop bien été accueillie auprès des critiques, jugée trop clichée du fait de son moyen de production. Pendant cette période, il mangea peu et ne produit que peu d’œuvres personnelles. Ce que le public perçut c’est un artiste original, à grande personnalité, à observer de loin mais voué à un avenir prometteur.

Puis vint la période commerciale où il participa à de grands projets, tels que l’illustration des célèbres films « les Dents de la Merde » et « Tout sur ma Merde », où encore le fameux clip des Négresses Vertes « C’est pas la Merde à boire ». Il récolta un bon paquet d’argent qui le poussa à aller perfectionner son Art dans les meilleurs restaurants de sa ville Cagnes-sur-Merde. L’apogée ne se fit bien sûr pas attendre, il changea d’appartement afin de pouvoir stocker sa peinture et opta pour un F12 près d’une station d’épuration.

Mais ses messages quels étaient-ils ?? Ah oui, comment peut-on résumer un tel Art ? Ben nous pourrions dire que son Œuvre traduisait un retour aux sources, une recherche de soi, une échappatoire à une pensée préfabriquée, voir la définition du mot « rebelle » dans le dictionnaire Larousse. La chose que nous pourrions remarquer c’est que ce phénomène fit des émules. Gratuit, abordable, infini, tout le monde se mit à s’exprimait selon cet adage « sentez, ressentez et peignez! ». Les villes de tout le pays se colorèrent de graffitis nauséa bons et un arrêté perfect oral fût mis en place.

Morale de l’histoire : j’en sais rien.

mercredi 3 juin 2009

Chair Joystick



Début d’après-midi, temps ensoleillé, quelque part, Xavier revient de son rendez-vous avec l’assistante sociale. Après avoir versé quelques larmes sèches, l’entretien s’était conclu par une prochaine rencontre afin d’affiner le profil de son mal-être décidemment coriace. A l’aide de sa télécommande, Xavier ouvre le portail automatisé de l’humble demeure familiale et ne peut s’empêcher de revoir son camion couvert de feuilles, signe d’un passé de teufeur révolu. Arrivé dans la salle à manger, il se précipite devant son ordinateur et lance son jeu favori après avoir vérifier que tout le monde était bien aller bosser.

Alors que le jeu se charge, Xavier sort son joystick de l’emballage et repasse le tapis afin de bénéficier d’une utilisation optimale. Le principe de ce jeu interactif est très simple, il s’agit de se concentrer au maximum et de rentrer dans la peau fictive du personnage de son choix puis de tirer sur son adversaire avec le joystick. Certains préfèrent s’identifier aux femmes, plus coopératives, alors que d’autres choisissent de s’allier à l’homme et de tirer avec lui.

Bref, on n’a pas le temps de s’attarder sur les règles du jeu car Xavier, prit par une frénésie incroyable, s’est déjà lancer dans sa partie et commence à préparer son tir. Le combat est rude car il a opté pour le niveau 4 et plusieurs personnes entrent en jeu. L’embarras du choix est ici synonyme de complexité, sur qui tirer ? Les deux hommes qui sans scrupules prennent pour cible une femme inconsciente et désarmée ? Ce chien errant, qui coure sur le plateau, le fusil chargé prêt à dégainer ? Ces deux femmes qui exhibent deux kalachnikov sans munitions ? Ou peut-être vaut-il mieux s’immiscer dans ce face-à-face qui oppose une femme désirant se finir en HARA-KIRI à un homme tentant de tout se faire péter à la gueule ? Ce qui le perd, c’est de savoir qu’il y a d’autres parties après, autant qu’il le souhaite. Ce qu’il veut c’est tirer au bon moment, dans le feu de l’action.

Mais le hic de l’histoire, c’est le retour de ses parents, qui l’incite à faire vite. Peut-être aura-t-il le temps d’une autre partie ? Combien de fois cela était arrivé que ses parents ou son frère rentrent à l’improviste et l’oblige à courir dans sa chambre, le joystick caché sous le T-Shirt.
Il prend alors le parti de la femme, victime de deux hommes dotés d’armes ultra puissantes comparées à la sienne. S’ensuit alors des va-et-vient entre sa cible et lui-même. Il ignore les deux hommes et concentre ses efforts sur ce point rouge qu’il faut atteindre à tout prix. Tout s’enchaîne, la partie touche à sa fin, mais Xavier n’est pas encore prêt à tirer son unique coup. Il s’acharne, il va y arriver, il est confiant. Mais à son grand désespoir, l’écran affiche GAME OVAIRE !! YOU’RE A LOOSER !!! Désespéré, Xavier presse sur la gâchette, mitraille l’écran noir et ressent une frustration extrême à laquelle s’ajoute une honte des plus impitoyable lorsque son frère entre dans la maison et le découvre le Joystick à l’air. Ce dernier éclate de rire et part dans sa chambre faire une partie sur son ordinateur portable avec wifi intégré.
C’est fini, plus jamais il ne rejouera à ce jeu débile et inutile. Pourtant après quelques jours, Xavier lançe une nouvelle partie, cette fois-ci des plus gratifiantes…

Berlin Alexanderplatz, Rainer Werner Fassbinder (1980)


Adaptation à l’écran du très mystique roman de Döblin, « Berlin Alexanderplatz » se présente en treize parties et un épilogue. Fleuretant de manière intime avec le théâtre, cette épopée se concentre sur une sorte de « trinité » terrestre : au nom du désir, de l’honnêteté et du pardon. Pendant plus de 15 heures, le Grand et précoce Fassbinder dépeint un univers en voie d’extinction où l’Homme agit et réagit comme une bête. Très vite, on quitte l’identité, la spécificité et l’âme du Berlin des années 20 pour faire corps avec un lieu commun et intemporel, simplement en crise.

En suivant au plus près le cheminement tragique de Franz Biberkopf, ancien détenu qui a fait vœux d’honnêteté, le spectateur observe la misère d’un monde sur le déclin, dans lequel aucune solution viable et honnête n’a lieu d’être. Ces signes apocalyptiques se manifestent par une lumière qui clignote, hésite à s’éteindre de manière continue et agresse la bonté des personnages que l’on aimerait voir réussir ou du moins vivre normalement.
A cela s’ajoute une musique lancinante qui revient en boucle, traduisant la faiblesse culturelle redondante de ce bas monde mais non dénuée de beauté. Par ses mouvements de caméra, Fassbinder observe ce chaos sous tous ses angles. On plonge ainsi dans le corps meurtri de notre héros martyr, puis on observe comment les autres martyrs, ceux dont on ignore l’identité mais dont on connaît l’histoire, se comportent d’un point de vue extérieur. De même, toutes les couches de la société, mis à part les bourgeois qui ne paraissent exister que dans les discours des révolutionnaires, sont passées au peigne fin. On se heurte à la carapace malsaine du voyou Reinhold, on se noie dans l’océan de remords qui submerge Meck, le meilleur ami de Franz, ou encore on glisse sur le visage angélique de Mieze, sa fiancée. Nombreux sont les messages qui nous sont offerts à travers ce jeu de caméra sur la plastique des personnages.
Enfin, l’image semble faite de peinture, aucun trait n’est parfaitement net, comme si l’on avait écrasé toutes ces informations pour en faire ressortir l’essentiel. A ces couleurs qui accroissent les sentiments des personnages, en bien comme en mal, le réalisateur utilise des dégradés qui laissent apparaître un monde en équilibre capable du meilleur comme du pire, de se relever comme de sombrer dans un abysse sans fond. Cette particularité permet à Fassbinder de ne pas juger les hommes mais plutôt l’Homme ce qui nous amène à observer le bien et le mal sans aucun parti prit et aller plus loin dans une réflexion où la subjectivité serait apparue comme un frein.

Fassbinder filme également le désir, la fidélité et la place de la femme. Cette dernière apparaît sous toutes ses facettes. Meurtrie, aguichante, calculatrice, naïve, aimante, autant de profils présentés sous une forme toujours digne et esthétique. Tous les aspects plastiques des femmes de cette fiction s’apparentent à la préciosité, celle qui sera incarnée par Lili Marlene dans son film suivant. Le corps de la femme est une chose, son âme en est une autre. Franz accepte que ses femmes se prostituent, se fassent entretenir, du moment que les sentiments ne quittent pas le domicile conjugal.
De même, durant les 15 heures, on n’aperçoit aucun jeu de séduction, les affinités paraissent s’établir de manière spirituelle, dès le premier regard, à l’exception des femmes objets, convoitées uniquement pour leurs chairs.

Puis il y a cet épilogue, l’heure du Jugement Dernier pour Franz et ses pairs. Cet ultime épisode, contrairement à ses prédécesseurs, n’est pas annoncé par un générique. On se retrouve directement dans le purgatoire psychique de Franz. Dès les premières scènes, on se dit que Lynch n’a rien inventé, tant la dimension surréaliste et les décors crèvent l’écran. On assiste à la séparation entre l’âme et le corps de Franz, assimilé à Job de l’Ancien Testament. Bien que son corps semble rétabli, son âme reste malade, les souffrances qu’il a infligées et subies sont toujours présentes. Il porte toute la souffrance du monde en lui et la crucifixion comme pénitence semble être le seul moyen pour rendre viable son âme dans l’au-delà. Magnifique.

La Bile


Au commencement était la gerbe. Celle qui nous a fait mal pour avoir la reconnaissance des autres lorsque nous étions adolescents. Celle qui finalise une surestimation de soi et nous prive de fleurs sous l’arche de l’ébriété. Celle qui devient une habitude que l’on crache avec dédain en souriant, comme une coutume joviale en quelque sorte. Celle qui arrive trop tôt parce qu’il y en a trop eu avant.

Puis il y a ce moment qui la précède, celui où l’on est euphorique, à l’intérieur ou pour les autres. On s’extasie sur un solo de guitare, un clip de Youteub, ou tout simplement sur le discours d’un humain que l’on adore sur le moment tant il brille par sa façon d’argumenter sur ce qu’il n’a jamais su en étant sobre. On est fasciné par ces artistes qui écrivent entre les lignes, on se sent exister, plus de problèmes connus ou à venir, mis à part celui de se procurer toujours plus à boire.

Enfin il y a la sobriété, celle qu'il faut combattre au plus vite, la cause de tous les maux. Dans ce lamentable état, on fait des plans, on tente de s’en sortir à tout prix. Alcool fort ? Vin rouge ? On se tâte, on regarde son porte-monnaie et on opte pour le vin rouge quitte à y ajouter un peu de coca s’il est dégueulasse. Quand on est sobre on ne vit pas le présent, on envisage notre futur en gramme d’alcool, on recherche cette énergie et ce courage métaphysico-cérébral que refile généreusement ce liquide exemplaire et sain.

lundi 18 mai 2009

Bagatelle pour une consécration


A nos aïeux transcendant les siècles et les espaces, aux hommes pleins de finesse et de dignité qui attachent plus de valeur à l’individu qu’à l’identité collective et abjecte, aux Juifs parvenant à exister sans la Shoah, à tous les artistes qui reconnaissent leur talent, à l’alcoolique ne remarquant plus que les épiceries de nuit lorsqu’il sort de chez lui, à la personne qui partage ses émotions les plus profondes sans se cacher derrière des expressions primaires et vide de sens, au dépressif qui se coule pour déceler une beauté dans les abysses de la Terre, à celui qui préfère se tromper plutôt que fermer sa gueule, à ceux qui n’ont rien à dire et qui se taisent.


Face au miroir, observes toi en train de te faire grignoter par la Mort. Il n’y a pas si longtemps tu étais encore un collégien naïf et heureux, propre dans toi. Maintenant tu es pâle, paumé, malade et sans avenir. On t’as menti sur la beauté de ce monde, tu découvres la cruauté sournoise de tes pairs et la violence de l’humain resté animal bien que civilisé. Mais finalement tu t’en fous, ton mal-être te préoccupes plus que la misère des autres, tu comprends que tu es inachevé, condamné à vie. Est-ce arrivé d’un seul coup, est-ce le fruit d’expériences douloureuses ? A vrai dire t’en sais rien, ça t’es tombé sur la gueule un beau jour et depuis ça te colle à la peau.
Même le Travail, que tu exécrais, devient une possibilité tant la stabilité et l’aveuglement qu’il t’amènes pourraient t’aider. La violence du réveil, le côtoiement d’autrui au quotidien, le fric que tu n’utilises plus que pour des conneries parce que tu n’as plus le temps d’investir dans ce qui te plaît, voilà les contraintes pour remonter à la surface.


Avec ton minuteur dans la poitrine tu réfléchis, tu pleures et tu attends, dans la crainte, que cette tragédie prenne fin en espérant ne pas avoir trop mal lors de la Transition. Tu te rassures en te disant que sur la Terre, on passe plus de temps mort que vivant et finalement la plus grande partie de ton existence se passera sans souffrance.
Mais alors réfléchis, tu as le choix, ton destin est entre tes mains. Le court instant que l’on te donne, celui où ton corps est mobile, ton esprit vif et ta liberté trop grande, utilises-le. Construis ton univers et sélectionne ce qui t’émoustilles, arrête de vivoter avec des remarques à la con qui te font perdre du temps. Pète la toi si ça peut t’aider, fais ressortir ce qu’il y a de bien en toi et tu te sentiras mieux. C’est le paradoxe de la vie : Plus tu as une haute estime de toi-même et plus tu te sens bien même si tu perds davantage lors de la Transition vers l'arrêt d'urgence.
Très vite quand tu te sentiras plus performant, tu auras besoin de confrontation, tu voudras que ton raisonnement soit le meilleur et tu deviendras exigeant, avec les autres comme avec toi-même. Si tout le monde a suivi ton parcours, tu pourras alors jouir de simples discussions qui feront encore ton bonheur quand ta bite et tes organes internes commenceront à défaillir. Mais pour être honnête et réaliste, tu te retrouveras seul avec toi-même. Tu voyageras dans ton univers, best of de ta vie, prêt à défiler pour le spectacle final.

mardi 28 avril 2009

Batalla en el cielo, Carlos Reygadas (2005)


Dès les premières minutes, le film annonce la couleur. Un homme amorphe, gros et ignoble est en train de se faire sucer par ce que l’on peut prendre pour une prostituée. Puis le film démarre. On apprend que l’homme en question se prénomme Marcos et qu’il est le chauffeur d’Ana, qui se prostitue pour passer le temps. Ana est jeune, belle et équilibrée. Marcos est hideux, insensible et bestial. Le film se construit sur ces oppositions et tente d’offrir une normalité à la laideur.

A Mexico, ville polluée et surpeuplée, Marcos vient de kidnapper un bébé avec sa femme encore plus ignoble que lui. Mais l’enfant n’a pas survécu et les deux acolytes se retrouvent avec une faute qu’il faut expier. Marcos va tenter de racheter son péché en faisant pénitence, donnant ainsi une dimension religieuse (un peu foireuse) au film.

« Bataille dans le ciel » est dérangeant, sale mais original. Les personnages principaux sont des anti-héros qui se prostituent pour les uns et vivotent à l’état de larve pour les autres. Marcos et sa femme baisent comme des animaux, ne jouissent pas car ils ne le peuvent pas, aucun désir, aucun plaisir, aucune sensibilité n’est détectable. Semblables à des bouts de chair, les deux monstres n’existent pas vraiment en temps qu’êtres humains. Même lorsque Marcos s’adonne aux « plaisirs » de la chair avec la belle Ana, il garde cette attitude de mollusque.
Pourtant Marcos tient à la vie, car il a peur qu’on découvre son crime, se pisse dessus quand il s’agit d’aller se livrer à la police. Il se tourne vers Dieu afin de se laver de ses péchés, ce qui permet au réalisateur de dresser un portrait pieusement con du peuple de Mexico.

Mais il suffit de faire un zoom arrière pour se rendre compte que ce couple ignoble et anormal n’est pas pire qu’autre chose. Que ce soient les vues aériennes déshumanisées de Mexico, les processions encensées par la bêtise et l’ignorance ou l’ennui ambiant qui conduit à la décadence, on réalise au final que ce couple inhumain n’est en fait que le symbole d’une ville en perpétuelle déliquescence. Le kidnapping de l’enfant reflète la volonté de continuer à se reproduire tout en sachant que la vie des générations futures sera encore plus morose. Enfin la scène finale donne raison à la violence unique échappatoire pour survivre. Le film se termine comme une apothéose où sainteté, sexe, bêtise et violence semblent engagées dans une pente à sens unique.

Sans être un chef-d’oeuvre, « Bataille dans le ciel » est à voir, pour la gueule de ses acteurs mais aussi pour cette poésie cruelle qui plane sur le film pendant près d’une heure trente.

jeudi 16 avril 2009

Rencontre à Saint-Anne


Sept heures du matin, quelques alcoolytes sélectionnés par le temps et l’endurance toxicomane s’échangeaient encore quelques mots essoufflés et vides. Le doux soleil estival venait piquer mes pupilles enflammées et me rappelait que le plus dur de la journée était encore à venir. L’envie de boire était toujours là mais mon corps avait largement eu sa dose quotidienne et ne me suivait plus. C’est alors que j’aperçus cette silhouette droite et tonique au beau milieu de ces cadavres de bouteilles de bière.

Seul depuis trop longtemps, désespéré par des rencontres de plus en plus rares, mon corps pourtant retissant au moindre effort me guida droit vers la proie et me fit asseoir à côté d’elle.
Mes yeux fatigués prirent le relais et emplirent mon corps d’un flot d’hormones revitalisant. Posée sur son cul, cette agréable créature portait un débardeur qui laissait entrevoir un décolleté affriolant. Sur son corps svelte se dressait une tête pleurant des larmes de sang. Je ne mettais pas longtemps à comprendre que ces traînées rouges étaient le fruit d’une séparation brutale et inattendue.

Attendri et émoustillé, j’entamais donc une discussion passionnée avec elle. Elle me dit qu’elle était assistante sociale et qu’elle apportait un peu de réconfort aux âmes en peine. Cette soirée, elle a tenté en vain d’aider un jeune en détresse sur les coups de deux heures du matin. Mais celui-ci a refusé lui crachant à la gueule toute son incompétence et la laissant là, déboussolée par tant de haine et d’incompréhension. Tout en continuant à verser des larmes, elle me dit que ses collègues avaient eu bien plus de succès. Je les observais sur la place, vidées de toutes leurs substances sociales et me dit que ce métier devenait difficile quand on se retrouvait refoulé de tout le monde.

De la générosité, il lui en restait, à ne plus que savoir en faire. Seulement elle ne savait pas la communiquer, la transmettre. Je ne sais ce qu’il me prit, mais je l’embrassais goulûment, afin de lui apprendre à se libérer de sa générosité. Je découvris là un manque de talent mais également une fille à prendre au onzième degré, c’est dire si la Nature ne l'avait pas gâtée. Faire dans le social n’était décidemment pas mon truc et je décidais de la jeter à mon tour. L’ultime cri que fit cette assistante sociale ratée s’étouffa dans la flaque de sang où elle baigna jusqu’à l’arrivée des balayeurs.

samedi 28 mars 2009

La journée de la Jupe, Jean-Paul Lilienfeld (2009)


Dans un collège de banlieue sensible, une enseignante désespérée tente de rétablir l’ordre dans sa classe par une méthode des plus convaincantes.
Petit film à la française, modeste, cruel mais pourtant tellement vrai, « La Journée de la Jupe » dérange par la lucidité de son constat. Tourné dans un quasi Huis Clos, la proximité entre enseignants et élèves, disparue depuis longtemps, est ici rétablie le temps d'une fiction.

L’enseignante (Isabelle Adjani) mets à nu un à un les élèves, profitant du pouvoir que lui offre la tenue d’un flingue. Sexualité, religion, racisme, réussite, autant de sujets banals qui sont abordés de la manière la plus originale. En plus de soulever les éternels problèmes de l’enseignement en zone sensible, le film se concentre en particulier sur la dignité de la femme. En effet, contrairement à leurs homologues masculins, les femmes sont montrées comme des battantes, refusant de se soumettre à l’animalité dans laquelle sont plongés les élèves.

Mais le film sort du cadre scolaire pour empiéter sur le politique en montrant le faux discours des autorités en place. L’image prédomine sur une quelconque volonté d’action et plutôt que d’agir foncièrement on tente d’étouffer le problème médiatiquement. Le principal du collège, incarné par Jacky Berroyer, présente son établissement comme un centre de gestion plus qu’un organe éducatif.

En somme, « La Journée de la Jupe » est un film des plus réalistes et plus qu’utile par les temps qui courent. A défaut de convaincre, il tente d’éclairer le regard de chacun sur les problèmes grandissants de l’éducation en banlieue et plus généralement sur l’éthique malsaine d’un Homme sans éducation. Woody Allen disait une phrase qui illustre bien ce film : « L’Education coûte cher ? Essayez sans »

mardi 24 mars 2009

Au-dessous du Volcan, John Huston (1984)


Exégèse du roman éponyme de Malcolm Lowry, « Au-dessous du Volcan » est incontestablement la meilleure adaptation cinématographique que je connaisse. Là où le roman apparaît complexe, déroutant, mystérieux et finalement ennuyeux, le film réussit à trouver un juste milieu entre accessibilité et fidélité sans sombrer dans la moindre vulgarisation.

Servi par un jeu d’acteur époustouflant, en particulier celui qui incarne le rôle exigeant du Consul, ce chef-d’œuvre revêt une légèreté trompeuse reléguant le Pathos au second degré afin de mieux l’amplifier. La pauvreté ambiante du Mexique, un réalisme proche de l’onirisme ainsi qu’un désespoir omniprésent, fondent quelque peu l’extrême souffrance du couple Geoffrey/ Yvonne dans le décor, à première vue. Pourtant, dès les retrouvailles des deux acolytes, on sent une démarcation, une souffrance extrême qui transcende tous les maux de la Terre. Séparés à jamais, les deux coeurs perdus sont filmés de manière intimiste par Huston d'où émane l’impossibilité d’une quelconque fusion, seule manière de faire rejaillir le feu du volcan à jamais éteint. Tout au long de ces deux heures, on assistera à des élans amoureux stériles subissant une désillusion de plus en plus tenace.

Contrairement au livre, Huston se focalise principalement sur le Consul et efface partiellement l’importance d’Yvonne, en tant que personnage. Rongé par la culpabilité, de plus en plus anéanti par son Amour qu’il regarde s’éloigner sans aucun espoir d’avenir, le Consul ne fait plus corps qu’avec sa bouteille afin « de retrouver un équilibre ». L’alcool le rend sobre, plutôt qu’une boisson, il s’agit là d’une nourriture, qu’il ingère de manière gloutonne et sans limites, ce qui est d’ailleurs magnifiquement filmé par Huston. Mais le Consul, c’est aussi cet être qui ne retrouvera plus jamais aucune réjouissance dans la vie. Nombreux sont les exemples, désespérément imagés, montrant qu’il n’existe plus, qu’il n’est plus qu’un spectre de lui-même.

Sans espoir, dénué de tout forme de fierté, mort avant de mourir, le Consul, à défaut d’avoir ravivé le feu de son volcan, meurt sous les coups de feu d’un pistolet, dans l’endroit le plus abject, après avoir voulu changer d’identité, comme si l’on pouvait échapper à son triste sort. Après « Gran Torino », certainement le meilleur film de l’histoire du cinéma…

lundi 23 mars 2009

L'antidote


L'arme du gangster fait valser la plume du rappeur. Le texte du rappeur fait rouler le jeune de banlieue dans sa BM, la vitre baissée, le coude à l'air. Le jeune de banlieue fait rêver le Hippie en lui vendant du mauvais shit. Le rasta albinos fait vivre le chanteur engagé dans le politquement correct, en lui offrant le fric de ses parents. Tryo, par ses textes ahurissants, offre une liberté encore plus grande à la maison de disque, productrice de flatulence... le gangster et le patron de la maison de disque trinquent à la santé du monde.


Effrayé par l'absence de sens, rongé par l'ennui, l'oisif finit par embrasser une carrière afin de reconquérir ce qu'il a perdu, son temps libre et sa liberté. En quête de normalité, il prend part aux combats éternels en se mentant sur l'inutilité de ses actions. Parce que les valeurs sociales tardent à venir, il fait porter le chapeau aux fainéants, et se satisfait quand ils se retrouvent dans la merde, comme s'il commençait à exister.


S'armer contre la solitude, ne dépendre que de soi-même et finalement ne pas y arriver, tel est la déception de l'Homme. Vomir ce que l'on était parce qu'on ne peut plus le redevenir, telle est sa manière de se rassurer.

samedi 21 mars 2009

Monde de Gloire, Roy Andersson (1991)



Paysages délavés, ambiance grisonnante et personnages déshumanisés, "Monde de Gloire" dérange, déprime et amène le spectateur à observer sa misérable existence.

Durant quinze minutes, on se retrouve en compagnie d'un courtier qui nous conte sa vie d'une platitude criante et d'une redondance à la limite du supportable. Aucun signe de vie, aucun mouvement et surtout aucune expression humaine que l'on cherche en vain tout au long de ce court-métrage. Et pourtant, le réalisateur décrit un univers quasi-identique au notre en y ajoutant une teinte plus morose et lucide.

De ce vide existentiel ambiant émane une multitude de messages plus dérangeants les uns que les autres. Une vie qui perd toute valeur lorsque l'on s'éloigne des personnes qui nous entourent, un confort acquis au prix fort et rimant avec ennui, mais surtout une situation déplorable qui parait immuable du fait de la bêtise humaine et par besoin de stabilité.

Nihiliste, minimaliste mais en somme efficace, "Monde de Gloire" bouscule toute convention sociale et stimulerait l'esprit le plus primaire en lui faisant rejeter toute situation stable.

Finalement le talent de Roy Andersson se trouve dans sa manière de filmer l'homme dans son plus simple apparat, dans ce qu'il est et que l'on n'ose regarder ou dans ce que l'on voit et que l'on ignore consciemment. L'art de décrire un monde sans art, construire avec du vide, faire passer des idées par l'intuition, autant de messages que ce talentueux réalisateur réussit à transmettre avec succès tout en restant étonnamment modeste.

P.S: Pour ceux que ça intéresse, le court-métrage peut être visionné en ligne à l'adresse suivante: http://just4shortmovies.blogspot.com/.

lundi 16 mars 2009

Les Plages d’Agnès, Agnès Varda (2009)


Portrait de spectres pleins de vie, autobiographie aux allures testamentaires, documentaire on ne peut plus ludique, « Les Plages d’Agnès » établit un lien direct entre fiction et réalité. La réalisatrice de "Cléo de 5 à 7" filme ce qu’il y a derrière sa caméra et pose un univers débordant de poésie nostalgique et visionnaire. Usant de son Art, si modeste et pourtant si imagé, elle nous dévoile ses combats, sa vision unique d’un monde plein de richesses cachées et surtout « se souvient de sa vie ».

Tout a une fin et pourtant tout est éternel chez Agnès, ses souvenirs viennent peupler son présent pour rejaillir comme des idées neuves. La jeune mamie de 80 ans habille ses décors pour se mettre à nue avec une pudeur et une sensibilité des plus intenses. S’entourant d’enfants, de figurants, de miroirs, de photographies, offrant généreusement quelques extraits de ses films, elle se refait une petite jeunesse en revivant son passé et montre toute l’utilité de l’Art, indispensable au bien-être de chacun.

Semblable à une fresque qui se replie sur elle-même, « Les Plages d’Agnès » clôt une époque, celle d’un cinéma cohérent et humain, proche du spectateur que l’on respecte autant que l’acteur. Loin d’être paradoxale, Agnès Varda est complémentaire. Vivant avec son temps, elle sait trouver une place à toute valeur que l’on jugerait dépassée voire démodée. Aimée de tous, des jeunes comme des vieux, on ne désire qu’une seule chose en sortant de la salle : visionner à nouveau tout ces films magnifiques et uniques.

mercredi 11 mars 2009

Voyage dans le corps de la Terre


Aujourd'hui M. est morte. Je contemple la pièce sans elle, peuplée d'objets mutilés, ravivant des souvenirs périmés et douloureux. Il y a ce fauteuil, sur lequel quelques-uns de ses cheveux orphelins ondulent encore dans le courant d'air glacial et silencieux, semblables à des vers à qui l'on a arraché une partie du corps. Ces habits, soigneusement rangés dans le placard, n'habilleront plus que son odeur qui a préféré prolonger son séjour ici-bas. Puis il y a cette organisation rappelant toutes ces scènes de la vie quotidienne, déjà si lointaines mais de plus en plus blessantes. Bizarrement, des petits détails que l’on aurait balayé d’un geste neutre et indifférent prennent désormais une importance primordiale, comme ce morceau de pâte crue qui espérait cuire sur le carrelage.

Depuis le temps a passé et je me retrouve seul avec cette issue tragique qui semble ne concerner que moi. La mort est venue s’immiscer dans ma vie déjà remplie par une solitude des plus intenses. Tous ces petits gestes quotidiens que je partageais avec M. avaient réussi à m’aveugler sur la tragédie commune propre aux Hommes. Un peu de lecture, quelques tâches ménagères puis le petit film du soir qui donnait souvent lieu à de grandes discussions entre nous, maquillaient ma pauvre existence en un rituel utilitaire et rationnel. Il y avait également cette différence d’âge, rassurante quand on est le plus jeune. On ne voit pas la mort en face lorsque l’on vit avec des personnes paraissant plus proches de cette issue.

A quand le moment où mon corps peuplé de rivières pourpres et vivifiantes se transformera en un lac de sang inerte recouvert par une peau putride et puante ? Pourquoi ce drame me hante-il au quotidien ? A quoi ressemblerai-je lorsque je serai mort, où passeront ces 21 grammes soit disant éternels ?
Mon quotidien consiste à se demander pourquoi construire son propre univers si c’est pour que celui-ci disparaisse à un moment plus ou moins attendu. Lorsque l’on voit la mort en face, beaucoup de questions rationnelles se résolvent par elles-mêmes. Toute cette comédie humaine devient de l’événementiel sans attrait, on s’attache à la seule valeur humaine, unique source de vitalité et on se fout de tout ce qui sert à perdre sa vie sans la vivre. Acquérir un bien-être humain plutôt que de se mentir en se laissant vivre par les autres, voilà ce que l’on souhaite lorsqu’on est mortel. La conscience de cette fatalité permet aux Hommes de rechercher une jouissance absolue sur Terre et de fonder leurs espoirs dans le présent, après libre à chacun d’entre nous de se consoler comme il le peut sur son triste sort, du moment que ça reste dans l’ordre de l’individuel.

Enfin, ce qui a changé depuis que je suis mortel, c’est ma façon de voir les autres. Une certaine peur pour les enfants qui n’ont pas encore appréhender ce drame, de la compassion pour les vieillards qui se trouvent devant le fait établi et le rejet de la masse au profit de l’individu pour les autres. Paradoxalement, la mort incite à tenir compte de l’individu plus que de la masse. Les questions que l’on se pose à soi-même se reportent aussi sur les autres et l’on voit les choses d’un angle de vue plus propice à l’échange. Mais la Mort c’est loin encore, mieux vaut ne pas y penser…

mardi 10 mars 2009

Surveillance, Jennifer Chambers Lynch (2008)


Après une fusillade entre policiers et tueurs en série, deux agents du FBI mènent leur enquête pour éclaircir un peu la situation. Les trois rescapés de ce drame sont une toxicamane, une fillette et un policier. Chacun donne sa version des faits en mentant plus ou moins...


"Surveillance" est un film sans morale, vide de sens mais pourtant tellement divertissant. Les personnages, d'apparence banale, cultivent tous ce brin de folie qui nous déconnecte de toute réalité. Grâce à cette ambiance, on devient plus indulgent pour finalement se foutre totalement des détails incohérents et se laisser mener par ces êtres corrompus et malades.


Comme dans "Boxing Helena", on retrouve cette relation entre dominant et dominé. Plus on monte dans la hiérarchie et plus la corruption et la bestialité augmente, l'insécurité provient de ceux qui sont censés la combattre et la machination que l'on ne soupçonne pas au début prend sournoisement forme sous nos yeux.


Contrairement aux critiques foireuses que l'on peut lire à son sujet, "Surveillance" reste un film divertissant grâce à une réalisation loufoque mettant en scène des acteurs inconnus qui répandent une folie ambiante sur son ensemble. L'influence de David Lynch n'est jamais très loin, surtout dans la psychologie des personnages, évasive et décalée.

jeudi 5 mars 2009

Gran Torino, Clint Eastwood (2009)


Ultime film du grand Clint Eastwood, « Gran Torino » est sans hésitation l’un des plus beaux moments de cinéma que l’on passera dans une vie.

Tranche de vie entre deux enterrements, mais surtout regard réaliste et cynique sur un monde frileux et nerveux, ce testament hilarant est avant tout un cadeau généreux offert au public. Sorte de miroir de notre société actuelle en perpétuelle déliquescence, « Gran Torino » amène tout d’abord à rire de soi, des autres et surtout des clichés qui pourrissent le quotidien. Le réalisateur tourne en dérision des thèmes phares comme la liberté d’expression, la négligence de nos vieux ou le racisme en faisant ressortir leurs platitudes. Jamais une scène n’a sonné aussi vraie que celle chez le coiffeur « rital » où Clint Eastwood, le « Pollack » apprend à parler à son petit protégé, un niakoué.

« Gran Torino », c’est également un réalisateur qui joue avec son public. Les clins d’œil aux westerns sont souvent présents, avec cette main qui sert de pistolet fictif et ce regard perçant que l’on connaît depuis « Le Bon, la Brute et le Truand ». L’affrontement avec les blacks en restera la meilleure scène, désormais culte.
Clint Eastwood fait du spectateur son confident, s’adressant uniquement à lui par moment mais surtout lui faisant comprendre que le cinéma est immortel et que l’on peut passer deux heures à rire des sujets les plus graves.

Enfin, à travers la symbolique illustrée par la « Gran Torino », le réalisateur voit son Art comme un héritage à prendre en compte mais également à poursuivre et s’adresse par la même occasion à ses pairs. Mais loin d’avoir la grosse tête, Clint Eastwood affirme que nul n’est indispensable, aussi talentueux que l’on soit. La scène finale avec le briquet illustre la fin d’un acteur talentueux qui s’écroule les bras en croix.

Clint Eastwood tire sa révérence de façon magistrale et nous le fait d’autant plus regretter que son dernier film est de loin son meilleur.

mardi 3 mars 2009

The Wrestler, Darren Aronofsky (2009)


Après le mystique mais très beau « The Fountain », Darren Aronofsky nous offre dans « The Wrestler » un moment de pure émotion à travers l’histoire d’un catcheur sur le déclin. A la fois documentaire sur le Catch et magnifique portrait d’un homme dont le destin tragique paraît inéluctable, ce film fait preuve d’un réalisme et d’un esthétisme surprenant.

Caméra au corps, Aronofsky tente de pénétrer à l’intérieur de ce catcheur dont on ne connaît que la personnalité scénique. Au fur et à mesure que les minutes défilent, l’être tendre et sensible prend le dessus sur la bête fruste et spectaculaire que le public présent dans le film observe. Sur ce point le réalisateur réussit à faire entrer le spectateur dans la confidence et lui fait observer l’envers du décor, totalement contradictoire avec l’opinion que l’on pourrait s’en faire. Il met en opposition deux publics, celui du film, excité et dupe, et celui dans la salle de cinéma, compatissant et muet.

Outre les nombreuses techniques de Catch dévoilées qui montrent à quel point ce métier et difficile, dangereux et contraignant, c’est surtout l’impossibilité d’y joindre une quelconque vie privée qui saute aux yeux. Randy (Mickey Rourke) est incapable d’avoir une relation sérieuse avec sa fille qu’il délaisse par superficialité. Le personnage qu’il s’est forgé tout au long de sa carrière a pris son identité et lui colle à la peau. Lorsqu’il rencontre Cassidy, strip-teaseuse et cœur perdu comme lui, il ressent une certaine affinité avec elle. La relation atypique entre ces deux personnages est d’ailleurs un des points forts du film.

Mais les signes du déclin sont là. Randy tente de se reconvertir en trouvant un travail dans une boucherie qui lui ouvre les yeux sur sa propre identité. Sans le Catch, il ne ressemble qu’à cette viande froide qu’il vend tous les jours à ses clients.
C’est également tout le milieu du Catch qui est en mutation. Le public, même s’il vénère encore les idoles, aspire à plus de spectacle et raffole toujours plus de l’extrême. La scène de la console de jeu va dans ce sens-là et marque la fin d’une époque.

Film intimiste et émouvant, « The Wrestler » revêt cet aspect « Grand Public » par ses acteurs mais aussi par sa mise en scène. Pourtant, le réalisateur y ajoute quelques scènes chocs (celle de la boucherie en particulier) afin de réveiller la personne qui n’aurait pas encore pris conscience qu’elle est train de regarder un chef-d’œuvre.

lundi 2 mars 2009

La Parole, l’Ecriture et les Maux

L’Ecriture, une plume dans le cul, se fait un sang d’encre de laisser feuille blanche. C’est pourquoi elle s’allie à la Parole qui s’avère être un bon complément en cas de panne sèche. Bien qu’il soit plus approprié de prendre une ligne pour tourner la page, il reste tout de même difficile de tirer un trait définitif à nos problèmes.
La Parole, filandreuse et légère, permet d’explorer tous les recoins de nos maux pour donner un signal de départ à l’Ecriture. Certes, elle peut se vêtir de différentes tonalités permettant à l’être qui la créer de se camoufler derrière un timbre de voix plus ou moins lâche, mais elle parvient souvent à réveiller une main avide de récit.

C’est ainsi que la Parole s’intériorise et envahit notre tête pour guider secrètement l’Ecriture qui tracera le trajet le plus court entre le problème et sa résolution. Cette petite voix intérieure commence très vite à divaguer, à apporter une masse d’informations que l’on cherche en vain à organiser, à hiérarchiser voire à travestir. Les mots qui ne voulaient pas sortir de notre bouche ne veulent pas non plus se poser sur la feuille, la pudeur prend le dessus sur le mal-être et la forme devient finalement le fond même de notre texte.
On se calque alors sur des tournures techniques, qui serviront de corps à notre propos et le problème personnel et gênant deviendra vite quelque chose de particulièrement général. La richesse d’une Ecriture cache souvent une stérilité volontaire de l’Esprit car elle enjolive un vide et recouvre ce que l’on cache au fond de soi.

Au final, on possède deux styles d’Ecriture. L’une connue, mais que l’on cache au fond de soi, et l’autre amorcée par la Parole que l’on déguise et que l’on offre à soi-même ou à autrui. Mis à part notre propre personne, les Hommes ne sont en fait que des images trompeuses et approximatives d’une réalité impossible à dévoiler car ils ont besoin d’un jardin secret qu’ils cultivent dans la solitude. Comme disait le poète, « le plus difficile n’est pas de monter mais en montant de rester chez soi ». La Culture comme épanouissement personnel devient vite un mensonge que l’on se fait à soi-même, nous donnant l’illusion de se libérer. On en connaît de plus en plus mais on en dit de moins en moins, on habille notre pensée pour la rendre stérile, l’intelligence pure servant uniquement à organiser la forme de notre pensée et non pas sa propre structure.

C’est à ce moment-là que toute forme de beauté, de destruction, d’humour, « d’expression libre » ou encore de marginalité servile apparaît pour pallier un trop-plein existentiel trompeur qui ne peut sortir qu’au compte-goutte et engendrant une implosion que l’on nomma jadis Folie. L’Homme n’est finalement qu’un animal de plus en plus exigeant au fur et à mesure qu’il s’instruit et son Ecriture, comme toute forme d’Art, épouse une norme, celle que l’on s’est forgé avec l’image des autres.

samedi 7 février 2009

Tropique du Capricorne, Henry Miller (1939)


Publié en 1939, "Tropique du capricorne" fit scandale dans les milieux puritains qui furent choqués par une écriture si crue et osée. Pourtant, ce qui saute aux yeux dès les premières pages voire les premières lignes, c'est cette prose décapante, imagée et originale qui, même si elle part dans des trip parfois, ravit son lecteur.


Dans son roman, Miller vomit toute sa haine envers l'Homme et met en avant le côté dérisoire de la vie. Cultivant l'indifférence à l'égard d'autrui, refusant toute forme d'attachement et prônant un mode de vie hédoniste, le personnage dépeint par l'auteur dans "Tropique" apparaît individualiste, je-m'en-foutiste et imbu de lui-même. Le monde, l'univers, c'est lui-même. L'intelligence est une arme qui lui permet de vivre selon son désir en se servant de ses "amis" mais aussi en accédant à ce qu'il veut. En fait, il ne déteste pas vraiment les hommes, il les reconnaît seulement par intérêt, il les voit comme des attributs qu'il pourrait joindre à son bien-être selon les situations. Pour cela, il utilise son cerveau afin de devenir le plus primaire possible et jouir foncièrement de la vie dans son propre monde envahit par la solitude. Grandir à l'envers, redevenir un enfant au sein de sa propre enfance et embrasser un mode de vie denué de toute méditation sur la vie, tels sont les combats menés par le personnage de "Tropique" pour se construire un monde où les envies remplacent les réflexions et les émotions. La vie est un tapis roulant. Soit on se laisse porter et on meurt au bout, soit on marche à contre-sens, on en sort et on va mourrir où on le souhaite, ce qu'a choisi le personnage. Ce dernier aimerait rajeunir et revenir dans le ventre de sa mère afin de se développer dans une sorte de contre-vie. Il aspire au désir de vivre une existence inversée au sens populaire du terme, déconstruire ce qu'il fabrique malgré lui avec le temps ici-bas. En somme, l'auteur est en quête d'une liberté absolue qu'il compte atteindre par un repli sur soi (mais pas une exclusion) et une absence de réflexion.


Mais ce livre comporte deux visages: celui du personnage, indifférent à tout, imbu de lui-même et volontairement seul, et celui de l'auteur, finalement sensible et soucieux du monde qui l'environne. L'auteur vient compléter le monde construit par le personnage en faisant apparaître une recherche et une curiosité envers autrui. Tout ce que le personnage aspire à rejeter, l'auteur le connait fort bien, de ce dégoût fictif découle une sensibilité bien réelle et "l'homme que j'étais je ne le suis plus" devrait plutôt être "l'homme que j'ai décrit je ne le suis plus".


Bref, "Tropique du Capricorne" est un excellent roman, doté d'un cynisme exageré, d'un érotisme parfois cru et souvent poétique mais surtout d'une prose loufoque de toute beauté. Il faut tout de même noter que la deuxième partie "Interlude" présente quelques longueurs et nous donne l'impression que l'auteur écrit uniquement pour lui-même. A lire.

mardi 13 janvier 2009

Sale F.D.P!!!


Avec tes cheveux roux qui deviennent très vite grisonnants, tu vieillis de plus en plus vite. Bizarrement, lorsqu’on est jeune on te laisse le cul à l’air pour finalement te vêtir d’une couche lorsque la maturité et l’âge nous travaillent. Avec toi, on devient sadique, plus tu nous fais du mal et plus on t’aime. On t’offre ce qu’il y a de plus profond en nous, tu es le seul autorisé à voir notre intérieur l’espace d’un instant avant qu’on te rejette d’un simple soupir neutre et indifférent.

Avec le temps, on prend un malin plaisir à t’habiller. On se rappelle le temps lointain où l’on gerçait ton bel habit blanc faisant ressortir ton torse velu et humide. Mais à chaque fois on récidivait et on t’apportait un peu de chaleur. Aujourd’hui, on devient perfectionniste et on n’accepte aucun plis ni défaut dans ta présentation. On attend un peu avant de te faire vieillir et on admire cette préparation parfaite.

Quand vient le moment où tu te rends utile, on aime à observer ce que l’on fait de toi. Certains t’embrassent discrètement du bout des lèvres, plus où moins longtemps, alors que d’autres, plus avenants et chaleureux, y mettent carrément la langue. Mais ces derniers se retrouvent très vite la bouche pleine de tes poils de cul et optent vite pour la couche. Dans tous les cas, ce contact t’émeut et te fais rougir au plus haut degré, si bien que tu ne sais plus où te mettre et te fais de plus en plus petite.

Parfois, on te met au vert, l’histoire que tu pètes la forme, et on te prend en tournante, entre potes, pour une bonne partie de rigolade. Puis quand tu n’as plus aucun intérêt pour nous, on te balance dans un trou ou par terre, ton cul noir et parfois creux pointé vers le ciel.

Qu’on soit croyant ou pas, la résurrection est un fait réel avec toi et même si l’on te déteste de plus en plus avec le temps, tu seras toujours là pour nous rappeler combien c’était con d’avoir cru en ton amitié…

mercredi 7 janvier 2009

Der Freie Wille, Matthias Glasner (2006)


Le « Libre Arbitre » ou l’art de pouvoir contrôler et décider de ses propres actes. Glasner construit son film sur cette notion ambiguë et abstraite en nous livrant un portrait grinçant et froid des pulsions qui se trouvent (peut-être) au fond de chacun d’entre nous.

Théo est animé de pulsions et ne peut s’empêcher de violer des femmes lorsque celles-ci l’émoustillent. Il est soigné dans un hôpital psychiatrique puis relâché pour bonne conduite. Dans un premier temps, un peu à la manière d’ « Orange Mécanique », Théo semble se comporter normalement. Il ressent toujours ses pulsions mais parvient à les canaliser par le travail qu’il réalise sur lui-même depuis la fin de son traitement médical. C’est alors qu’il rencontre Nettie, jeune femme abusée sexuellement par un père qui n’a pas respecté son rôle. Cette dernière s’éprend de Théo et parvient à former un couple quasiment normal avec lui. Faisant preuve de tolérance mais aussi de compassion envers le psychopathe, un semblant d’histoire d’amour naît entre les deux acolytes. Le besoin de réconfort et la solitude de Nettie viennent renforcer le sentiment naissant de normalité chez Théo. Ce dernier se sent à l’aise et réussit à vaincre sa peur des femmes, l’espace d’un instant, avant d’être à nouveau victime de ses pulsions antérieures…

Bien qu’impartial dans sa forme, « Der Freie Wille » est loin de l’être dans son fond même. Les paysages, morose et immuables, semblent aller dans le sens de la tragédie vécue par Théo. On pourrait penser que le réalisateur a voulu fondre le personnage dans une ambiance glauque afin de l’y confondre et d’en faire un cas particulier parmi d’autre sans réflexion profonde et sans parti pris. De même, toujours par rapport à la forme, on serait tenter d’évoquer la violence gratuite, souvent énoncer par les critiques. La première scène de viol, âpre et malsaine, peut paraître vide de sens et exagérée, mais présente un réalisme extraordinaire dans l’ambiance qu’elle véhicule. Les autres scènes de violence, pas si nombreuses que ça au final, vont également dans ce sens là et font énormément penser à l’atmosphère que l’on rencontre dans les films de Gaspard Noé. Au niveau de la forme donc, de l’apparence extérieure et donc du regard d’autrui, Théo est un être violent qui ne mérite pas sa place dans la société.
Mais le point fort du film de Glasner, c’est ce côté intimiste qui s’installe dès les premières minutes. Caméra au corps, le réalisateur tente de pénétrer au plus profond des personnages afin d’essayer de comprendre un problème qui apparaît sans solution. Plus on rentre dans le personnage de Théo, plus le sentiment de compassion nous envahit mais aussi plus on sombre dans l’incompréhension la plus totale. C’est là le point fort de ce film : arriver à pouvoir détacher le personnage de ses pulsions aux yeux du spectateur, en confronter les conséquences auprès de l’environnement extérieur et entamer une réflexion sans fin sur la place des marginaux mentaux dans la société.
Ce côté intimiste est également présent dans les émotions des personnages qui sont volontairement amplifiées afin de refléter une souffrance extrême et profonde. Que ce soit des gémissements, des pleurs ou mêmes des respirations, elles apparaissent aussi douloureuses que les cris des victimes de Théo et viennent atténuer la limite initialement bien tranchée entre le bourreau et ses victimes.

Au final, un film très réussi dans sa construction, scénaristique comme technique, mais aussi dans l’atmosphère qui plonge le spectateur dans un univers de réflexion, de douceur et de bestialité à la fois. Y a-t-il une morale ? Là n’est pas le but du réalisateur, ni de la réflexion auquel on est soumis. Les prestations des deux personnages principaux (ressemblant étrangement à Klaus Kinski et Charlotte Gainsbourg) sont vraiment excellentes et sans concession. Un film qu’il faut avoir vu avant de mourir…