vendredi 18 novembre 2011

The Tree of Life, Terrence Malick (2011)



Dans son dernier film, le génie de l'esthétique cherche à résumer l'Universalité et nous offre un voyage visuel insolite. Lent par moment mais jamais ennuyeux, ce « 2011 odyssée de l'espèce » accumule les plans grandioses et déploie une fresque pittoresque sur la Matière.


Embrasser la voie de la Grâce ou celle de la Nature? Par essence la Grâce engendre le Bien, le respect d'Autrui et la tolérance. La Nature est cupide et conflictuelle, individualiste et carriériste.

Tiraillé entre l'intégrité et le bien-être, l'Homme trouve difficilement une voie grâcieuse ce qui fait naître en lui un sentiment de remords. En s'appuyant sur l'histoire de Job, Malick délivre un message profondément chrétien et foncièrement simple dans la notion: l'Amour avec un grand Tas d'alchimies humaines.


Mais finalement peu importe le message plus ou moins niais que veut nous faire passer le réalisateur de « La Balade Sauvage ». « The Tree of Life » contient deux histoires: une histoire horizontale, temporelle et évolutive; et une histoire verticale, éternelle et stoïque. Et c'est ce croisement d'histoires qui met le film en apesanteur. De l'ascenseur dans lequel se trouve Sean Penn à la reconstitution d'un au-delà, du Big-Bang à la naissance de la Vie, la caméra de Malick semble être un atome perdu dans l'échelle du Temps. Les acteurs deviennent peu à peu de la Matière et la dimension religieuse voulue par le réalisateur relève de la transcendance la plus mystique. On pense alors à Tarkovski tant cette atmosphère respire l'intemporel.


Difficile de critiquer un film comme celui-là tant on peut dire tout et n'importe quoi dessus. Il fascine plus qu'il n'inspire. Il fait partie des films que l'on vit, que l'on admire ou que l'on déteste, mais qui nous laisse sans mots.

dimanche 13 novembre 2011

The Artist, Michel Hazanavicius (2011)



Comme un « Sunset Boulevard » lifté à la française, « The Artist » s'impose royalement dans la description d'un cinéma muet qui pousse son dernier cri. Muet, c'est bien le mot qu'il faut employer, mais pour décrire le spectateur tant cette prouesse artistique nous laisse sans voix.


A mi-chemin entre l'Exercice de Style et la Comédie, « The Artist » est un film sur le Cinéma en général, sans prétention aucune et surtout très drôle. Faisant la part belle à Jean Dujardin (épatant), le film se présente comme une série de sketchs liés les uns aux autres et portant sur les différentes facettes du grand écran. Nul besoin d'avoir une Culture Béton en Cinéma pour apprécier ce James Bond de la caméra. Le réalisateur joue avec la Parole, visuelle ou auditive, et accumule les scènes réussies grâce à un Jean Dujardin de plus en plus convaincant au fil du film.


« The Artist », c'est un peu comme une gestation dans un ventre transparent durant laquelle on ne suivrait les évènements que par la vue, attendant sans impatience une sortie propice à la naissance du son. Car c'est à un véritable accouchement du cinéma parlant que l'on assiste, la scène sans son ni musique vers la fin du film étant la première inspiration du cinéma parlant qui s'apprête à plonger dans une cacophonie artistique maîtrisée.


Bref, « The Artist » est une réussite indéniable. Que ce soit la prouesse artistique de Jean Dujardin ou les clins d'œil de Michel Hazanavicius adressés au Cinéma, le film ne présente aucun défaut et aborde tout ce que le cinéma doit comporter pour pouvoir perdurer jusqu'à la fin des Temps, à savoir: l'acceptation de la modernité, le devoir de mémoire, le divertissement ou encore la recherche expérimentale.

dimanche 30 octobre 2011

La Piel Que Habito, Pedro Almodovar (2011)



Même si l'on retrouve tous les ingrédients de la sauce Almodovar, « La Piel Que Habito » ne ressemble à aucun des films du réalisateur. S'intéressant au Corps dans ce qu'il a de plus physique, Almodovar se questionne en brassant identité sexuelle et identité visuelle et cherche dans la « peau » de ses acteurs des réponses existentielles majeures.


Tout au long du film, le réalisateur se concentre sur un thème très scientifique : la transformation de soi par la chirurgie esthétique. De la création d'une nouvelle peau jusqu'au changement du timbre de la voix, la métamorphose semble exhaustive. Les détails et les plans intimistes ne manquent d'ailleurs pas pour les petits curieux qui aiment se tenir au courant sur ces sujets-là.

Pourtant, ce thème scientifique nous emmène sur les pentes de la philosophie : Qu'est-ce qui constitue l'identité d'un être humain en dehors de son physique ? Peut-on créer un être humain à son image, faire revivre dans la peau d'un autre une personne que l'on a perdue, tomber amoureux d'une enveloppe charnelle ?


Mais le film prend parfois une allure de comédie burlesque dans laquelle les acteurs n'ont plus peur de la mort tant les techniques médicales semblent performantes. Plus question de laisser une place au destin, plus de futur incertain mais un contrôle total de la Nature Humaine façonnée à l'image de l'être humain.

La force de ce film réside dans ce côté « sans concession », cette histoire programmée et prévisible qui annihile le libre-arbitre de chacun. Le docteur ( Antonio Banderas) n'est pas plus libre que ses « victimes », il est asservi par une science qui lui donne les pleins pouvoirs. Quant à ses victimes, elles se retrouvent psychiquement bouleversées et influencées par la Beauté parfaite de leurs nouveaux corps.


Véritable quête identitaire, « La Piel Que Habito » traite de la part foncière de l'individu à travers la question de sa plastique. L'apparence du visage est récurrente tout au long du film : personnages sans visages sur les tableaux en arrière-plan, poupées à la tête amorphe, acteurs métamorphosés,...

Mais à aucun moment, on entre dans la tête des acteurs, dans ce qu'il ont de personnel. Seule l'histoire du film les fait vivre et la dimension psychologique, aussi présente qu'invisible, relève de la seule Condition Humaine.


Almodovar joue avec ses acteurs tout comme avec ses spectateurs en les mettant sur de fausses pistes. Dans ce puzzle chronologique, il nous faut attendre l'ultime fin pour observer un retour à la liberté individuelle, celle de Vicente, cobaye de l'expérience filmique du réalisateur.

mercredi 29 juin 2011

Dostoievski ou l’art du monologue intérieur

Qui ne connait pas Fedor me jette la première bière. Pilier de la littérature universelle, fin connaisseur de l’Ame Humaine, autobiographe inventeur d’histoires, pessimiste mystique, écrivain au talent contrasté, les termes que l’on peut lui attribuer paraissent trop nombreux pour tendre à une quelconque exhaustivité.


Dostoievski est un grand écrivain, c’est indéniable. En se plongeant dans son œuvre, on voit apparaitre progressivement un homme du souterrain, incapable de passer à l’action, perdu par ses convictions paradoxales et incompris par ses contemporains. La Muse de Fedor, c’est justement cette stérilité, cette impossibilité de pouvoir réaliser ses desseins. Ainsi, son œuvre est dichotomique, scindée entre monologues intérieurs confèrant au génie et descriptions évènementielles chiantes la plupart du temps.


Dostoievski est plus un philosophe qu’un écrivain. Son point fort réside dans la description de l’état psychique de ses personnages et des angoisses qu’ils subissent. Comment rester indifférent lorsque que l’on lit le passage sur la peine de mort dans « L’idiot », sur l’accusation de Mitia suspecté d’avoir tué son père dans « Les Frères Karamazov », sur ce petit vieux avec son chien qui méprise tout le monde dans « Humiliés et Offensés », sur le monologue intérieur de Raskolnikov quand il se retrouve rongé par la culpabilité dans « Crime et châtiments »,… ?

En revanche qu’est ce qu’on s’ennuie lorsque l’on découvre pendant des centaines de pages « l’adolescent » en train de subir les affres de ses camarades ! Dostovievski se montre chiant là où un écrivain comme Irvine Welsh se montre brillant, en l’occurrence dans le dialogue spontané et évènementiel. A l’exception de ses « Souvenirs de la Maison des morts », Dosto nous emmerde quand il sort du monologue intérieur.


Enfin, au fil de son œuvre, Dostoievski semble prendre une distance visuelle avec ses personnages. Dans «Crimes et Châtiments » on suit Raskolnikov d’une manière proche, frisant l’intime. On suit ses angoisses mais aussi sa vie de tous les jours, de manière terre à terre. En revanche à partir de « souvenirs de la Maison des Morts » il semble prendre une distance mystique avec ses personnages. Dans les démons, les personnages sont observés dans un ensemble, ils sont indissociables de leur environnement. Comme si la personne même de dostoievski avait pris le pas sur celle de ses personnages. Avec « Les Démons », ce ne sont plus des personnages mais des idées propres à l’Ecrivain. Dostoievski n’est plus sûr de rien et parvient difficilement à imposer un point de vue. Il cherche des solutions, à la manière d’une thérapie, en développant ses paradoxes dans la peau de ses personnages.

mardi 28 juin 2011

Raphael ou le débauché, Michel Deville (1971)



Quand le cinéma s’invite au théatre pour lui apporter toute sa grandeur, quand le théâtre s’invite au cinéma pour calibrer ses acteurs, quand le couple maudit Maurice Ronet / Françoise Fabian nous éblouie par son ambivalence, c’est que l’on est en train de regarder « Raphael ou le débauché ».


Film sur l’incompatibilité entre le désir charnel et l’Amour, fresque chaste à l’érotisme suggèré, destinée fatale d’un couple maudit victime de sentiments lunatiques, « Raphael ou le débauché » se présente comme un jeu de miroir. Tout au long du film on assiste à des changements de luminosité, une alternance de noir et de blanc au milieu de la couleur. La séquence où l’on voit les ombres de Maurice Ronet tournées dans toutes les directions sauf dans celle de Françoise Fabian est culte. Par ce jeu de lumière, Deville dépeint l’ambiguïté des sentiments de Ronet et annonce le dialogue presque facultatif à venir.

Les habits des protagonistes indiquent également dans quel sentiment se trouve chaque personnage. Le blanc est signe de fascination, d’amour et de conquête alors que le noir se prête plus à la débauche et à l’amour subi. L’aspect vestimentaire joue ainsi un grand rôle et Deville, au lieu de mettre à nu ses personnages, les habille des sentiments qu’ils ressentent.


En ce qui concerne le message du film, il reste plus complexe. Raphael est un habitué de la débauche sans vraiment y prendre goût, il se lasse de la vie et appréhende la mort en la défiant. Le titre du film pourrait se terminer par un point d’interrogation. Raphael n’est pas débauché dans l’âme mais son corps et sa perception du corps des femmes s’en est trouvée modifiée. Et là encore Deville joue avec le corps. A l’habit sentimental, il oppose la nudité dévastatrice, celle qui annhile toute conquête émotive. Raphael ne peut donc comprendre la finesse habillée d’Aurore et cela se traduit par une castration sentimentale.

Quant à Aurore, elle subit le chemin inverse. Par amour elle va subir le corps charnel d’hommes inconnus et primaires, pour transformer son habit sentimental en habit charnel aux yeux de Raphael. Son mariage avec un vieux sénile grabataire à la fin du film marque son suicide sentimental et sexuel.

Raphael le débauché meurt physquement et Aurore la Sainte meurt sentimentalement, tout simplement à cause d’une pièce manquante au puzzle humain


Par ce petit bijou, Deville nous fait réfléchir par le ressenti et le suggéré. Il montre de manière mystico-mathématique la difficulté de communication des corps et la faiblesse du langage pour les histoires de mœurs. L’apparence est loin d’être une simple image comme on a l’habitude de la définr, elle revêt un caractère métaphysique qui s’abandonne à une destinée sentimentale complexe.


Enfin ce qui est bizarre c’est que pour un film de mœurs on ne ressente que très peu d’émotion. Bien que le ressenti soit une émotion, on ne change pas d’état moral, on est simplement happé dans une histoire dont nous ne sommes que spectateurs, une émotion acquise mais peu vécue en quelque sorte. Les mœurs par la théorie pourrait-on dire. Peut-être est-ce ce côté classico-romantique du XIXème siècle qui procure cette sensation ? Il n’empêche que « Raphael ou le débauché » frise le chef-d’œuvre.

lundi 27 juin 2011

Zombisounours




Que peut-on trouver de si passionnant chez les zombies pour réussir à avaler des quantités de films aussi plats et ressemblants les uns aux autres. Certes lorsque Georges Romero sort « Zombie, » il créé là un film novateur qui vise à dégoûter et faire peur. Malgré ce côté kitsch, on sourit par moment devant ces êtres humains totalement désarticulés et dénués de toute sensibilité (si ce n'est celle de bouffer ses homologues encore vivants).


Le message politique de Romero est plutôt intéressant, il montre la connerie humaine face au danger, l'émergence de l'égoïsme quand on se retrouve seul avec soi-même, l’impossibilité d'une quelconque solidarité en temps de crise. L'Homme civilisé est bien plus con qu'un morceau de chair putride en lambeaux. Ainsi dans « Zombie », on assiste à l'auto-destruction de l'homme par lui-même, incapable de faire face à la menace de mort-vivants facilement gérable.

Mais de là à se farcir des films zombies à outrance faut pas déconner ! Quand une personne trouve la Musique de Brassens répétitive et redondante, on peut dire qu'on se trouve en présence d'un con qui n'a rien compris à l'Art talentueux du Grand Georges. Mais quand un cinéphile trouve les films de Zombies à chier, il faut lui serrer la main et l'inviter à boire un coup en évoquant le Cinéma Italien et tout ce que le 7ème Art peut présenter de merveilleux.

Bien sûr le cinéma de Zombie a évolué. Dans « 28 jours plus tard » les Zombies courent !!! Ils font encore plus peur !!! "

T'imagines si ça arrivait vraiment?? Tu ferais quoi? Moi je crois que j'irai m'enfermer dans un Centre Commercial pour être à l'abri et avoir de quoi manger!! Chut j'écoute le film!! Putain tu m'as fait raté le passage où il se fait déchiqueté le bras, reviens en arrière!!!"


On sent l'adrénaline monter par moment mais l'on est jamais surpris car on sait à quoi s'attendre. Bien que le cinéma de Zombie soit une parodie par lui-même, cela n'a pas empêché d'en faire des parodies plus abjectes les uns que les autres. Les amateurs riront de grand cœur, se remémorant la scène de Zombies 8, tellement effrayante et drôle à la fois. On sort de la salle et on dit « t'as vu le passage où il lui bouffe la tête, c'était crade, je me suis chié dessus !!! Quel chef-d'oeuvre !!! Vivement la parodie de Zombie 9 !!!


Les films de Zombie relèvent du 7ème nanard : une suite d'images sanguinaires, mal faites et au scénario systématiquement prévisible.


Effroyables plagiats de la saga précédente, les films de Zombies ne vivent que par rapport à un public qui s'obstine à les voir! le panurgisme poussé à son extrême! Un bon film, c'est tout d'abord une ambiance, une émotion ou un divertissement. Mais peut-on parler d'ambiance quand elle se multiplie par elle-même pour donner des petits rejetons en chaîne identiques et inintéressants ? Si le Cinéma horrifique a évolué dans le bon sens avec toute la créativité du style espagnol en particulier ( Guillermo Del toro, Dario Argento,...) le Cinéma des Mort-vivants n'a pas cessé de se mordre la queue, à croire que le sujet est chiant !! Non vous croyez ? Oui. (Notez la Majuscule)


Oui pour les monstres au cinéma ( Le Labyrinthe de Pan, Elephant Man, E.T, Eraserhead) Oui pour des êtres humains désaxés et méconnaissables ( The Holy Mountain, « Les diables » de Ken Russell, l'Exorciste ) Oui pour des robots futuristes qui reflètent une vision pertinente d'un avenir lointain ( Robocop, Star Wars) Oui au cinéma fantastique créatif ( Le seigneur des anneaux, bien que le livre de Tolkien soit cent fois mieux parait-il) Non aux Zombisournours qui ne font plus peur depuis longtemps si ce n'est par le biais de la vieille technique de la surprise périmée depuis la naissance du cinéma. Mort aux Zombies !!!

lundi 13 juin 2011

Alain Zanini, Marc-Edouard Nabe





Nabe manie les mots à merveille mais il parvient surtout à s'immerger complètement dans son récit. En effet, "Alain Zanini" pourrait se définir comme une auto-psychanalyse schizophrène redemptrice. L'Auteur soigne ses maux par les Mots dans un premier temps. Il nous expose sa vie sans pudeur, la seule limite qu'il dresse entre le lecteur et lui c'est la littérature, cet au-delà prosaïque qui créé une distance entre l'auteur et l'écrivain. Il réussit à effacer complètement sa propre personne au profit de son personnage littéraire.

Ce livre immense dont on ne semble jamais sortir reflète le changement d'état d'un cerveau en détresse. Le mystique au service de la didactique, l'exemple personnel au service du manuel théorique, l'autobiographie littéraire au service du Roman Universel. Enfin une des particularités de Nabe c'est également d'être un homme sans racine prédominante. Quand Nabe est en Grèce, il est grec, il s'immerge de toute la Culture de l'endroit où il se trouve, à tel point que ses concitoyens en deviennent étranger pour lui. Il se retrouve étranger en lui-même ou chez lui à l'étranger et c'est une force dont il faut tirer des leçons. A l'instar de ses romans " Le Bonheur" ou " Printemps de Feu", Nabe est chez lui partout, il est le citoyen de l'endroit où il met les pieds. Il écrase le Temps, se transporte dans l'universel et fait revivre des héros antique dans la peau de citoyens lambda contemporains.

Pour Nabe, la littérature ne peut émaner que du récit personnel. Pourquoi s'embêter à chercher une histoire alors que l'on a la sienne devant les yeux. Qui de mieux placé que soi pour décrire sa propre histoire, celle où l'on a des choses à dire si la pudeur ne vient pas chamboulé tout ça?
Et justement, Nabe joue avec cette définition de la Littérature, il alterne entre histoire inventé, histoire vécue et avenir imaginé. Ainsi par moment on pourrait se croire dans le Da Vinci Code et la page d'après dans un Roman de Léon Bloy.

Un roman qui traîne par moment en longueur mais qui reste plus que bon.

lundi 4 avril 2011

La Lecture



Par définition, la lecture réside dans le déchiffrage visuel de signes graphiques traduisant le langage oral. Description barbare dites vous ? Pour faire simple, on peut dire que la lecture est l'observation de mots associés les uns aux autres et rythmés par une ponctuation (en réduisant cet acte à la seule littérature).


Le problème est là, l'objet livre et l'acte de lecture qui s'ensuit paraissent à part dans la typologie artistique. Sans apprentissage, on peut s'émerveiller devant une peinture, être ému par une musique, vibrer devant un film poignant, etc...

Pour lire, il faut savoir lire et donc la lecture nécessite un effort au préalable, quelle que soit la méthode utilisée, effort qui débouche sur un acquis non indispensable à la vie. On ne meurt pas si l'on ne sait pas lire. Ne pas voir, ne pas savoir parler ou être sourd, cela devient plus handicapant qu'être un simple illettré.


La lecture est l'exemple même de l'utilité de la Culture. Elle démontre l'effort obligé qu'il faut fournir pour s'extraire de sa condition animale. L'Homme pense, même sans Culture. Il se sait mortel, est conscient de sa déliquescence inéluctable, surtout sur le plan physique. La Culture c'est ce qui reste quand rien ne va plus, un néant cérébral qui ne cesse de s'enrichir et qui croise avec dédain sa chair en décrépitude.


La lecture, c'est partir à la recherche de soi, devenir de plus en plus exigeant quant au prochain texte que l'on va découvrir, se laisser simplement divertir, stimuler sa curiosité, s'informer.

Mais Lire, c'est aussi les prémices de la communication. Sartre disait dans « Les Mots » 'L'acte de Lire implique celui d'Écrire',ou l'inverse peut-être, va savoir...

Le plus difficile est de tomber sur le bon livre, celui qui créé l'intimité nécessaire pour donner l'envie de réitérer l'expérience. Mais, à l'instar du Cinéma, il faut également trouver sa voie littéraire afin d'orienter ses choix futurs de manière judicieuse et éviter la noyade culturelle.


Lorsque l'on a fait ce constat, que faire pour donner le goût de lire à quelqu'un ?

Lui présenter les livres que l'on aime en racontant ce qu'ils nous ont apporté à tous les niveaux, peut-être lui donner des exemples plus pragmatiques en les plaçant dans la vie de tous les jours. Mais transmettre le goùt de lire reste une chose qui n'est pas aisée. Regarder un film l'est davantage : on peut le regarder à plusieurs, discuter par moment si un passage est un peu long, puis le spectateur présente une passivité plus grande que le lecteur, de l'imagination littéraire on passe à la contemplation cinématographique, de la prose imagée au scénario spectaculaire, de la daube commerciale à la daube commerciale...

Sans évoquer son Utilité, la Lecture doit être appréhendée dès le plus jeune âge afin que l'objet livre fasse partie intégrante du quotidien, comme un outil de plus pour s'évader, comme une échappatoire au cycle animal du 'bouffer, pisser, chier, dormir'.


Enfin Lire c'est aussi le partage et la confrontation avec ses pairs. A travers un livre on s'observe, se construit, s'ennuie, on évoque le 'Moi', notez la majuscule. C'est 'Moi' qui lis, qui vis ou subis le livre, qui m'enrichis. Parfois c'est étrange, une lecture peut devenir jouissive lorsqu'elle se termine, l'Acte de Lecture serait également une jouissance à retardement, un souvenir qui prend matière dans le présent? Discuter d'un livre peut le rendre meilleur, après l'avoir vécu on le porte, on y ajoute son vécu, celui d'avant, du pendant et d'après la lecture. On se pose en critique, nos sentiments et nos opinions viennent gloser le récit. L'imagination, c'est comme les gènes, il n'y en a pas une pareille.


Lire est un acte indispensable à l'animal pour qu'il devienne Homme. Cependant être un lecteur assidu est un luxe culturel qui s'acquiert en accumulant une certaine motivation. Qu'elle soit narcissique ou passionnée, la Lecture apparaîtra finalement avec le temps sous son angle premier : l'épanouissement personnel et le plaisir de se détacher de son quotidien ou tout simplement d'y entrer. C'est un outil dérèglé qui prend un certain temps pour s'ajuster à notre Vie, ne notez pas la Majuscule.

Mais personne ne doit se forcer à lire. L'acte de lecture doit rester un outil lorsqu'il dépasse son côté utilitaire et primaire ( la communication avec autrui). 'La Littérature c'est écrire ce que l'on sait déjà' écrivait Françoise Sagan. Puisqu'il n'y a rien à savoir, autant que ça soit beau, moche, glauque, mais quelque chose de Beau, c'est le rôle de la littérature : amplifier la réalité.

mardi 15 mars 2011

La Petite Lili, Claude Miller (2003)



Avec « La Petite Lili » Claude Miller réalise son « Huit et Demi ». Le film se présente comme une mise en abyme vertigineuse évoquant la nature, le rôle et la création redondante mais hétéroclite du Cinéma. Le réalisateur filme des acteurs qui sont eux-mêmes en train de filmer et parvient ainsi à accroître la dimension réaliste et identitaire des personnages.


Doté d’une construction quasi-parfaite, « La Petite Lili » nous offre un scénario laissant apparaitre une fine observation de la Vie, dans les choix qu’elle nous oblige à faire, reléguant le Destin aux antipodes de la Réalité.


Rechercher le bonheur dans une vie simple et fonder une famille afin de redresser le chemin tortueux et obscur que réserve l’avenir ? Tourner tout en dérision en établissant une distance ficitve mais mentalement existante pour faire barrage à la gravité ? Développer son talent ou son expérience dans une Oeuvre d’Art même si elle n’a aucun lien avec nos sentiments profonds ? Se nourrir de son vécu et de ses blessures pour créer un film et établir un éxutoire à son mal-être ? Autant de questions que Miller illustre par le biais de ses personnages qui ne sont rien d’autres que des modes de vie finalement.


Si le film s’appelle « La Petite Lili », le personnage de julien n’en est pas moins important. Emilie, surnommée « Lili », est le symbole de la pureté au début du film, possède des convictions et affiche une sensibilité accrue, se laisse guider par ses émotions et ses ressentis. L’accession au succès va dénaturer sa personne foncière pour laisser apparaitre un objet charnel que l’on contemple mais que l’on ne ressent plus à travers notre regard de spectateur. Cette décadence va croiser le stoïcisme de Julien qui possède des convictions inébranlables et qui se retrouve perdu et blessé par l’évolution de son entourage. De ces blessures va naître un film, l’histoire de sa vie, joué par des personnes dans leurs propres rôles.


« La Petite Lili » n’est pas comparable à « Huit et Demi » . Là où Fellini observe un réalisateur en manque d’inspiration, Miller filme un futur réalisateur qui la trouve et ponctue sa fiction de plongées volontaires dans le pathos pour accroitre les conflits relationnels au sein de la famille, comme pour annoncer le plan du film de Julien, scène finale du film de Miller.

jeudi 10 février 2011

La Commune, Peter Watkins (2000)


Documentaire, film, débat télévisé, reportage, exercice de style foncièrement subversif, cinéma télévisuel, télévision sur grand écran, Présent en noir et blanc, Passé haut en couleur, acteurs en civil, sans-papiers citoyens, chômeurs ayant droit à la parole, la Commune, la Cause Commune… idées en 3D sur écran plat.


Pendant près de 6 heures, « La Commune » se démarque par son aspect universel, mélangeant les époques, les luttes et les identités des comédiens.

En effet, grâce à un montage intelligent et novateur, Peter Watkins donne une dimension actuelle à l’Histoire de la Commune, fait parler les Hommes en même temps que les comédiens, accole de manière judicieuse des discours joués et des grognes personnelles. Ainsi, tout au long de ce périple sans âge, le spectateur devient un acteur potentiel, un interlocuteur ou un compagnon de route. Sans ressentir la moindre discontinuité, on oscille entre fiction et réalité, c’est dire si la Commune était en avance sur son temps quant aux idées qu’elle véhiculait. Ou peut-être est-ce le cours des choses qui n’évolue que trop lentement ?


Un des points forts de « La Commune » réside dans l'emploi de comédiens non professionnels qui portent un discours plus qu’ils ne jouent. L’Homme/acteur est donc ici le support de l’oppression, une machine usée par un système totalement illogique. Ces comédiens, ils sont black, blanc et beurs, les trois couleurs des communards mais aussi de notre société d’aujourd’hui.


Au fil du film, les discours des Hommes ressemblent de plus en plus aux discours joués et la Commune devient une actualité, une lutte à achever, la plus grande avancée en terme de droits sociaux et d’organisation égalitaire ( interdiction du travail de nuit pour les boulangers, statut de la Femme égal à celui de l’Homme, créations de coopératives pour chaque corps de métier, démocratie directe, entraide intergénérationnelle…).


Enfin , « La Commune » est une critique sévère des médias: Les médias au service du pouvoir ( médias de l’opposition), les médias voyeuristes (qui filment la Révolution parce qu’elle revêt un caractère spectaculaire) ou encore les médias « subversifs » (qui annihilent toute construction en employant un vocabulaire cru et violent mais vide de sens).


« La Commune » est à voir absolument. Pas besoin d’être communiste, anarchiste ou capitaliste pour pouvoir y déceler une richesse incroyable en terme de sentiments humains, de connaissances et d’ouverture d’esprit. La Commune de 1871 est allée au-delà de toute liberté connue. Bien que très courte, elle réfléchissait déjà à la vie en dehors du travail, « à être quelqu’un » plutôt qu’ « à faire quelque chose ». Elle voulait créer une identité individuelle et non professionnelle, désirait aménager du temps pour se construire en réduisant le temps de travail, bref l’opposé de la société de plus en plus matérialiste dans laquelle nous vivons.


La Commune doit être apprise à l’école afin que l’on soit sensiblisé dès le plus jeune âge à la construction de soi, indépendamment de toute optique professionnelle.