Délaissant la dimension historique d'un Maghreb menacé par le terrorisme, "Des Hommes et des Dieux" met l'accent sur la philosophie de vie de huits moines cisterciens vivant en quasi-autarcie au milieu de cette terreur ambiante.A travers ce film, Xavier Beauvois dépeint le besoin de sens mais également l'appréhension de la Mort qu'éprouve chaque être humain.
Ayant fait don de leur personne à Dieu, les huits moines se retrouvent cloitrés dans un haut-delà terrestre, travaillent la terre, soignent les habitants voisins du monastère et vivent au rythme des prières. Leurs déplacements sont éphémères et les murs qui les encerclent constituent des limites spirituelles. Pourtant, la menace terroriste vient bouleverser cette vie cadrée et ascétique. Les murs du monastère se transforment petit à petit en limite physique, en protection contre le danger extérieur qui vient déranger une vie coupée volontairement du monde. On ne peut s'empêcher de penser à "La Peste" de Camus, à cette micro-société menacée par un chaos ambiant qui doit remettre en question ses habitudes et ses aspirations.
Faire un choix de vie radical, se donner un but foncier et s'y tenir, telle est la quête perpétuelle que recherchent ces huits moines. Mais le seul choix ne suffit pas à y croire réellement. La menace terroriste vient se poser comme une remise en question de ces choix, interroge la part foncière de chacun des moines. La Communauté et les volontés personnelles se confrontent. L'organisation du monastère est alors poussée à son extrême, les discours et les discussions religieuses deviennent sociétales car l'on y inclu le monde terrestre (doivent-ils partir ou rester malgré les terroristes?).
Après réflexion, c'est l'acceptation de la mort ou du moins la victoire de la vie éternelle et offerte à Dieu qui prend le dessus. La serénité face à la Mort ne s'acquiert que par la découverte d'un objectif et d'une croyance forte, religieuse ou terrestre, telle est la morale de ce film. Dans le plan final, le sang froid des moines marchant vers la mort en est la preuve.
Le dernier repas illustre cette renaissance des moines. Par leurs choix fonciers, ils sont devenus des enfants de Dieu, peu importe leur destin sur Terre, ils ont gagné le Paradis. Maintenant, libre à chacun d'entre nous d'en définir le sens pratique, de le rapporter dans sa propre réalité.
"Des Hommes et des Dieux", à l'instar des films de Bresson, filme l'Homme dans sa grandeur modeste et stoïque. Les acteurs sont porteurs d'un message, ils récitent plus qu'ils ne jouent. La force de ce film réside dans le caractère universel de son message. Nul besoin de croire en quelque chose pour pouvoir en tirer une leçon de vie.