lundi 13 mai 2013

L'Art Terne Actif






Quelque part, je vois une Nature florissante à l'arrivée du printemps, dégageant des odeurs poétiques. Des mers de montagnes crépues laissent apercevoir un paysage bosselé, entrecoupé par des routes liquides. Le ciel y est d'un bleu turquoise et semble se jeter dans l'horizon avec une allégresse jubilatoire …

Quelque part, je vois une décadence urbaine créée de toute pièce par des humanoïdes déracinés, se frappant la tête contre des murs artificiels. Chaque bipède y est poursuivi par un nuage noir grêlant de haine, un téléphone portable en guise de parapluie.

Quelque part, entre tes jambes, je vois l'invisible dans ton regard hagard, ton visage décomplexé arbore la seule Vérité ici-bas. Plongé dans ton gouffre originel, je nais et je meurs sans interruption dans un va-et-vient incessant, le corps battant au rythme de la Vie.

Quelque part, je suis né d'une rencontre lymphatique entre deux êtres qui se sont aimés le temps d'une éjaculation. Les doigts nus mais une alliance autour la bite, je glisse dans la viscosité féminine, créant la musique lubrique d'une guitare organique.

dimanche 21 avril 2013

Le Zubial, Alexandre Jardin (1997)



Alexandre Jardin écrit de manière exaltée, sa prose est fraîche, dynamique et joviale. Dans "Le Zubial", il rend hommage à son père, personnage atypique et haut en couleurs.
Un grand-père collabo, un père faussement frivole, un oncle mystérieux,... la famille Jardin est une famille comme on a rarement l'occasion d'en voir. C'est un véritable théâtre au quotidien, les scènes loufoques et extravagantes se multiplient pour donner une biographie colorée qui marque le lecteur tenu en haleine de bout en bout.

Pascal Jardin est un omni-homme, il excelle dans tout et désire avant tout vivre l'instant présent qu'il considère comme l'essence même de la Vie. Ainsi, lors d'une balade en rase campagne, il s'arrête près d'une cabine téléphonique et signe un chèque en blanc qu'il glisse dans le bottin. De retour dans la voiture, il s'exclame : " Vite, profitons de la vie, si quelqu'un trouve ce chèque nous sommes ruinés !"

Il fait envoyer des fleurs quatre fois par jour à une prostituée pendant des mois pour que le concierge la prenne pour une princesse. Il rétrécit les murs du couloir pour que les huissiers ne puissent pas enlever les meubles, il organise des cambriolages mis en scène, comme les grand cambriolages d'antan...

En plus d'une succession d'évènements plus rocambolesques les uns que les autres, "Le Zubial" revêt un caractère psychologique, qui sera approfondi et complété dans un roman ultérieur intitulé " Le Roman des Jardin". Difficile de se construire en tant qu'enfant quand on se trouve confronté au monde adulte dès son plus jeune âge. Difficile d'accepter la Vie lorsque le principal acteur en sort. Tout au long de ce court roman, on ressent un manque cruel de la part de l'auteur et pourtant jamais l'on ne sombre dans le Pathos. La densité des phrases ou plutôt leur intensité vient retranscrire la force qui unissait Alexandre à son père. Un roman qui est difficile à refermer avant sa fin. A lire

Ejaculture ménopausée







Hier, on a volé mon Enfance au coin de la rue. Je l'ai retrouvée deux bières plus tard, un peu cabossée mais joviale. 


Chaque enfance est une naissance posthume, un souvenir qui se vit après l'avoir vécu. Tel un célibataire infidèle, l'enfant n'a pas d'âge et envisage ce qu'il veut sans pour autant le faire.

Pete arpente le chemin de la vie à reculons , tourne le dos à demain pour chercher un avenir passé. Que signifie le temps qui passe ? Pourquoi s'embêter à suivre un chemin tout tracé si à la fin il n'y a plus rien ? Restons ce que nous n'avons jamais été pour faire de soi un inconnu à explorer. La scoliose reste l'indice le plus tordant pour déceler un individu qui a fait le choix de perdre son identité foncière dans le but de trouver celle qu'il n'a pas pu avoir. Son corps prend l'apparence d'un point d'interrogation tout en prenant la forme d'un fœtus issu de l'Embryon Originel. Le Doute et la Vérité ne font plus qu'un pour donner naissance à une existence unique en fin de parcours.


Courir à reculons sur l'escalator de la vie et y croiser les gens normaux qui glissent sur leur non-vie. Dévaler les pentes de la Montagne Magique pour vomir la Vallée insipide et morose . Anéantir l'Homme sûr à grand coup de Surhomme pour mettre à mal ses certitudes. La Vérité est une chose qui s'invente, dans un microcosme suranné aux reflets de chair. Comme Tarkovski, il faut s'obstiner à arroser un arbre mort tous les jours pour nourrir l'inutile et se désillusionner de la fausse beauté de la Vie.


C'est un peu la magie de la Vie que de chercher l'animal grâce à la finesse. Quel est le but de l'Existence, si ce n'est cette recherche d'une clarté empirique, cette quête de l'entité limpide par le morcellement chaotique ?

dimanche 31 mars 2013

de la gerbe en binaire






Et c'est reparti, l'alcoolocation avec mon âme ne se passe pas comme prévu. Recroquevillé comme un fœtus, je pousse des hurlements liquides dans ce puits sans faim depuis bientôt une journée. Demain, il fera nuit. Dès mon réveil, j'irai me coucher pour tenter de récupérer le périssable qui viendra bientôt. La bête humaine que je suis demeure en circuit fermé, et ne peut qu'étaler ses aigreurs dans l'attente d'un assèchement de la source. Est-ce Thomas le responsable ? Peut-être que oui, car tout à l'heure je me souviens qu'il m'ouvrait grand les bras quand j'avais une bouteille à la main. J'ai été trop généreux avec lui, à le combler de cadeaux il me renvoie tout à la gueule, il devient mon ennemi au petit matin. « Vomi tard que jamais » comme il dit.

Un célèbre proverbe dit «  Si tu as un ennemi, ne cherche pas à te venger, assieds toi au bord de la rivière et attends, tu verras son cadavre passer ». Mais comment peut-on régler ce problème quand on est la source de ce propre fleuve ? Je ressemble à ces gargouilles qui ouvrent la gueule toute la journée, un filet d'eau sortant de la bouche en permanence. Mais j'aime la forme que prend ce tsunami lorsque je me mets à sourire, je me sens comme Moïse, ouvrant l'amer rouge d'un simple faciès moqueur.
C'est drôle l'envers du décor. On avale en homme et on vomit en animal.

Mais en même temps plus d'angoisse existentielle en période de dénutrition. Le trop-plein nous préoccupe bien plus que la peur du vide. On rêve d'un néant intérieur, on chasse toute chose qui peut avoir un sens.

Puis par moment ça se calme, et l'on se rend compte que les chiottes ont un visage, un mec plutôt cool avec une casquette géante, ouvrant une gueule pas possible. Je me dis que ce type doit être content de voir des têtes par moment mais le trouve en même temps un peu scato.

J'ai eu le jeu plus gros que le ventre, je démange, j'avale mes déboires, je dors comme la Loire, je crache le feu de mes trente ans, je rends le surplus de sociabilité que j'ai octroyé à moi-même. Artiste en gerbe, je peins l'inachevé tel un grapheur face au mur du dimanche matin. Puis quand j'en ai marre, je me sauve en courant. Il n'y a pas de raison, au collège c'est moi qui courait le plus vite de la classe. La gerbe ça ne doit pas courir très vite étant donné qu'elle se pointe toujours en fin de soirée, voire au petit matin. Mais non rien à faire, j'ai sûrement pas mal perdu depuis...

Au commencement était la gerbe.

mercredi 27 février 2013

The Master, Paul Thomas Anderson (2012)






Freddie, un vétéran, revient en Californie après s’être battu dans le Pacifique. Alcoolique, il distille sa propre gnôle et contient difficilement la violence qu’il a en lui… Quand Freddie rencontre Lancaster Dodd – « le Maître », charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause, il tombe rapidement sous sa coupe... 


Un océan brassé et pétri par les turbines d'un bateau. Le navire passe sous le Golden Gate et part pour New-York. Une micro-société tangue sur ce navire. un duel travesti en thérapie entre un alcoolique et un gourou prend naissance...

Pendant plus de deux heures, nous assisterons à la mise en scène de la thérapie employée par un gourou apparenté à la Scientologie. Mais le problème c'est qu'il ne se passe rien dans cette relation vide, dans cette confrontation réciproque. Paul Thomas Anderson aime les grands films et il les réussit bien souvent. Mais tout bon fan devra avouer que ce dernier film est un soufflet qui retombe dès la première heure. 
Que rechercher de fin et de subtil dans ce film quasi documentaire, dans cette illustration abstraite de l'évolution de deux cerveaux malades ? L'abstraction est tellement présente que l'on ne parvient à pénétrer aucun des personnages. On ne peut que les observer, les voir évoluer et en tirer une conclusion : le sujet devient le maître de son maître déchu, la thérapie ou l'enrôlement a échoué, seule la femme du Maître semble gérer la situation et en sortir renforcée. Mais au final, qu'est-ce que cela nous apporte ? Comment gloser cette psychologie de l'invisible, ce suggéré dû à un manque d'idées, ce gaz comblé par des acteurs sublimes ? Car s'il y a un point fort dans ce film, c'est quand même la prestation de Joaquin Phénix et Philip Seymour Hoffman. L'un pour sa folie, l'autre pour son acharnement et sa volonté de percer et d'exorciser le Mal.

Paul Thomas Anderson nous avait habitué à plus de finesse. Dans "The Master", il semble que la mise en scène ait primé sur la précision du scénario, chose pas forcément efficace pour un film psychologique. A noter que certaines scènes comme la course de moto dans le désert sont cultes et c'est pour ça que l'on regrette de ne pas pouvoir aimer ce film...