vendredi 10 février 2012

Le Cochon de Gaza, Sylvain Estibal (2011)





Apporter l'humour et la décadence occidentale sur la bande de Gaza pour tourner en ridicule le conflit israélo-palestinien, tel est l'objectif du « Cochon de Gaza ». Et il faut avouer que c'est plutôt bien réussi.


Tout au long du film, on suit l'histoire de Jaafar, pêcheur de Gaza, qui retrouve un cochon dans ses filets. Bien que dégoûté par le vil animal, il entrevoit rapidement la possiblilité d'un commerce avec les colons, qui utilisent les cochons pour désamorcer les bombes. Jaafar est donc chargé d'apporter de la semence de porc aux colons avec les moyens du bord.


Comédie burlesque et subversive, « Le Cochon de Gaza » décrit l'absurde par l'absurde. Sur un ton très léger, le film aborde des thèmes de fonds comme la cohabitation entre juifs et arabes ou "l'Occupation" vide de sens. Mais la force de cette comédie, c'est la mise en avant des points communs entre juifs et arabes : le soldat israélien et la femme de Jaafar regardent le même feuilleton télévisé et nouent un début de relation humaine, en discutant des sentiments des personnages qu'ils voient évoluer. Mais chacun rêve d'un chez soi. Le soldat israélien veut rentrer à Tel-Aviv, la femme de Jaafar veut que les colons s'en aillent pour retrouver un semblant d'intimité.


Toujours avec cette légèreté profonde, « Le Cochon de Gaza » parvient à montrer les relations contrastées entre les deux peuples. Ils se détestent officiellement mais se ressemblent humainement, quotidiennement comme culturellement. Mis à part les habits, on a l'impression qu'il n'y a qu'un seul peuple. Ce « peuple hybride » semble se parler à lui-même tout en n'étant pas d'accord sur une même idée bien que pensant la même chose. La scène où un groupe de palestiniens, un plot de chantier à la main, débute un dialogue de sourd avec un groupe d'israéliens, un haut-parleur à la main, est très représentative de cette absurdité ambiante. Les palestiniens paraissent semblables aux israéliens, la classe sociale en moins.


Enfin, on ne peut parler de ce film sans évoquer le fameux cochon. Comme le chien dans "The Artist", le cochon est un acteur à part entière dans le film. C'est la petite touche irréelle qui vient apporter un peu de réalisme, une sorte d'introduction au gag sérieux que constitue le film. C'est finalement le seul personnage qui semble libre dans le film. Et putain que ça donne faim tout ça!!


Bref, « le Cochon de Gaza » est une comédie courageuse et intelligente, drôle et émouvante, lucide et utopique ( la scène finale est très réussie). Peut-être que ce genre de film donnera des idées aux réalisateurs israéliens et palestiniens et fera émerger un cinéma subversif comme on peut l’apercevoir en Iran par exemple. Le cinéma israélien a tendance à faire de l'occidental, en traitant de sujets tels que l'homosexualité ou le terrorisme. Il y a très peu de films ( à ma connaissance) qui traitent du conflit israélo-palestinien de manière intelligente. Pourtant Israël comme la Palestine, tout comme le regard que les pays alentours portent sur ces deux moitiés de pays, pourrait en sortir changé. Le Cinéma a cette force là, autant l'utiliser.

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