vendredi 25 décembre 2015

Le Siècle de la Lumière







Voltaire, Rousseau, Diderot, Montesquieu ? C'est qui ça ? Ils doivent au moins jouer en D2 avec des noms pareils. Richard avait lâché cette phrase comme un rot contrôlé puis s'était vite remis à sa tâche de tous les instants : Faire apparaître la Lumière au moyen de son pouce.


Seulement deux siècles avaient suffi pour populariser l'esprit de la Lumière. Plus besoin de faire usage de son propre cerveau, le pouce faisait désormais l'affaire. Ce dernier s'était doté d'un cerveau externe infaillible qui avait réponse à tout. Confortablement maintenu par les quatre autres doigts, ce cerveau High Tech était en quelque sorte une divinité matérielle qui arrachait chaque humain à sa propre réalité.

Et quel bon choix que ce nouveau cerveau. Chacun pouvait briller par sa connaissance pointue dans un domaine que bien souvent il ne choisissait pas. Nous étions tous devenus des intellectuels éphémères, capables d'obtenir n'importe quelle information sans la moindre recherche, le pouce préhenseur s'occupait de tout. D'un simple glissement de peau le monde s'ouvrait à nous et captivait illico nos deux pupilles avides de nouveauté surannée.

Nous avions été jetés dans un état de disponibilité permanente, le temps libre sans attente particulière avait été pulvérisé d'un seul coup. LE POUCE ÉTAIT DEVENU UNE LANGUE PARLANT LE MORSE, AVEC UNE VOIX CAPABLE DE TRAVERSER LES FRONTIÈRES. Nous baignions dans une bulle où toute contrainte avait été annihilée, hormis le fait d'avoir du temps libre propice aux divagations constructives. L'environnement y était sain, nous y tenions une place choisie de manière méticuleuse, dotés d'un physique rêvé et d'un intellect contrôlé au sein d'une communauté loquace.

Mais depuis quelque temps, le Cerveau de Richard avait été débranché, ses jours étaient comptés. Il se mettait à clignoter, comme un malade qui a des regains de vitalité avant la fin. La dictature EDF avait eu raison de lui. Tout son univers s'écroulait, sa communauté sombrait dans le flou, son intellect vacillait de plus de plus. Le manque de disponibilité engendré le plongeait dans une véritable solitude, entourée d'inconnus réels aussi perdus que lui. La Lumière n'était plus que Spectre d'elle-même, l'obscurantisme faisait son retour. Après quelques clignotements agonisants, Richard se retrouva plongé dans un monde réel effrayant, sans notification l'aidant à analyser la situation. Chair sans cerveau, ce corps se retrouvait face au Miroir cruel et sincère de la réalité, perdu parmi des âmes levant un pouce orphelin vers le ciel.

lundi 14 décembre 2015

Notre Dame n'a pas ri






Cela faisait maintenant une bonne demi-heure que Charles jouait au bilboquet avec la tête de Sarah, le sexe dressé, les mains derrière son crâne moite. Il gagnait à chaque fois. Faut dire qu'il n'avait pas grand chose à faire, le trou verbal de Sarah venait à chaque fois épouser la forme de son col roulé suintant de vie. Il avait une belle vue du haut de son corps. A chaque remontée de tête, Charles apercevait son sexe semblable à une langue tirée de manière suave...

Mais au fond vivait-il vraiment cet instant de plaisir ? Ne s'était-il pas surpris à penser à ses potes et à commenter intérieurement l'acte auquel il était en train de s'adonner ? Ne serait-il pas comme la plupart des Hommes qui n'ont jamais su aimer AIMER ?

Au final, Charles niquait avec ses potes sans le savoir. Il accumulait les aventures et ne réalisait pas encore qu'il était complètement manipulé par ses hormones, et que derrière un plaisir orgasmique de 10 secondes, il y avait tout un scénario à l'opposé de ce qu'il croyait. L'équilibre et l'estime de lui qu'il avait atteint le poussait à multiplier les conquêtes pour finalement ne vivre que pour ça.

A chaque confrontation avec la Gent féminine, il pensait à sa tétine encore enroulée dans la fausse pudeur d'un caleçon, semblable à un rideau de théâtre, qui allait s'abaisser pour conclure l'acte réfléchi et civilisationnel laissant place à une animalité révélatrice de sa personne profonde. Il fallait qu'il déverse son trop plein de vie dans un réceptacle fertile, c'est ce que les gènes lui avaient appris quand son Canon à Vie s'était armé de munitions quotidiennes. Finis les génocides dans les lavabos, les douches, les mouchoirs. Finis les créatures de rêves imaginaires qui ne résistaient pas longtemps à ses avances, si pitoyables qu'elles fussent. Il lui fallait du concret, du palpable, les vases communicants étaient devenus son emblème.

Mais avec les années, Charles était devenu un fin stratège de la séduction. Il aimait draguer et cherchait même par moment à plaire sans penser à concrétiser. Son animalité s'était transformée en Art et la Conquête n'était plus uniquement l'apanage de sa seule sexualité. Il entrait sans le savoir dans le véritable monde de la femelle. Il était devenu un psychologue chevronné et avait épousé progressivement la philosophie génétique de la femme.

Déceler une lueur de complicité dans l’œil féminin, rechercher un terreau fertile à l'osmose pour y déployer sa stratégie de prédateur sentimental, jouer la carte du détachement pour attirer par le mystère, Charles était complètement métamorphosé. Le beau gosse ridé était devenu un homme à femmes qui entreprenait de sédentariser sa sexualité. La qualité était devenu bien plus jouissive que la quantité. L'homme avait vaincu l'animal. Autrefois hyène qui sautait sur ses proies nuit et jour, il était devenu une créature nocturne qui ne révélait son animalité qu'après avoir accompli son rôle d'Homme.