Aujourd'hui M. est morte. Je contemple la pièce sans elle, peuplée d'objets mutilés, ravivant des souvenirs périmés et douloureux. Il y a ce fauteuil, sur lequel quelques-uns de ses cheveux orphelins ondulent encore dans le courant d'air glacial et silencieux, semblables à des vers à qui l'on a arraché une partie du corps. Ces habits, soigneusement rangés dans le placard, n'habilleront plus que son odeur qui a préféré prolonger son séjour ici-bas. Puis il y a cette organisation rappelant toutes ces scènes de la vie quotidienne, déjà si lointaines mais de plus en plus blessantes. Bizarrement, des petits détails que l’on aurait balayé d’un geste neutre et indifférent prennent désormais une importance primordiale, comme ce morceau de pâte crue qui espérait cuire sur le carrelage.
Depuis le temps a passé et je me retrouve seul avec cette issue tragique qui semble ne concerner que moi. La mort est venue s’immiscer dans ma vie déjà remplie par une solitude des plus intenses. Tous ces petits gestes quotidiens que je partageais avec M. avaient réussi à m’aveugler sur la tragédie commune propre aux Hommes. Un peu de lecture, quelques tâches ménagères puis le petit film du soir qui donnait souvent lieu à de grandes discussions entre nous, maquillaient ma pauvre existence en un rituel utilitaire et rationnel. Il y avait également cette différence d’âge, rassurante quand on est le plus jeune. On ne voit pas la mort en face lorsque l’on vit avec des personnes paraissant plus proches de cette issue.
A quand le moment où mon corps peuplé de rivières pourpres et vivifiantes se transformera en un lac de sang inerte recouvert par une peau putride et puante ? Pourquoi ce drame me hante-il au quotidien ? A quoi ressemblerai-je lorsque je serai mort, où passeront ces 21 grammes soit disant éternels ?
Mon quotidien consiste à se demander pourquoi construire son propre univers si c’est pour que celui-ci disparaisse à un moment plus ou moins attendu. Lorsque l’on voit la mort en face, beaucoup de questions rationnelles se résolvent par elles-mêmes. Toute cette comédie humaine devient de l’événementiel sans attrait, on s’attache à la seule valeur humaine, unique source de vitalité et on se fout de tout ce qui sert à perdre sa vie sans la vivre. Acquérir un bien-être humain plutôt que de se mentir en se laissant vivre par les autres, voilà ce que l’on souhaite lorsqu’on est mortel. La conscience de cette fatalité permet aux Hommes de rechercher une jouissance absolue sur Terre et de fonder leurs espoirs dans le présent, après libre à chacun d’entre nous de se consoler comme il le peut sur son triste sort, du moment que ça reste dans l’ordre de l’individuel.
Enfin, ce qui a changé depuis que je suis mortel, c’est ma façon de voir les autres. Une certaine peur pour les enfants qui n’ont pas encore appréhender ce drame, de la compassion pour les vieillards qui se trouvent devant le fait établi et le rejet de la masse au profit de l’individu pour les autres. Paradoxalement, la mort incite à tenir compte de l’individu plus que de la masse. Les questions que l’on se pose à soi-même se reportent aussi sur les autres et l’on voit les choses d’un angle de vue plus propice à l’échange. Mais la Mort c’est loin encore, mieux vaut ne pas y penser…
Depuis le temps a passé et je me retrouve seul avec cette issue tragique qui semble ne concerner que moi. La mort est venue s’immiscer dans ma vie déjà remplie par une solitude des plus intenses. Tous ces petits gestes quotidiens que je partageais avec M. avaient réussi à m’aveugler sur la tragédie commune propre aux Hommes. Un peu de lecture, quelques tâches ménagères puis le petit film du soir qui donnait souvent lieu à de grandes discussions entre nous, maquillaient ma pauvre existence en un rituel utilitaire et rationnel. Il y avait également cette différence d’âge, rassurante quand on est le plus jeune. On ne voit pas la mort en face lorsque l’on vit avec des personnes paraissant plus proches de cette issue.
A quand le moment où mon corps peuplé de rivières pourpres et vivifiantes se transformera en un lac de sang inerte recouvert par une peau putride et puante ? Pourquoi ce drame me hante-il au quotidien ? A quoi ressemblerai-je lorsque je serai mort, où passeront ces 21 grammes soit disant éternels ?
Mon quotidien consiste à se demander pourquoi construire son propre univers si c’est pour que celui-ci disparaisse à un moment plus ou moins attendu. Lorsque l’on voit la mort en face, beaucoup de questions rationnelles se résolvent par elles-mêmes. Toute cette comédie humaine devient de l’événementiel sans attrait, on s’attache à la seule valeur humaine, unique source de vitalité et on se fout de tout ce qui sert à perdre sa vie sans la vivre. Acquérir un bien-être humain plutôt que de se mentir en se laissant vivre par les autres, voilà ce que l’on souhaite lorsqu’on est mortel. La conscience de cette fatalité permet aux Hommes de rechercher une jouissance absolue sur Terre et de fonder leurs espoirs dans le présent, après libre à chacun d’entre nous de se consoler comme il le peut sur son triste sort, du moment que ça reste dans l’ordre de l’individuel.
Enfin, ce qui a changé depuis que je suis mortel, c’est ma façon de voir les autres. Une certaine peur pour les enfants qui n’ont pas encore appréhender ce drame, de la compassion pour les vieillards qui se trouvent devant le fait établi et le rejet de la masse au profit de l’individu pour les autres. Paradoxalement, la mort incite à tenir compte de l’individu plus que de la masse. Les questions que l’on se pose à soi-même se reportent aussi sur les autres et l’on voit les choses d’un angle de vue plus propice à l’échange. Mais la Mort c’est loin encore, mieux vaut ne pas y penser…
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