Même si l'on retrouve tous les ingrédients de la sauce Almodovar, « La Piel Que Habito » ne ressemble à aucun des films du réalisateur. S'intéressant au Corps dans ce qu'il a de plus physique, Almodovar se questionne en brassant identité sexuelle et identité visuelle et cherche dans la « peau » de ses acteurs des réponses existentielles majeures.
Tout au long du film, le réalisateur se concentre sur un thème très scientifique : la transformation de soi par la chirurgie esthétique. De la création d'une nouvelle peau jusqu'au changement du timbre de la voix, la métamorphose semble exhaustive. Les détails et les plans intimistes ne manquent d'ailleurs pas pour les petits curieux qui aiment se tenir au courant sur ces sujets-là.
Pourtant, ce thème scientifique nous emmène sur les pentes de la philosophie : Qu'est-ce qui constitue l'identité d'un être humain en dehors de son physique ? Peut-on créer un être humain à son image, faire revivre dans la peau d'un autre une personne que l'on a perdue, tomber amoureux d'une enveloppe charnelle ?
Mais le film prend parfois une allure de comédie burlesque dans laquelle les acteurs n'ont plus peur de la mort tant les techniques médicales semblent performantes. Plus question de laisser une place au destin, plus de futur incertain mais un contrôle total de la Nature Humaine façonnée à l'image de l'être humain.
La force de ce film réside dans ce côté « sans concession », cette histoire programmée et prévisible qui annihile le libre-arbitre de chacun. Le docteur ( Antonio Banderas) n'est pas plus libre que ses « victimes », il est asservi par une science qui lui donne les pleins pouvoirs. Quant à ses victimes, elles se retrouvent psychiquement bouleversées et influencées par la Beauté parfaite de leurs nouveaux corps.
Véritable quête identitaire, « La Piel Que Habito » traite de la part foncière de l'individu à travers la question de sa plastique. L'apparence du visage est récurrente tout au long du film : personnages sans visages sur les tableaux en arrière-plan, poupées à la tête amorphe, acteurs métamorphosés,...
Mais à aucun moment, on entre dans la tête des acteurs, dans ce qu'il ont de personnel. Seule l'histoire du film les fait vivre et la dimension psychologique, aussi présente qu'invisible, relève de la seule Condition Humaine.
Almodovar joue avec ses acteurs tout comme avec ses spectateurs en les mettant sur de fausses pistes. Dans ce puzzle chronologique, il nous faut attendre l'ultime fin pour observer un retour à la liberté individuelle, celle de Vicente, cobaye de l'expérience filmique du réalisateur.