Qui ne connait pas Fedor me jette la première bière. Pilier de la littérature universelle, fin connaisseur de l’Ame Humaine, autobiographe inventeur d’histoires, pessimiste mystique, écrivain au talent contrasté, les termes que l’on peut lui attribuer paraissent trop nombreux pour tendre à une quelconque exhaustivité.
Dostoievski est un grand écrivain, c’est indéniable. En se plongeant dans son œuvre, on voit apparaitre progressivement un homme du souterrain, incapable de passer à l’action, perdu par ses convictions paradoxales et incompris par ses contemporains. La Muse de Fedor, c’est justement cette stérilité, cette impossibilité de pouvoir réaliser ses desseins. Ainsi, son œuvre est dichotomique, scindée entre monologues intérieurs confèrant au génie et descriptions évènementielles chiantes la plupart du temps.
Dostoievski est plus un philosophe qu’un écrivain. Son point fort réside dans la description de l’état psychique de ses personnages et des angoisses qu’ils subissent. Comment rester indifférent lorsque que l’on lit le passage sur la peine de mort dans « L’idiot », sur l’accusation de Mitia suspecté d’avoir tué son père dans « Les Frères Karamazov », sur ce petit vieux avec son chien qui méprise tout le monde dans « Humiliés et Offensés », sur le monologue intérieur de Raskolnikov quand il se retrouve rongé par la culpabilité dans « Crime et châtiments »,… ?
En revanche qu’est ce qu’on s’ennuie lorsque l’on découvre pendant des centaines de pages « l’adolescent » en train de subir les affres de ses camarades ! Dostovievski se montre chiant là où un écrivain comme Irvine Welsh se montre brillant, en l’occurrence dans le dialogue spontané et évènementiel. A l’exception de ses « Souvenirs de la Maison des morts », Dosto nous emmerde quand il sort du monologue intérieur.
Enfin, au fil de son œuvre, Dostoievski semble prendre une distance visuelle avec ses personnages. Dans «Crimes et Châtiments » on suit Raskolnikov d’une manière proche, frisant l’intime. On suit ses angoisses mais aussi sa vie de tous les jours, de manière terre à terre. En revanche à partir de « souvenirs de la Maison des Morts » il semble prendre une distance mystique avec ses personnages. Dans les démons, les personnages sont observés dans un ensemble, ils sont indissociables de leur environnement. Comme si la personne même de dostoievski avait pris le pas sur celle de ses personnages. Avec « Les Démons », ce ne sont plus des personnages mais des idées propres à l’Ecrivain. Dostoievski n’est plus sûr de rien et parvient difficilement à imposer un point de vue. Il cherche des solutions, à la manière d’une thérapie, en développant ses paradoxes dans la peau de ses personnages.