Alina revient d'Allemagne pour y
emmener Voichita, la seule personne qu'elle ait jamais aimée et qui
l'ait jamais aimée. Mais Voichita a rencontré Dieu et en amour, il
est bien difficile d'avoir Dieu comme rival.
Dès les premières
images on est happé par ce climat glacial, par cette communauté qui
vit de manière isolée en quasi autarcie, par ces paysages à la
sévérité magnifique, par cette Roumanie affamée mais solidaire et par le talent de Cristian Mungiu...
Alina rentre
d'Allemagne, de cet occident au-delà des collines, souillée par une
impureté charnelle et spirituelle. Voichita a succombé au charme
invisible d'un prénommé Dieu. Qui de la chasteté ou de la chair
l'emportera ? « Papa », le prêtre de la communauté,
vient ici se poser en arbitre spirituel entre Alina et Voichita.
Lorsque Voichita lui fait part de son désir de partir en Allemagne
pour ramener Alina à la raison religieuse, « Papa » lui
répond que « celui qui s'en va ne revient pas pareil ».
Pourtant Voichita est restée et c'est elle qui a changé. Son amour
pour Dieu la rend niaise, soumise et réglée. En revanche, Alina est
humaine, imprévisible et sanguine. Aux yeux du prêtre, elle est
possédée par le Malin, il faut donc l'exorciser...
Il s'ensuit tout une séries de vaines guérisons religieuses. Lorsque Alina a ses crises, les nonnes s'agglutinent autour d'elle pour l'immobiliser, donnant ainsi des images sublimes de désarroi mais également de sincérité. Les nonnes apposent un regard naïf, observateur et à la fois curieux sur Alina. Elle représente le mal, peut les mettre en danger, religieusement parlant, mais elle porte une souillure qui la rend attrayante. "Au-delà des collines" est un peu la fusion entre "Des Hommes et des Dieux" et l'Exorciste". Les influences d'Haneke et de Dreyer se font ressentir mais on sent que l'on peut vite tomber dans le film d'horreur vers le milieu du film. C'est une des réussites du film, de posséder plusieurs ambiance, de changer de style tout en restant classe et linéaire.
Ce qui est fort aussi, et
qui donne toute sa dimension au film, c'est le dénouement. On
revient à la réalité et on se rend compte qu'Alina a gagné,
qu'elle a détourné Voichita de Dieu, que l'Amour a triomphé de
la Religion. Mais ce sont aussi ces marques sur le corps d'Alina et
cette supposition qu'elle a été maltraitée par la communauté
religieuse, qui semble vouloir faire le Bien mais qui est aveuglée
par ses convictions religieuses. Alina fait don de sa personne à
Dieu pour reconquérir Voichita. Au lieu d'être un échange, comme
tout amour normal, cet amour fonctionne comme un vase communicant,
l'amour spirituel que donne Alina à Dieu est récupéré en amour
terrestre par Voichita. Plus Alina est affaiblie, plus elle se
« donne » à Dieu, et plus Voichita sort de sa condition
servile de nonne. Alina passe de femme à martyr tandis que Voichita
passe de nonne à femme. La déshumanisation d'Alina, qui ne parvient
pas à matérialiser le seul amour compatible avec celui de Voichita,
fait renaître en cette dernière des sentiments humains et charnels.
Mais finalement, à aucun moment Alina ne croit réellement, ce don
de soi est une démonstration de son amour pour Voichita, lorsqu'elle
regarde Dieu elle y voit Voichita.
Ce film est chiant
sur la feuille mais sublime à l'écran. Outre l'histoire d'amour
tragique qu'il relate, il dresse un constat assez noir mais
certainement lucide sur la Roumaine d'après Ceaucescu, avec sa
misère atténuée par la solidarité et utilisée par certains
(comme la famille d'accueil d'Alina) et ses enfants maltraités par
des coupables impunis (pédophilie). Le rideau de boue qui s'abat sur le fourgon de
la police met un terme au film de façon magnifique.