Cela faisait maintenant une bonne
demi-heure que Charles jouait au bilboquet avec la tête de Sarah, le
sexe dressé, les mains derrière son crâne moite. Il gagnait à
chaque fois. Faut dire qu'il n'avait pas grand chose à faire, le
trou verbal de Sarah venait à chaque fois épouser la forme de son
col roulé suintant de vie. Il avait une belle vue du haut de son
corps. A chaque remontée de tête, Charles apercevait son sexe
semblable à une langue tirée de manière suave...
Mais au fond vivait-il vraiment cet
instant de plaisir ? Ne s'était-il pas surpris à penser à ses
potes et à commenter intérieurement l'acte auquel il était en
train de s'adonner ? Ne serait-il pas comme la plupart des
Hommes qui n'ont jamais su aimer AIMER ?
Au final, Charles niquait avec ses
potes sans le savoir. Il accumulait les aventures et ne réalisait
pas encore qu'il était complètement manipulé par ses hormones, et
que derrière un plaisir orgasmique de 10 secondes, il y avait tout
un scénario à l'opposé de ce qu'il croyait. L'équilibre et
l'estime de lui qu'il avait atteint le poussait à multiplier les
conquêtes pour finalement ne vivre que pour ça.
A chaque confrontation avec la Gent
féminine, il pensait à sa tétine encore enroulée dans la fausse
pudeur d'un caleçon, semblable à un rideau de théâtre, qui allait
s'abaisser pour conclure l'acte réfléchi et civilisationnel
laissant place à une animalité révélatrice de sa personne
profonde. Il fallait qu'il déverse son trop plein de vie dans un
réceptacle fertile, c'est ce que les gènes lui avaient appris quand
son Canon à Vie s'était armé de munitions quotidiennes. Finis les
génocides dans les lavabos, les douches, les mouchoirs. Finis les
créatures de rêves imaginaires qui ne résistaient pas longtemps à
ses avances, si pitoyables qu'elles fussent. Il lui fallait du
concret, du palpable, les vases communicants étaient devenus son
emblème.
Mais avec les années, Charles était
devenu un fin stratège de la séduction. Il aimait draguer et
cherchait même par moment à plaire sans penser à concrétiser. Son
animalité s'était transformée en Art et la Conquête n'était plus
uniquement l'apanage de sa seule sexualité. Il entrait sans le
savoir dans le véritable monde de la femelle. Il était devenu un
psychologue chevronné et avait épousé progressivement la
philosophie génétique de la femme.
Déceler une lueur de complicité dans
l’œil féminin, rechercher un terreau fertile à l'osmose pour y
déployer sa stratégie de prédateur sentimental, jouer la carte du
détachement pour attirer par le mystère, Charles était
complètement métamorphosé. Le beau gosse ridé était devenu un
homme à femmes qui entreprenait de sédentariser sa sexualité. La
qualité était devenu bien plus jouissive que la quantité. L'homme
avait vaincu l'animal. Autrefois hyène qui sautait sur ses proies
nuit et jour, il était devenu une créature nocturne qui ne révélait
son animalité qu'après avoir accompli son rôle d'Homme.
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