vendredi 5 novembre 2010

Des Hommes et des Dieux, Xavier Beauvois (2010)


Délaissant la dimension historique d'un Maghreb menacé par le terrorisme, "Des Hommes et des Dieux" met l'accent sur la philosophie de vie de huits moines cisterciens vivant en quasi-autarcie au milieu de cette terreur ambiante.A travers ce film, Xavier Beauvois dépeint le besoin de sens mais également l'appréhension de la Mort qu'éprouve chaque être humain.

Ayant fait don de leur personne à Dieu, les huits moines se retrouvent cloitrés dans un haut-delà terrestre, travaillent la terre, soignent les habitants voisins du monastère et vivent au rythme des prières. Leurs déplacements sont éphémères et les murs qui les encerclent constituent des limites spirituelles. Pourtant, la menace terroriste vient bouleverser cette vie cadrée et ascétique. Les murs du monastère se transforment petit à petit en limite physique, en protection contre le danger extérieur qui vient déranger une vie coupée volontairement du monde. On ne peut s'empêcher de penser à "La Peste" de Camus, à cette micro-société menacée par un chaos ambiant qui doit remettre en question ses habitudes et ses aspirations.


Faire un choix de vie radical, se donner un but foncier et s'y tenir, telle est la quête perpétuelle que recherchent ces huits moines. Mais le seul choix ne suffit pas à y croire réellement. La menace terroriste vient se poser comme une remise en question de ces choix, interroge la part foncière de chacun des moines. La Communauté et les volontés personnelles se confrontent. L'organisation du monastère est alors poussée à son extrême, les discours et les discussions religieuses deviennent sociétales car l'on y inclu le monde terrestre (doivent-ils partir ou rester malgré les terroristes?).


Après réflexion, c'est l'acceptation de la mort ou du moins la victoire de la vie éternelle et offerte à Dieu qui prend le dessus. La serénité face à la Mort ne s'acquiert que par la découverte d'un objectif et d'une croyance forte, religieuse ou terrestre, telle est la morale de ce film. Dans le plan final, le sang froid des moines marchant vers la mort en est la preuve.


Le dernier repas illustre cette renaissance des moines. Par leurs choix fonciers, ils sont devenus des enfants de Dieu, peu importe leur destin sur Terre, ils ont gagné le Paradis. Maintenant, libre à chacun d'entre nous d'en définir le sens pratique, de le rapporter dans sa propre réalité.


"Des Hommes et des Dieux", à l'instar des films de Bresson, filme l'Homme dans sa grandeur modeste et stoïque. Les acteurs sont porteurs d'un message, ils récitent plus qu'ils ne jouent. La force de ce film réside dans le caractère universel de son message. Nul besoin de croire en quelque chose pour pouvoir en tirer une leçon de vie.

mercredi 4 août 2010

Leçon de doigté


Après six mois de galères, je réussis enfin à trouver ton point G. Du bout des doigts, tout d'abord, avec douceur et dexterité, je te touchais un peu partout, parcourais les 24 heures du manche pour trouver l'itinéraire adéquat. Je compris vite qu'il fallait te caser et non te faire frêtiller s'il l'on voulait que tu jouisses proprement. Ensuite, expérience oblige, je me mis à te travailler avec mon index, tendu et vigoureux. Tu m'offris alors un son complexe que je canalisais plus facilement. En accord avec toi, nous essayâmes plusieurs dildo mineurs en plastiques, plus ou moins épais, selon mes envies du jour. Plus je me rapprochais de ton trou, plus tu montais, on entrait parfois en harmonie quand je t'effleurais avec délicatesse.


Bref, la découverte de ton plaisir créa en moi une dépendance quotidienne et le rouge au bout de mes doigts apparût lorsque je me mis à apprendre tes règles. Durant les brefs instants de blues, je m'arrêtais sur ton corps pour noter de manière insistante la façon dont il fallait poursuivre l'acte.


Aujourd'hui, tu m'as comblé. Dans ma chambre, je continue à te découvrir en silence, me montrant un brin original, regardant sur le net comment tes copines prennent du plaisir. En soirée, je sors le grand jeu, te fais jouir le plus fort possible pour montrer mon assurance auprès des autres, branle ton manche frénétiquement. Les filles s'approchent, aiment notre complicité jusqu'au moment où je me mets à jouir moi aussi, parait que je jouis mal. Pas grave, ta seule compagnie me suffit, quoique qu'une petite partouze c'est bon aussi. Quoi de plus beau que deux guitares qui prennent leurs pieds au bout de doigts subtils et agiles?


Pour te prouver ma fidélité, j'ai fondé une entreprise avec toi, révelatrice de notre osmose torride. Je l'ai nommé "flamme and co". Fini tout ces gadgets en plastiques, je te laboure à l'ongle maintenant, te gratte, te percute à coups de mandales, et le pire c'est que tu en redemandes...

mardi 27 juillet 2010

La Camarde de Darwin ou l'Evolution négative


"Oh non, l'Homme ne descend pas du singe, il descend plutôt du mouton" scandait tout à l'heure ce chanteur talentueux sur ma radio personnelle.


Big Brother: Retour des religions, montée du terrorisme et de l'intégrisme, illéttrisme, misère sociale et intellectuelle, insécurité totale de minuit à 23h59... tous les fléaux remontent à la surface, ça va péter!!! Faites les moutons, obéissez-nous si vous voulez que vos enfants s'en sortent!!!


Petit Frère: Pas de problème. Que dois-je faire?

BB: Travaille, consomme, mange, chie, dors, travaille, consomme, mange, chie, dors. Répète ça de plus en plus vite, tu vas voir c'est rigolo comme tout.

PF: D'accord mais pourquoi entrer dans cette routine?

BB: Apporter ton aide quotidienne favorisera l'évolution de notre espèce. Au départ mon papa montait sur ta maman pour une tranche de bifteck. Maintenant, il le fait toujours mais il y a des règles. On discute un peu plus, on enjolive ce que l'on compte faire pour sa propre conscience, on vérifie que le bifteck ne soit pas périmé et papa peut monter sur maman.

PF: C'est donc ça l'évolution? Si je vous ai bien suivi, il s'agit d'une accumulation de dialogues et de façons de faire avant de pouvoir se comporter légalement comme nos ancêtres poilus.

BB: Officieusement, oui. Mais nous avons élaboré des lois car nous en avons marre de polémiquer à chaque fois qu'un humain ne met pas les formes pour arriver à ses fins animales.

PF: Je comprends mieux maintenant. Il faut donc que j'apprenne à parler utile et que je ne me montre pas trop brusque dans ma manière d'être. Mais j'aurais une question monsieur BB. Quelle est la finalité de l'évolution? Est-ce que le but est d'évoluer ou l'Evolution?

BB: Tout d'abord "évoluer" pour nous c'est apporter un changement, donner du confort, changer la couleur du décor. Tu n'es pas heureux d'avoir un téléphone portable, de pouvoir dénuder n'importe quelle fille sur ton ordinateur portable? Préfèrerais-tu retourner au temps de tes grand-parents, aller chier dans le jardin, mettre 3h à préparer un repas, 2h pour aller à ton boulot, te marier avec ta voisine d'en face parce qu'elle t'es promise?

PF: Non, je ne pourrais laisser mon confort pour rien au monde! Mais je ne comprends pas certains points. Je remarque qu'à l'heure actuelle, tout le monde court partout, voyage en TGV à 230km/h, mange en 3 minutes grâce au four micro-onde, téléphone en marchant. Où est donc passé ce temps libre qui aurait dû logiquement apparaître avec ce gain de temps?

BB: Mais il s'est investit dans les loisirs pardi!! Toi tu ne t'es pas assez baladé dans les grandes surfaces encore!! regarde un peu plus la télévision, l'envie te viendra. Tout est réalisable aujourd'hui, cite moi une chose que la société ne peut pas t'offrir?

PF: Heu... le bonheur, une femme, des gosses, une libre-pensée, un doigt dans ton cul, des cotons-tiges que je te rentre dans les oreilles et que je t'enfonce dans le cerveau, un fil de fer dans ton trou de pine... pas mal de choses en fait.

BB: Ah bon... lol comme on dit chez les jeunes maintenant!!

PF: Maintenant je peux rire de tout, mais je n'ai plus le droit de rien dire, liberté et censure sont les deux mamelles de la France. Les femmes se sont émancipées, elles se rentrent de ces trucs dans les fesses, j'aurais jamais imaginé!! Je peux choisir mon humeur et cacher mon mal être grâce à Internet. Deux petits smileys qui rigolent vaudront toujours plus que les larmes qui coulent sur mon clavier. De même mes dix doigts sur mes touches d'ordinateur me permettent d'acquérir une multitude de connaissances virtuelles qui viennent me rendre encore plus seul. J'en arrive à préférer l'artificiel au réel que je connais de moins en moins, le vulgaire à la finesse qui me semble fade, la solitude conviviale à la confrontation amicale. Est-ce cela le progrès? Ne se résoudre qu'à appréhender autrui par rapport à ce qu'il désire montrer en apparence, en virtuel ou en sournoiserie? Se sentir complexé par les modèles auxquels il faut ressembler pour avoir une vie décente? S'inventer une vie virtuelle pour pallier tous ces manques?

BB: Tu as des pensées bizarres toi! Personne ne t'oblige à te servir de ces opportunités si tu les juges dangereuses et perfides. A quoi aspires-tu? Faire un bras de fer avec le néant, te retrouver sans habillage devant le noyau dur de la vie? Imagines-tu le nombre de dépressifs qu'il y aurait si nous n'aveuglions pas la population?

PF: Les dépressifs sont de plus en plus nombreux! Les offres faites par la société ne répondent plus aux attentes du peuple. Puis le gros problème, ne mentez pas, c'est l'éducation. Faire vivoter une population avec un matériel qui accompagne la vie dans chacun de ses moments, c'est la contrôler, lui éviter certains écarts que le grand vide existentiel et le manque d'éducation pourraient occasionner. Ne trouvez-vous pas aberrant que l'on puisse visualiser gratuitement chaque rue de la planète grâce à gogol map et y aperçevoir des gens qui crèvent de faim? Les courants de pensée se multiplient quotidiennement. Chacun peut trouver sa voie, du moins suivre celle tracée par un autre. Je peux être marginal ou dans le système, tout s'ouvre à moi. Le "Moi", c'est d'ailleurs le nouveau nom de cette société. Les publicités s'adressent à moi, je peux zapper si j'en ai envie, choisir la couleur des mes caleçons, de mes chaussettes, imposer mes opinions de manière brutale sur des forums internet pour décompresser, insulter les gens qui font les mêmes conneries que moi mais pas au même moment... bref je suis le maître de ma vie... à première vue...

BB: Comment comptes-tu vivre dans ce cas-là si tu rejettes tout ce que l'on met à ta disposition?

PF: Comme tout le monde, j'ai besoin de solitude autant que de convivialité, de finesse autant que de vulgarité, mais par rapport à ce que je pense aimer. Partir à la recherche de soi en allant se confronter aux autres, à l'inconnu. Savoir se réévaluer sans cesse car on change très vite. Créer une arborescence culturelle en menant une investigation permanente sur les terrains de récits ou d'évenements qui nous ont rendus satisfaction. Car la véritable définition de la personnalité, c'est le mélange de fragments de personnalités d'autruis que l'on aura capté au cours de notre vie. Il ne faut surtout pas attendre que l'on nous indique ce qu'il est bon d'apprécier ou de faire. Etre curieux, regarder le plus largement possible afin de capter tout ce que l'on est capable d'appréhender. Faire preuve d'égoïsme au départ, penser à soi pour se donner une valeur qui facilitera les relations futures sans pour autant les travestir. Ne pas devenir esclave de son orgueil lorsque le semblant de personnalité pointera son nez. Bref quasiment l'opposé de ce que vous voulez nous infliger.

dimanche 4 juillet 2010

Tony Gatlif ou la métaphore de l'oiseau sans pattes


Réalisateur talentueux et amoureux de la musique nomade, Tony gatlif nous offre dans chacun de ses films un véritable voyage à la rencontre de peuples humainement musicaux. Dans "Gadjo Dilo", son film le plus poignant, il parvient à lier musique et histoire d'un peuple, si bien que musiques, chansons ou danses se posent ici en véritable témoignage. Car la musique, trop souvent perçue comme à côté de l'Etre Humain, n'est en fait qu'un organe intrinsèque à l'homme, indissociable de son histoire et de son caractère, aussi important que la Parole. Et cela Tony Gatlif le montre à merveille, il filme les expressions des personnages lorsqu'ils chantent ou dansent, dans les moments tragiques comme dans les brefs instants de joie et toujours avec curiosité et respect.

Son cinéma met également à la portée de tous une culture trop peu connue du grand public sans tomber dans la simple vulgarité. Plutôt que de faire des concessions dans la nature même de ses films, il met à contribution des acteurs célèbres comme Romain Duris, même si par moment l'acteur paraît fade face aux personnages authentiques de ses films.

A l'instar d'Emir Kusturica, Gatlif filme et fait parler la musique, peut-être avec moins d'humour et plus de réalisme. Documentaire, film musical ou film d'auteur? Difficile d'en définir le style exact. Peu importe au final. Adultes comme enfants se retrouvent unis par une musique qui gomme les différences d'âges, comme un langage commun composé par un vocabulaire naturel et inné.

Mais Tony Gatlif c'est aussi le chantre des nomades et des personnages bousillés par la vie. Dans "Gaspard et Robinson", il dresse le portrait de deux amis complèment détruits intérieurement, sédentaires mais nomades à jamais dans leurs têtes. "Transylvania", "Exils" et surtout "Je suis né d'un cygogne" viennent complèter ce tableau de l'errance. La métaphore de "l'oiseau sans pattes qui se pose pour mourir" évoquée par Wong-Kar-Wai est également valable pour le réalisateur de "Gadjo Dilo".

Au final, les films de Gatlif doivent être appréhendés comme une invitation au voyage et une ouverture sur l'autre dans ce qu'il a de plus foncier. Avec "Latcho Drom", son projet le plus ambitieux, il s'est initié au documentaire artistique, toujours en montrant l'histoire de la musique à travers celle de son peuple.

Les Rapaces, Erich Von stroheim (1924)


Certainement le film muet le plus abouti par son franc-parler et sa morale pessimiste, "Les rapaces" confère au chef-d'oeuvre. D'une durée initiale de plus de 9h, cette grande fresque fût réduite à une durée modique de 2h15. Les raisons de cette violente amputation furent commerciales et l'on peut alors imaginer à quoi auraient pu ressembler ces scènes censurées tant ce qu'il en reste crève l'écran.


Montrant avec cruauté l'étroit rapport entre l'argent et la condition humaine, "Les Rapaces" dérange par sa manière d'apporter son discours sans concession. Dès les premières images, on pense aux Rougon-Macquart, portrait d'hommes simples laissant apparaître ce que les gens civilisés cachent par leur culture ou leur bien-être.


Même si l'on ressent la forte amputation dont a été victime le film, on sent que Von Stroheim a tout misé dans ce film, qu'il s'y est investi comme s'il vivait là un épisode de sa vie. Sa façon de filmer les visages et les corps ravagés de pauvres gens, mais aussi de ceux dont on suit l'histoire tragique, démontre une compréhension profonde de la Nature Humaine. L'incroyable montée en puissance couvrant tout le film amène le spectateur dans des terrains hostiles pour sa propre conscience, pour ce qu'il ne veut pas être tout en sachant qu'il porte les bagages de cette même déchéance.


L'osmose entre le spectateur et le film n'est pourtant pas palpable consciemment, elle se réalise quelques jours après le visonnage. La scène de fin, filmant avec insistance le destin identique et tragique de deux amis devenus pires ennemis, perdus dans la Vallée de la Mort, attachés par des menottes, gisant sur une fortune devenue superflue, peut être placée parmis une des meilleures scènes de l'Histoire du cinéma.


Chef-d'oeuvre incontestable, "Les Rapaces" contient déjà tout ce que l'on aura à dire sur l'Homme, la valeur fictive et superflue de l'Argent en tant que symbole et surtout sur la critique de la cupidité qui prend une valeur des plus fortes au fil du film. Jamais le muet n'aura autant parlé que dans cette grande fresque pittoresque et corrosive.

dimanche 21 mars 2010

Baraka, Ron Fricke (1992)


Que dire lorsque la seule image confère à l'Universel, lorsque le silence se met à parler pour délivrer des messages plus déchirants les uns que les autres, lorsque la simplicité engendre la beauté et l'harmonie? On reste alors muet tant l'on se sent en osmose avec cette succession de séquences à l'esthétique parfaite.

"Baraka" est certainement le documentaire le plus abouti quant à la description de la condition humaine. Décrivant l'Humanité comme un Eternel Recommencement, Ron Fricke construit ce que l'on sait déjà et nous fait ouvrir les yeux grâce à des comparaisons judicieuses peu avouables.
Le Temps est ici une simple donnée qui revêt différents rythmes. Ainsi les paysages luxuriants que l'on est amené à voir sont filmés en accéleré afin de montrer qu'il existe une beauté impérissable, inatteignable par l'Homme mais pourtant indissociable de lui. Il en est de même pour les séquences traitant de nos sociétés modernes. Semblables à ces poussins qui sont embarqués sur des chaînes automatisées et dont l'issue est déjà prédéfinie, nous évoluons selon un rite commercial, troquant nos services contre des besoins superflus. Il en découle un déplacement répétitif et inutile laissant les plus faibles dans une misère absolue et intemporelle. Cependant, lorsque le réalisateur renoue avec notre unité de temps, c'est pour filmer des rituels ancestraux ou des visages de personnes pieuses. L'Homme ne serait-il heureux que dans la croyance et l'innocence? Telle est la problématique que pose "Baraka". A une vie anarchique et illusoire vient s'opposer une vie pieuse et cadrée, dénuée de tout matérialisme.

La destruction est également un des thèmes forts du documentaire. Filmant avec passion les vestiges de civilisations ancestrales, le réalisateur nous fait avouer que le Beau, l'Abouti et le Luxuriant ne sont qu'éphémères, une sorte de transition entre la Grandeur et le retour à l'animalité. L'Humanité prend alors cet aspect cyclique à nos yeux, recherchant à nouveau le Beau, recommençant les mêmes erreurs que le passé, s'évertuant à se mordre la queue.

"Baraka" est un documentaire optimiste car il met en valeur une beauté planètaire qui semble immuable, inatteignable par l'Homme. "Baraka" est un documentaire pessimiste car il montre l'Homme et sa civilisation comme une entité perissable qui renaît sans cesse de ses cendres afin de disparaître à nouveau de la même façon. "Baraka" est une belle leçon de cinéma qui tourne le dos à l'Art explicatif pour bousculer le ressenti du spectateur. Un documentaire incontournable et culte.

jeudi 11 mars 2010

Murakami Ryu ou le pessismiste contrarié


Quelle est la part foncière de l'Homme? Comment se comporte la classe moyenne japonaise lorsqu'elle tente de percer le mystère de la vie? Que devient un homme lorsqu'il est emporté par le tourbillon de ses pulsions? Autant de questions que se pose le marquis de Sade des temps modernes.

Sado-masochisme, influence de la sexualité et déchéance irréversible semblent être les trois thèmes phares de l'auteur. Pourtant Ryu est impudique à outrance, il se met à nu devant le lecteur, lui dévoile ses sentiments, ce qu'il admire chez l'Homme. Toute cette violence ambiante, ce retour à la vie primitive grimé par un matérialisme aveuglant ou encore cette plongée abyssale dans la drogue ne reflètent que les désillusions vécues par l'écrivain. Ryu aime la musique (1969, Ecstasy, Melancholia, Thanatos), les cultures ancestrales ( sa trilogie) et surtout l'âme humaine dans laquelle il y voit une richesse incroyable qui se concrétise par la seule misère sexuelle et morale.

A l'instar de Bukowski, Ryu est un écrivain qu'il faut comprendre pour pouvoir apprécier son oeuvre. Certes, "Les Bébés de la Consigne Automatique", un de ses chefs-d'oeuvres, est captivant dès les premières lignes et l'anonymat nuirait en rien à la qualité du récit. Cependant dès que l'on aborde sa trilogie,"Lignes" ou "parasites", on remarque d'emblée un travail méditatif colossal, une réflexion poussée sur des thèmes primaires. On se demande alors pourquoi l'auteur se donne tant de mal s'il ne fait que vomir son dégoût de l'Humanité à chaque mot. On pense alors à Cioran, mais on oublie vite cette comparaison tant le récit de Ryu s'en détache par la dualité de ses personnages.

Tout le talent de Ryu réside dans sa prose et la construction anarchique de ses récits. Volontairement dérisoires, ses phrases reflètent l'animalité des Hommes qui s'obstinent à se camoufler derrière une vitrine sale qu'ils tentent de conserver en l'état afin de ne pas aperçevoir leur reflet. Pourtant ce qu'ils vivent n'est que l'image qu'ils n'osent regarder en face. L'écrivain, par sa prose, passe donc un coup de chiffon sur le miroir et reconcilie l'image et son sujet. Et c'est parti pour une avalanche de vices les plus abjectes, une recherche de la jouissance absolue par la drogue et le sexe qui met en scène des âmes déchues car lucides de leur sort. La construction désordonnée vient enfoncer le clou et faire émerger une naïveté chez ses personnages. On se sent alors étranger au récit afin de mieux l'observer et on posséde un recul en même temps que la connaissance des évènements. Outre "Les Bébés de la Consigne Automatique" et "1969", les romans de Ryu ne se vivent pas, ils s'observent et remettent en question chaque acte de notre propre vie tant les images extrêmes qu'ils nous infligent nous accompagnent une fois le livre refermé.

Enfin ce qu'il y a de drôle chez Ryu, c'est qu'il nous fait ressentir ce qu'il n'écrit pas. En dehors des évènements qu'il relate, on se pose des questions sur les pages qu'il a laissé blanches. Considéré à tort comme le chantre des générations désabusées, il va bien au-delà d'une simple description et y ajoute un côté mystique qui déclenche l'imcompréhension et donc la réflexion du lecteur.

mercredi 20 janvier 2010

Muriel ou le Temps d’un Retour, Alain Resnais (1963)


Quête d’un Paradis Perdu, recherche de soi à travers un passé que l’on tente en vain d’oublier, interaction entre une multitude d’âmes vides et de chairs dépassées par les évènements, « Muriel ou le Temps d’un Retour » dessine avec brio l’Inquiétude Générale d’un peuple en manque de repères. Tournée en quasi huis clos, cette fiction atypique tente de percer la contradiction entre conscience et inconscience, mensonge involontaire et lucidité aveugle, traumatisme et avenir.

La Guerre est ici le motif concret, l’origine des séparations et des changements de comportement fonciers, l’excuse du « c’était mieux avant ». On survole les acteurs et leur jeu pour mieux les pénétrer par la suite. Construit de manière chaotique, tant sur le plan technique que narratif, le film illustre le sentiment de désarroi général en même temps que l’instabilité d’âmes déchus et périmées. On remplit le vide présent avec le vide passé, on s’invente un bonheur nostalgique espérant le voir enfin apparaître. Mais le poids du passé est trop grand, par l’usure qu’il apporte mais également par la gestion du présent.

Pourtant il est difficile d’expliquer concrètement cette instabilité, tant ces personnages délavés paraissent calmes, intériorisant au plus profond d’eux-mêmes leurs secrets existentiels. Comment reconstruire ce que l’on a perdu si on n’y trouve aucun sens ? La Guerre remet en question le côté linéaire de la Vie, marque une coupure où le temps s’arrête, oblige une deuxième naissance dotée d’une mémoire trompeuse pré utérine.
Malgré quelques images d’archives, la Guerre ne se remarque pas, elle ne se lit pas non plus mais elle se sent. Constamment présente dans la tête des interlocuteurs, elle prend la forme d’une sueur sèche accrochée sans cesse à la peau.

Images saccadées, personnages étouffés par le vide qui comble leur lassitude, essai expérimental sur la déconstruction du temps et de sa linéarité, « Muriel ou le Temps d’un Retour » amène à réfléchir de manière cruelle sur le sens d’une existence, ou du moins sur sa quête. Cette dernière ne serait que le résultat d'une lecture dans le regard d'autrui, une apparence biaisée qu'on adopte en quittant notre regard morne des soirées solitaires.
La réalisation expérimentale permet au film de Resnais de tendre à l’universalité sans marquer une quelconque époque d’un point de vue technique. Enfin il faut saluer la prise de position du réalisateur qui dénonce l’utilisation du mot « événements » pour nommer la Guerre d’Algérie, et ce à peine une année après la fin des hostilités. A voir.

dimanche 10 janvier 2010

Laide Entité Nationale


Je me présente, je m’appelle Jean-Mouloud Abd-El-François, né à Alger La Blanche d’un père Tchétchène et d’une mère Russe. Ce subtil mélange m’a doté d’une peau grise, inqualifiable d’un point de vue racial. S’il fallait un terme précis pour me ficher on pourrait utiliser le néologisme « Malgrébien ». Ma misérable existence ne pouvait pas compter sur l’argent du Beur, encore moins sur l’obole du blanc. Ah la Couleur Blanche!!! J’en ai rêvé pendant longtemps !!! J’en emplissait tout d’abord mes copies doubles durant mes courtes études peu fructueuses, m’en suis vêti des pieds à la casquette grâce au Beau Serge Taquin, en observais la lueur au sommet des furoncles qui illustraient mon visage de petites bulles semblables à des claque-doigts, m’extasiais à son arrivée lorsque j’ai commencé à côtoyer les filles…

Mon quotidien est plutôt redondant, une routine qui évolue continuellement sans pour autant changer de gueule. Passionné tardivement par la littérature officieuse, du moins par celle que l’on découvre après l’Ecole, je passe parfois des après midi entiers à dévorer des livres plus ou moins frivoles. Allongé sur le lit, une capuche sur la tête, un coussin sur le ventre, le livre posé sur celui-ci afin d’éviter le mal aux bras, je suis prêt à arpenter les lignes parfois sinueuses que mes yeux suivent horizontalement (la plupart du temps). Tenez, je vous donne un exemple de ce que je peux lire… Récemment je me suis lancé dans la lecture du « Petit Geek illustré », ouvrage distrayant mais aussi plat qu’une série télévisée, un livre à gueule de bois en somme. Je ne peux m’empêcher de vous en lire un extrait, car ma vie et mon ressenti semble vous intéresser. Voici donc :

« Axel et Peggy (surnommée Peg), deux Geeks illustres, couple souterrain et virtuel, vivent en harmonie. Peu de sources relatent la vie quotidienne de ces acolytes hors norme. Seul un journaliste d’investigation a pu enregistré quelques bribes de dialogue :
- Axel : ACHETER UN MAIL ??? Les gens sont devenus fous !!! Le principe de gratuité d’INTERNET, c’est A VIE !!! HEIN PEG ???
- Peggy : Quoi ??? JE PEGUE ???
- Axel : Non, je m’adressais à toi, c’est RARE !! C’est une chose que je n’aime POINT FAIRE !!!
- Peggy : Tu te moques de moi là !! PD FEU au cul va !!
- Axel : Tu vas voir si je suis un PD !! (Il ouvrit sa braguette, on entendit un petit ZIP !)
- Peggy : Non, POINT COMME ça !!! je préfère qu’on fasse ça par Webcam c’est mieux :(
- Axel : je voulais simplement t’intimider, EST-CE RATE ?? :(
- Peggy : AXEL !! Regarde !! Un journaliste d’investigation !!!
(fin de l’enregistrement) »

Outre mes nombreuses lectures, je sors de chez moi de temps à autre et rencontre de vrais humains que je semble aperçevoir en qualité HD, un peu comme un film dont on détient le lancement du générique de fin. J’aime m’ennivrer légèrement avec eux à l’aide de Wisgeek et de Rom bien tassés. Mais dès qu’arrive l’ivresse, je lave mon corps à l’eau de peur de me dévoiler. Cela empêche rarement la gaule de bois du lendemain et mes réactions changent, je deviens un jambon-Beur, mi-bête mi-homme. Tenez la dernière fois, la tête pleine d’échardes, je rencontre une jeune demoiselle dans la rue : j’ouvre ma bouche pâteuse et lui demande : « Excusez moi mademoiselle, vous auriez l’heure s’il vous plait ?? Vous seriez bien aimable. » Mais la bête en moi ne pu s’empêcher de ponctuer ma requête par un majestueux « Salope !!! ». Je m’acharne alors sur cette gentille fille : « vas-y fais péter ton Shit, j’en suis sûr tu fumes des spliffs toi. Lâches ta deum que je roule quelques sticks, nique la France!! ». Je me mets à faire la cigale en plein hiver « tsst tsst tsst tsst tsst!!! » J’enrage, j’en veux à mon pays entier !!! Puis ma peau redevient grise et je me sens honteux. Je rentre chez moi, allume l’ordinateur, ouvre un bouquin traitant de l’influence de la cour de Louis XIV sur l’évolution de la noblesse de robe, pendant que mon film de cul se charge en streaming…