Dès les premières pages, on est très vite étonné par la puissance véhiculée par ce livre. Chaque phrase est un coup de poing dans la gueule et à la fois un voyage dans les ténèbres décrivant malheureusement la réalité. Usant d'un style argotique, mélangeant dialogues et prose dans la même phrase tout en racontant des histoires d' anthologie, Selby signe ici une oeuvre majeure. Tout au long de ces trois cent pages, ça pue le vice, l'alcool et la Benzédrine. On cherche en vain quelques traces d'amour et lorsque l'on en aperçoit la lueur c'est pour mieux retomber dans une violence sans concession, en somme une violence de fait que Selby n'explique pas mais décrit avec justesse.
"Last Exit To Brooklyn" n'est pas le genre de livre à rester longtemps sur la table de chevet à moins que ce soit pour en relire les passages cultissimes. Lorque l'on finit ce livre, bizarrement on ressent une impression de calme et alors on se met à réfléchir sur ce que l'on vient de vivre, car ce bouquin ne se lit pas mais se vit. L'auteur nous éclaire particulièrement sur le microcosme dans lesquels sont cloîtrer ces pauvres gens. Il en ressort un repli sur soi mais aussi un déversement de haine sur son voisin. Ainsi, les hommes, pour la plupart des oisifs ( souvent des pères de famille) font preuve d'une fierté parfois écoeurante, les femmes s'occupent des gosses en plus de leurs travails et les enfants se forment en bande et réitèrent ce que leur montre leurs parents. La boucle est bouclée, la situation paraît éternelle...
En ce qui concerne la construction du récit, elle met en avant de nombreuses oppositions. Tout d'abord au niveau des personnages. Georgie, le travelot sensible, arbore un côté crû mais est également passionné de poésie. Harry, le syndicaliste, se bat pour améliorer les conditions de travail de ses collègues, mais se comporte comme un salaud avec sa femme et a tendance à mener des luttes pour acquérir une certaine notoriété. Abraham, le black qui joue au dur mais qui se passe de la crème de beauté sur le visage quand il est chez lui,... Par ces exemples, Selby montre que l'homme est infiniment complexe et que ce que l'on croît connaître de la vie n'en est qu'une image tout le temps trompeuse. Il met en particulier l'accent sur l'apparence qui est primordiale dans ces quartiers.
La dernière partie du livre, rentre dans le quotidien de ces gens mais d'un point de vue évènementiel. Après avoir observé quelques cas particuliers, on fait un zoom arrière pour replacer ces personnages dans leur contexte et on assiste, de manière plus intimiste à ce quotidien morose et glauque qui, bien que bouillonnant de haine, semble figé à jamais.
"Last Exit To Brooklyn" est percutant, psychologique et bestialement humain.
Lire ce bouquin est un devoir!
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2 commentaires:
Salut Ravach...
Je n'ai pas encore lu tes nouveaux articles, mais je le ferai peut être si tu te décide enfin à me mettre en lien.
Par ailleurs, je tenais à te féliciter pour le nouveau fond que tu as choisis pour ton blog! Le noir, c'était aussi déprimant qu'un texte de Chinaski!!! En parlant de ce foireux, il faudrait lui demander de créer un "TOP 10" aussi, en souvenir de la grande époque.
Congratuleusement, Keiku
Selby n'écrit pas, il crache, vomit et pourtant fait naître une tendresse de ses personnages pourtant glauques au possible. Et c'est ce qu'il fait de mieux, car ces abîmes de noirceur n'empêchent pas une étrange empathie pour les personnages, tout simplement parce que Selby a également capté ce qu'il y a de plus humain en l'homme.
Quant à l'écriture, elle est directe, avec une utilisation constante du langage familier (comme dans Bukowski), hallucinée aussi...
Un grand bouquin...
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