mercredi 20 janvier 2010

Muriel ou le Temps d’un Retour, Alain Resnais (1963)


Quête d’un Paradis Perdu, recherche de soi à travers un passé que l’on tente en vain d’oublier, interaction entre une multitude d’âmes vides et de chairs dépassées par les évènements, « Muriel ou le Temps d’un Retour » dessine avec brio l’Inquiétude Générale d’un peuple en manque de repères. Tournée en quasi huis clos, cette fiction atypique tente de percer la contradiction entre conscience et inconscience, mensonge involontaire et lucidité aveugle, traumatisme et avenir.

La Guerre est ici le motif concret, l’origine des séparations et des changements de comportement fonciers, l’excuse du « c’était mieux avant ». On survole les acteurs et leur jeu pour mieux les pénétrer par la suite. Construit de manière chaotique, tant sur le plan technique que narratif, le film illustre le sentiment de désarroi général en même temps que l’instabilité d’âmes déchus et périmées. On remplit le vide présent avec le vide passé, on s’invente un bonheur nostalgique espérant le voir enfin apparaître. Mais le poids du passé est trop grand, par l’usure qu’il apporte mais également par la gestion du présent.

Pourtant il est difficile d’expliquer concrètement cette instabilité, tant ces personnages délavés paraissent calmes, intériorisant au plus profond d’eux-mêmes leurs secrets existentiels. Comment reconstruire ce que l’on a perdu si on n’y trouve aucun sens ? La Guerre remet en question le côté linéaire de la Vie, marque une coupure où le temps s’arrête, oblige une deuxième naissance dotée d’une mémoire trompeuse pré utérine.
Malgré quelques images d’archives, la Guerre ne se remarque pas, elle ne se lit pas non plus mais elle se sent. Constamment présente dans la tête des interlocuteurs, elle prend la forme d’une sueur sèche accrochée sans cesse à la peau.

Images saccadées, personnages étouffés par le vide qui comble leur lassitude, essai expérimental sur la déconstruction du temps et de sa linéarité, « Muriel ou le Temps d’un Retour » amène à réfléchir de manière cruelle sur le sens d’une existence, ou du moins sur sa quête. Cette dernière ne serait que le résultat d'une lecture dans le regard d'autrui, une apparence biaisée qu'on adopte en quittant notre regard morne des soirées solitaires.
La réalisation expérimentale permet au film de Resnais de tendre à l’universalité sans marquer une quelconque époque d’un point de vue technique. Enfin il faut saluer la prise de position du réalisateur qui dénonce l’utilisation du mot « événements » pour nommer la Guerre d’Algérie, et ce à peine une année après la fin des hostilités. A voir.

dimanche 10 janvier 2010

Laide Entité Nationale


Je me présente, je m’appelle Jean-Mouloud Abd-El-François, né à Alger La Blanche d’un père Tchétchène et d’une mère Russe. Ce subtil mélange m’a doté d’une peau grise, inqualifiable d’un point de vue racial. S’il fallait un terme précis pour me ficher on pourrait utiliser le néologisme « Malgrébien ». Ma misérable existence ne pouvait pas compter sur l’argent du Beur, encore moins sur l’obole du blanc. Ah la Couleur Blanche!!! J’en ai rêvé pendant longtemps !!! J’en emplissait tout d’abord mes copies doubles durant mes courtes études peu fructueuses, m’en suis vêti des pieds à la casquette grâce au Beau Serge Taquin, en observais la lueur au sommet des furoncles qui illustraient mon visage de petites bulles semblables à des claque-doigts, m’extasiais à son arrivée lorsque j’ai commencé à côtoyer les filles…

Mon quotidien est plutôt redondant, une routine qui évolue continuellement sans pour autant changer de gueule. Passionné tardivement par la littérature officieuse, du moins par celle que l’on découvre après l’Ecole, je passe parfois des après midi entiers à dévorer des livres plus ou moins frivoles. Allongé sur le lit, une capuche sur la tête, un coussin sur le ventre, le livre posé sur celui-ci afin d’éviter le mal aux bras, je suis prêt à arpenter les lignes parfois sinueuses que mes yeux suivent horizontalement (la plupart du temps). Tenez, je vous donne un exemple de ce que je peux lire… Récemment je me suis lancé dans la lecture du « Petit Geek illustré », ouvrage distrayant mais aussi plat qu’une série télévisée, un livre à gueule de bois en somme. Je ne peux m’empêcher de vous en lire un extrait, car ma vie et mon ressenti semble vous intéresser. Voici donc :

« Axel et Peggy (surnommée Peg), deux Geeks illustres, couple souterrain et virtuel, vivent en harmonie. Peu de sources relatent la vie quotidienne de ces acolytes hors norme. Seul un journaliste d’investigation a pu enregistré quelques bribes de dialogue :
- Axel : ACHETER UN MAIL ??? Les gens sont devenus fous !!! Le principe de gratuité d’INTERNET, c’est A VIE !!! HEIN PEG ???
- Peggy : Quoi ??? JE PEGUE ???
- Axel : Non, je m’adressais à toi, c’est RARE !! C’est une chose que je n’aime POINT FAIRE !!!
- Peggy : Tu te moques de moi là !! PD FEU au cul va !!
- Axel : Tu vas voir si je suis un PD !! (Il ouvrit sa braguette, on entendit un petit ZIP !)
- Peggy : Non, POINT COMME ça !!! je préfère qu’on fasse ça par Webcam c’est mieux :(
- Axel : je voulais simplement t’intimider, EST-CE RATE ?? :(
- Peggy : AXEL !! Regarde !! Un journaliste d’investigation !!!
(fin de l’enregistrement) »

Outre mes nombreuses lectures, je sors de chez moi de temps à autre et rencontre de vrais humains que je semble aperçevoir en qualité HD, un peu comme un film dont on détient le lancement du générique de fin. J’aime m’ennivrer légèrement avec eux à l’aide de Wisgeek et de Rom bien tassés. Mais dès qu’arrive l’ivresse, je lave mon corps à l’eau de peur de me dévoiler. Cela empêche rarement la gaule de bois du lendemain et mes réactions changent, je deviens un jambon-Beur, mi-bête mi-homme. Tenez la dernière fois, la tête pleine d’échardes, je rencontre une jeune demoiselle dans la rue : j’ouvre ma bouche pâteuse et lui demande : « Excusez moi mademoiselle, vous auriez l’heure s’il vous plait ?? Vous seriez bien aimable. » Mais la bête en moi ne pu s’empêcher de ponctuer ma requête par un majestueux « Salope !!! ». Je m’acharne alors sur cette gentille fille : « vas-y fais péter ton Shit, j’en suis sûr tu fumes des spliffs toi. Lâches ta deum que je roule quelques sticks, nique la France!! ». Je me mets à faire la cigale en plein hiver « tsst tsst tsst tsst tsst!!! » J’enrage, j’en veux à mon pays entier !!! Puis ma peau redevient grise et je me sens honteux. Je rentre chez moi, allume l’ordinateur, ouvre un bouquin traitant de l’influence de la cour de Louis XIV sur l’évolution de la noblesse de robe, pendant que mon film de cul se charge en streaming…