« Cosmopolis » est un film
atypique et désespéré. L'esthétique y est parfaite et l'on est
loin des premiers films de Cronenberg avec leurs images délavées et
fades. Dans son dernier film, le réalisateur du « Festin Nu »
tente d'explorer le monde obscur de la finance.
La plupart du film se déroule dans une
limousine blanche insonorisée, cocon matériel et lieu de vie du
golden boy Eric Packer. Dans ce palace mobile, il baise, boit, se
fait ausculter par un médecin, invite ses amis, discute
philosophie... le tout avec un visage placide et stoïque.
Lorsqu'il quitte sa limousine, Eric se
retrouve dans des endroits quasi désertiques et très classiques
(hôtel, bar-restaurant, terrain de basket, coiffeur,...).
Quelques phrases suffisent pour décrire
ce trip halluciné mais réel. En revanche, il faudrait beaucoup
plus de temps pour décrire ce qui est montré entre les images. Les
dialogues sont omniprésents et ce sont eux qui portent le film. « Le
Temps est une denrée qui se raréfie » lance Eric à sa femme,
accoudé au comptoir d'un bar. « Nous devons contrôler le
futur pour remplir le présent » lance l'espèce de professeure
de philosophie. En effet, le Temps est ici au cœur du film. Ça
grouille d'informations en temps réel, données par Torval, le garde
du corps d'Eric. Le jeune golden boy vit en avance sur le monde et se
retourne sur son présent pour observer ce qu'il est. Il y a très
peu voire pas du tout d'évocation du passé de la part d'Eric. Ce
qu'il faut pour survivre au monde de la finance, c'est vivre
perpétuellement dans la transition car l'invention périme à sa
naissance.
« Le mot ordinateur n'existe
déjà plus » affirme Eric. Le monde entre dans une ère
spirituelle, tout les termes changent et le matériel disparaît peu
à peu. « Cosmopolis » est une succession de mots mis en
image expliquant la fin d'un capitalisme matériel qui a engendré
la mis en commun d'un individualisme grandissant. Ce film réussi à
créer du neuf à partir de discours ressassés depuis des décennies.
Mais le discours n'est pas non plus anti-captialiste car le
réalisateur dénonce l'inutilité de certaines luttes consistant à
crier au scandale ou à entarter les coupables.
La scène finale est peut-être le
point faible du film de par sa longueur. On décroche un peu au bout
d'un moment et on est quelque peu déçu sur le moment avant de se
dire à nouveau qu'on vient de voir un chef-d 'œuvre en sortant
de la salle.
« Cosmopolis » est un film
très dense qui nécessite un second visionnage pour avoir toutes les
cartes en main et pouvoir comprendre un peu mieux cette magnifique
peinture cinématographique.