lundi 18 mai 2009

Bagatelle pour une consécration


A nos aïeux transcendant les siècles et les espaces, aux hommes pleins de finesse et de dignité qui attachent plus de valeur à l’individu qu’à l’identité collective et abjecte, aux Juifs parvenant à exister sans la Shoah, à tous les artistes qui reconnaissent leur talent, à l’alcoolique ne remarquant plus que les épiceries de nuit lorsqu’il sort de chez lui, à la personne qui partage ses émotions les plus profondes sans se cacher derrière des expressions primaires et vide de sens, au dépressif qui se coule pour déceler une beauté dans les abysses de la Terre, à celui qui préfère se tromper plutôt que fermer sa gueule, à ceux qui n’ont rien à dire et qui se taisent.


Face au miroir, observes toi en train de te faire grignoter par la Mort. Il n’y a pas si longtemps tu étais encore un collégien naïf et heureux, propre dans toi. Maintenant tu es pâle, paumé, malade et sans avenir. On t’as menti sur la beauté de ce monde, tu découvres la cruauté sournoise de tes pairs et la violence de l’humain resté animal bien que civilisé. Mais finalement tu t’en fous, ton mal-être te préoccupes plus que la misère des autres, tu comprends que tu es inachevé, condamné à vie. Est-ce arrivé d’un seul coup, est-ce le fruit d’expériences douloureuses ? A vrai dire t’en sais rien, ça t’es tombé sur la gueule un beau jour et depuis ça te colle à la peau.
Même le Travail, que tu exécrais, devient une possibilité tant la stabilité et l’aveuglement qu’il t’amènes pourraient t’aider. La violence du réveil, le côtoiement d’autrui au quotidien, le fric que tu n’utilises plus que pour des conneries parce que tu n’as plus le temps d’investir dans ce qui te plaît, voilà les contraintes pour remonter à la surface.


Avec ton minuteur dans la poitrine tu réfléchis, tu pleures et tu attends, dans la crainte, que cette tragédie prenne fin en espérant ne pas avoir trop mal lors de la Transition. Tu te rassures en te disant que sur la Terre, on passe plus de temps mort que vivant et finalement la plus grande partie de ton existence se passera sans souffrance.
Mais alors réfléchis, tu as le choix, ton destin est entre tes mains. Le court instant que l’on te donne, celui où ton corps est mobile, ton esprit vif et ta liberté trop grande, utilises-le. Construis ton univers et sélectionne ce qui t’émoustilles, arrête de vivoter avec des remarques à la con qui te font perdre du temps. Pète la toi si ça peut t’aider, fais ressortir ce qu’il y a de bien en toi et tu te sentiras mieux. C’est le paradoxe de la vie : Plus tu as une haute estime de toi-même et plus tu te sens bien même si tu perds davantage lors de la Transition vers l'arrêt d'urgence.
Très vite quand tu te sentiras plus performant, tu auras besoin de confrontation, tu voudras que ton raisonnement soit le meilleur et tu deviendras exigeant, avec les autres comme avec toi-même. Si tout le monde a suivi ton parcours, tu pourras alors jouir de simples discussions qui feront encore ton bonheur quand ta bite et tes organes internes commenceront à défaillir. Mais pour être honnête et réaliste, tu te retrouveras seul avec toi-même. Tu voyageras dans ton univers, best of de ta vie, prêt à défiler pour le spectacle final.