mercredi 3 décembre 2008

L'Eternité et un jour, Angelopoulos

Un paysage plongé dans la grisaille, un portrait morose et délavé d’une Grèce sur le déclin et une musique triste à mourir, pas de doute on regarde bien un film d’Angelopoulos. Peut-être plus grand public que ses films précédents, « L’Eternité et un jour » continue de suivre ces personnages insolites perdus dans le tourbillon de la vie. Alexandre, écrivain célèbre, est atteint d’un cancer, il doit rentrer à l’hôpital pour mourir. On suit alors sa dernière journée où il rencontre un petit clandestin albanais et se remémore son passé.
L’espace et le temps ne font plus qu’un, l’infini côtoie l’éternel et tout s’arrête pendant près de deux heures. Alexandre voit la vie mais aussi sa vie dans les yeux du petit clandestin et la misère n’est ici qu’un simple facteur de rapprochement entre les deux êtres. Il revoit sa femme partie trop tôt comme ses enfants qui grandissent et se marient, sa distance qui a fait de lui un père absent mais aussi sa villa de bord de plage qui va être détruite, les temps se mélangent mais gardent une certaine cohésion pour finalement aboutir à une véritable thérapie. Alexandre visualise ses erreurs et sent naître en lui un espoir : l’Eternité. Tout peut se rattraper, rien n’est définitif,que ce soit dans les faits ou dans la tête, il suffit seulement de le vouloir et de prendre le temps, même lorsque la fin est proche. « Il faut trouver de nouveaux mots » propres à son existence et reconstruire avec un langage neuf tout ce que l’on a jadis connu et qui n’est plus.
Mais en dépit de cette volonté d’écarter le temps, Angelopoulos se place en cinéaste engagé en faisant émerger en nous une certaine compassion envers les clandestins. Il évoque un fléau qui est plus que d’actualité, de notre temps. Il nous offre d’ailleurs une scène d’anthologie à ce propos en filmant des clandestins disposés comme des notes de musique sur des barbelés à la frontière entre l’Albanie et la Grèce. L’atmosphère qu’il réussit à y installer est des plus froides et fait amèrement penser à la période nazie.
Les jeux de regards sont également très évocateurs. Alexandre, père de famille qui s’éteint dans un monde qui ne lui plait guère arbore une position voûtée et déclinante, pleine de dégoût et de nostalgie. Le petit clandestin, lui, a toujours les yeux portés vers les personnes qui l’entourent, il observe attentivement les événements qui se déroulent autour de lui, il se construit sur les ruines qu’observe Alexandre. Putain ya la scène du bus aussi qui est géniale !!!!!!!
Enfin, l’une des principales forces de ce film c’est aussi ce contraste entre le décor et l’histoire qui vient s’y greffée. Cette dernière est pleine de blessures mais fait sans cesse appel à des rapports humains, qu’ils soient passés où actuels. Les événements s'emboitent les uns dans les autres pour donner lieu à de nombreux rebondissements. En revanche, le paysage que Angelopoulos nous montre semble immuable comme si il était voué à péricliter lentement sans jamais pouvoir se relever un jour.

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