mercredi 29 juin 2011

Dostoievski ou l’art du monologue intérieur

Qui ne connait pas Fedor me jette la première bière. Pilier de la littérature universelle, fin connaisseur de l’Ame Humaine, autobiographe inventeur d’histoires, pessimiste mystique, écrivain au talent contrasté, les termes que l’on peut lui attribuer paraissent trop nombreux pour tendre à une quelconque exhaustivité.


Dostoievski est un grand écrivain, c’est indéniable. En se plongeant dans son œuvre, on voit apparaitre progressivement un homme du souterrain, incapable de passer à l’action, perdu par ses convictions paradoxales et incompris par ses contemporains. La Muse de Fedor, c’est justement cette stérilité, cette impossibilité de pouvoir réaliser ses desseins. Ainsi, son œuvre est dichotomique, scindée entre monologues intérieurs confèrant au génie et descriptions évènementielles chiantes la plupart du temps.


Dostoievski est plus un philosophe qu’un écrivain. Son point fort réside dans la description de l’état psychique de ses personnages et des angoisses qu’ils subissent. Comment rester indifférent lorsque que l’on lit le passage sur la peine de mort dans « L’idiot », sur l’accusation de Mitia suspecté d’avoir tué son père dans « Les Frères Karamazov », sur ce petit vieux avec son chien qui méprise tout le monde dans « Humiliés et Offensés », sur le monologue intérieur de Raskolnikov quand il se retrouve rongé par la culpabilité dans « Crime et châtiments »,… ?

En revanche qu’est ce qu’on s’ennuie lorsque l’on découvre pendant des centaines de pages « l’adolescent » en train de subir les affres de ses camarades ! Dostovievski se montre chiant là où un écrivain comme Irvine Welsh se montre brillant, en l’occurrence dans le dialogue spontané et évènementiel. A l’exception de ses « Souvenirs de la Maison des morts », Dosto nous emmerde quand il sort du monologue intérieur.


Enfin, au fil de son œuvre, Dostoievski semble prendre une distance visuelle avec ses personnages. Dans «Crimes et Châtiments » on suit Raskolnikov d’une manière proche, frisant l’intime. On suit ses angoisses mais aussi sa vie de tous les jours, de manière terre à terre. En revanche à partir de « souvenirs de la Maison des Morts » il semble prendre une distance mystique avec ses personnages. Dans les démons, les personnages sont observés dans un ensemble, ils sont indissociables de leur environnement. Comme si la personne même de dostoievski avait pris le pas sur celle de ses personnages. Avec « Les Démons », ce ne sont plus des personnages mais des idées propres à l’Ecrivain. Dostoievski n’est plus sûr de rien et parvient difficilement à imposer un point de vue. Il cherche des solutions, à la manière d’une thérapie, en développant ses paradoxes dans la peau de ses personnages.

7 commentaires:

Le Bigorneau a dit…

Je suis bien évidemment pas d'accord avec vous

ravachol a dit…

C'est qui "vous"?
Explique moi pourquoi je suis toute ouïe.

Le Bigorneau a dit…

Salut...

En fait une phrase que tu as écrite résume mon désaccord:
"Dostoievski est plus un philosophe qu’un écrivain"...

Dans un premier temps, Dostoievski s'attache surtout à la psychologie des personnages et il entre très peu dans le domaine de la philosophie...

Mais surtout, Dostoievski est à la fois un GRAND écrivain et un fin psychologue... La tournure de ses phrases tout comme le rythme qu'il insuffle à ses récits à l'aide des mots font de lui un écrivain majeur! Il fallait avoir se talents rare qu'ont les grands littérateurs pour pouvoir rendre aux dialogues toutes leurs grâce et laisser souvent la folie s'exprimer avec autant puissance!

ravachol a dit…

Je suis entièrement d'accord avec toi, la dimension psychologique est omniprésente chez Dosto. Mais la spiritualité est tout aussi présente, et justement elle relève plus de la philosophie que de la foi. Dans mont texte, pour être plus clair, je voulais dire que ce que j'aimais chez Dostoïevski c'était ses longues tirades, qu'elles soient au sein d'une discussion ou non. Je ne trouve pas de talent particulier à cet "écrivain" quand il s'occupe de faire avancer son histoire. Il se montre souvent ennuyeux dans l'évènementiel et se perd dans les détails et les noms par souci d'exhaustivité. Ce que je veux dire c'est que par moment, ses " romans" se perdent dans les détails et ressemblent à des archives. On dirait qu'il demande conseil à son lecteur et attends de lui une réponse tellement il lui fourni d'information. Il y a un côté superflu dans ses grands romans et c'est bien dommage car le lecteur décroche par moment et passe peut-être à côté de réflexions intéressantes.

Par "écrivain", j'entendais "qui écrit une histoire". Mais c'est vrai que cela va bien au-delà...

Mais Dostoïevski reste tout de même un génie, je le reconnais.

Le Bigorneau a dit…

Dans le doute, je dirai que c'est une question de sensibilité...

Mais pour ma part, je trouve beaucoup d'intérêt dans dans les description qu'il fait!

Dans "crimes et châtiments" quand il décrit la maladie et l'évolution de celle-ci...

Dans "les nuits blanches" quand il dresse un portrait d'une partie de SPb qui n'est visible que par les désespérés...

Je chercherai des exemples de phrases qui tiennent à mon avis du génie pour te les poster!

Pour ce qui est de "faire avancer son histoire", je trouve encore une fois qu'il agit comme un virtuose de la plume, en particulier pour faire évoluer les intrigues dans "Les frères Karamazov" le lecteur est toujours en alerte!!!
Et la description de la décrépitude du père Zosime, ce model de sagesse, qui prouve toute l'ironie de Dostoïevski mais qui mets aussi ses craintes en scène...

Je ne peux pas en dire plus car les mots me manquent... Mais tout de même pour moi Dostoievski à presque atteint la perfection en tant que romancier...

ravachol a dit…

Je ne remets en doute le talent de Dosto mais juste que la construction de ses romans est inégale. Les dialogues spontanés manquent de piment, mais les descriptions qui relèvent de l'interne sont cultissimes. Dostoievski est bon quand il parle de l'intime et du ressenti.

ravachol a dit…

Dostoïevski est un philosophe qui a évolué de manière inverse par rapport aux philosophes que l'on connait. C'est à dire qu'il a créé une oeuvre pour se forger des idées. Ses convictions il les revendiquent dans la bouche de ses personnages et je pense qu'après chaque oeuvre majeure, il devait en sortir grandi, peut-être plus éclairé.

Mais pour cela il a voulu romancer ses récits, pour quelle raison? on n'en sait rien. Peut-être est-ce la forme qui lui convenait le mieux? Peut-être voulait-il avoir un impact sur la peuple russe qu'il craignait autant qu'il admirait?

La rigueur qu'on aime tant chez lui quand il aborde le thème de la morale ou de l'existence lui fait défaut par moment dans des descriptions. Quand il raconte toute la généalogie d'un personnage en alignant des noms incompréhensibles par les occidentaux que nous sommes ,il se montre ennuyeux.

Comme le dit Nabe dans "Au régal des Vermines", la littérature c'est raconter sa vie, ça ne sert à rien d'inventer une histoire puisque l'on a la sienne devant les yeux. Dostoïevski s'inspire de sa propre vie en grande partie mais par moment ce côté romanesque vient introduire quelques vides dans le récit.

Mais je le répète encore une fois: Dostoïevski débordait de talent