mercredi 24 septembre 2008

A l'Est d'Eden, John Steinbeck

Long et passionnant voyage à travers l'Amérique au début du XXème siècle, "A l'Est d'Eden" est une oeuvre magistrale mettant en opposition le Bien et le Mal.
En effet, Steinbeck s'inspire du mythe d'Abel et Caïn pour dresser une psychologie du Mal. Il pense que l'Homme possède une Vertu de base qu'il conserve toute sa vie. Mais à cela vient s'accoler le Vice ou plutôt les Vices qui changent continuellement de visage pour tenter de corrompre la Vertu. Cela, l'auteur nous le fait ressentir en montrant que le Mal ne peut se comprendre, qu'il est inexplicable et aléatoire. En général, il est facile de vanter les qualités d'une personne en évoquant sa sensibilité, sa bravoure ou sa générosité mais comment expliquer sa cruauté? "A l'Est d'Eden" nous donne quelques éléments de réponse en "matérialisant" le mythe d'Abel et Caïn: l'individu a besoin de reconnaissance dès son plus jeune âge et s'il sent qu'il plaît moins que son voisin ou qu'il croit être d'une utilité moindre, le Vice prendra le dessus sur la Vertu. En gros, s'il l'on ne peut jouir de sa Vertu, on devient mauvais. C'est sur cette idée-là qu'est construit tout le récit à travers l'exemple d'Adam et Charles, deux frères, puis des deux jumeaux d'Adam, Aron et Caleb. Steinbeck écrit clairement que c'est le choix de traitement du père que va rendre l'un bon et l'autre mauvais. Il y a également Cathy, Mal incarné déguisé en Vertu, avec sa philosophie "qui bande le premier encule l'autre", profitant des faiblesses des autres pour les manipuler..."A l'Est d'Eden" c'est aussi cette comparaison entre le relationnel et les sentiments propres des personnages, et la réflexion est loin de s'arrêter là...
Mais le roman dépasse le cadre de la simple narration pour dresser un portrait de la vie des paysans en ce début de XXème siècle. On y apprend leur coutume mais surtout, fait majeur de cette desription, l'hermétisme à toute forme de culture lettrée. Les paysans possèdent une culture orale, en somme ils se contentent de transmettre leur savoir-faire. Mais Steinbeck se sert justement de cet argument pour montrer que l'Homme a besoin de culture en s'appuyant sur Samuel Hamilton, personnage haut en couleur, cultivé et intelligent.
Enfin, même le style d'écriture est excellent. On glisse sur les lignes et on ne tourne en rond à aucun moment. Steinbeck parvient à nous faire ingurgiter l'histoire d'une mulitude de personnages sans nous perdre une seule fois au cours de ces 700 pages. Il traite aussi, et c'est une des curiosités du roman, à égalité tous les personnages quel que soit leur importance et le lecteur assimile donc aussi bien les détails que l'histoire principale.
Au final, un livre qui se présente comme une fresque intemporelle et qui surprend par sa modernité tant au niveau de ses idées que de son écriture.

2 commentaires:

Chinaski a dit…

Au tour des "Raisins de la colère" maintenant !
Saviez-vous que Steinbeck est finalement devenu un bon réactionnaire?

Inutilement, Chinaski.

ravachol a dit…

Oui c'est dans mes projets;). En lisant les critiques il paraîtrait que "les raisins de la colère" soit son chef-d'oeuvre mais je doute qu'il soit mieux qu'A l'Est d'Eden, en tout cas ce sera difficile...
Sinon j'ai également entendu que Steinbck avait viré réac et j'aimerais bien comprendre pourquoi...

Dubitativement, Baader