jeudi 8 mars 2012

L'Ordre et la Morale, Mathieu Kassovitz (2011)



Dans son dernier film, Mathieu Kassovitz revient sur la prise d'otages de gendarmes par des indépendantistes canaques sur l'île d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, et sur la libération tumultueuse de ceux-ci. S'appuyant sur le livre du capitaine Legorjus, le réalisateur signe un film politique autant que psychologique.


Tout au long de son film, Mathieu Kassovitz incarne le rôle du capitaine Legorjus, traître malgré lui. C'est d'ailleurs ce personnage qui constitue le cœur du film. C'est à travers lui que l'on va prendre conscience du décalage entre la réalité du terrain et les décisions prises via Paris (en période d'élections présidentielles, ce qui n'arrange rien).

Legorjus semble scindé en deux entre l'ordre qu'on lui donne et sa morale qui lui dicte le contraire. Dans cet homme, il a le Capitaine, qui exécute son travail et obéit aux ordres. Mais il y a aussi l'être humain qui possède une morale inapplicable à la situation absurde dans laquelle il se trouve. D'ailleurs, tout au long du film, Kassovitz ne cesse de finir ses conversations avec ses supérieurs par un « Oui mon général » obligé.


L'Ordre et la Morale » est un film totalement immersif. La bande son est lourde, grave et créé une atmosphère pesante au possible. Les nombreux arrêts sur image et ralentis qui ponctuent le film apportent une proximité encore plus grande entre le spectateur et le film. On se retrouve littéralement happé par cette « guerre » au destin inéluctable. Le suspense y est très présent, surtout quand on ne connaît pas cette histoire tragique et absurde.

L'ïle d'Ouvéa est présentée comme un petit Vietnam, la végétation est dense, les otages quasiment impossible à trouver. Les armes utilisés par les ravisseurs sont ancestrales ( fusils à un coup) comparées à celles des forces de l'ordre. Les clins-d'oeil à Apocalypse Now sont presque visibles. Durant ces 2h10, on suit aux premières loges cette vaste opération cruelle.


Sans mauvais jeu de mot, ce film fout la haine. On en ressort écœuré. Kassovitz filme des indépendantistes Kanaks civilisés et réfléchis, à l'opposé de l'image que s'en font les autorités depuis le continent.

« L'Ordre et la Morale » est le fruit de 8 années de travail. Sa réalisation est soignée, tout comme le message qu'il véhicule. Pourquoi a-t-il reçu un si mauvais accueil chez les médias comme chez le public. On lui reproche un côté caricatural et salissant pour la France. Mais finalement, le film ne porte-t-il pas sur le destin d'un homme qui se retrouve perdu et isolé dans un marasme ambiant et inéluctable ? Les films à polémique ne plaisent pas, car ils obligent à parler du sujet dont ils traitent.


Il est clair que Kassovitz prend parti en tant que réalisateur, mais en tant qu'acteur il endosse le rôle du traître, pour mieux servir sa cause de réalisateur. Tout la finesse du film réside dans le personnage incarné par Kassovitz et non pas sur la prise de position du réalisateur

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